La Mélancolie
Autoportrait
Armand-Louis de Gontaut, duc de Biron, général en chef de l'armée du Rhin, vers 1792.
Le maréchal Lannes
La Mélancolie
Auteur : CHARPENTIER Constance-Marie
Lieu de conservation : musée de Picardie (Amiens)
site web
H. : 130 cm
L. : 165 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais / image RMN-GP
M.P.2004.17.133 - 74-001184
Les artistes femmes au début du XIXe siècle
Date de publication : Février 2009
Auteur : Saskia HANSELAAR
Vers 1800, de plus en plus de femmes participent à la vie artistique française, mues par le désir commun de tenir un rôle en dehors de la sphère familiale et d’échapper au statut restreint voulu par la misogynie des révolutionnaires. Malgré l’action de certaines personnalités politiques tels que le marquis de Condorcet ou Olympe de Gouges, la Révolution ne donne pas de droits civiques substantiels à la femme, et celle-ci n’est encore l’égale des hommes ni devant la loi, ni devant la société. Pourtant, à la fin du XVIIIe siècle, Élisabeth Vigée-Le Brun, Anne Vallayer-Coster, Adélaïde Labille-Guiard en France avaient réussi à entrer dans certaines académies de peinture et avaient acquis une indépendance ainsi qu’une gloire liée à leur nom propre et non à celui de leurs maris – ces trois femmes portent leur nom de jeune fille suivi de leur nom marital.
Les artistes du début du XIXe siècle désirent marcher dans leurs pas afin d’exposer au-delà de la sphère privée. Formées pour la plupart par de grands noms du classicisme antiquisant tels David ou Regnault, mais également par d’autres femmes telle Adélaïde Labille-Guiard, qui aime enseigner, elles occupent une place de plus en plus importante jusque dans les années 1820 : Constance Mayer, élève de Pierre Paul Prud’hon, fait partie de ces femmes peintres qui réussissent ainsi à se faire un nom en peinture. Mais la peinture d’histoire, la plus noble, exclusivement réservée aux peintres masculins, leur est encore défendue pour cause de convenance : une femme ne peut pas représenter un nu héroïque. De ce fait, elles sont bien souvent cantonnées aux genres dits mineurs, comme les natures mortes ou les scènes anecdotiques. Le succès de ces genres prisés par les amateurs pourrait en partie expliquer une plus grande visibilité des femmes peintres au début du XIXe siècle.
Constance Charpentier est une des plus intéressantes femmes peintres au début du XIXe siècle. Élève entre autres de David et de François Gérard, elle est fortement inspirée par l’art sévère de la fin du XVIIIe siècle. La Mélancolie, présentée au Salon en 1801, figure une jeune femme de profil habillée à l’antique par un soir de pleine lune. L’attitude de la femme, dont les membres sont relâchés et les yeux perdus dans le vague, est typique de la représentation de ce sentiment au début du siècle et explique son succès lors de sa présentation au Salon. Loin d’être passive comme la femme qu’elle a représentée, Constance Charpentier n’hésite pas à se positionner en tant que peintre d’histoire et à se mesurer à la critique et aux hommes peintres, puisque la même année François-André Vincent, un des ténors du retour à l’antique, présente lui aussi une Mélancolie (1801, musée du château de la Malmaison).
Au contraire de Constance Charpentier, Henriette Lorimier assume sa fonction de peintre de portraits et de genre anecdotique. En effet, dans cet autoportrait réalisé vers 1805, l’artiste tient d’une main une palette et de l’autre du fusain. Elle s’impose au spectateur dans un intérieur qui témoigne de sa réussite sociale. Elle porte une robe de velours orangé, offrant ainsi un aperçu de la mode de l’époque ; la taille, très haute, est soulignée par des médaillons dans le style antiqua. Avec dans ses mains les attributs de sa fonction, elle esquisse un autre de ses tableaux, La Chèvre nourricière, succès critique au Salon de 1804. Lorimier exploite avec succès le genre anecdotique et montre tout son talent de portraitiste dans ce tableau.
Dès les années 1830, l’âge d’or des femmes peintres du début du XIXe siècle est déjà révolu. Le chantier du musée d’Histoire de France de Versailles permet à certaines d’entre elles, comme Cornélie Revest ou Julie-Louise Volpelière, de continuer à exister par la copie. En effet, mettant leur talent à copier celui d’un autre, ces deux élèves de Sérangéli présentent des portraits de gradés de l’Empire, d’après Georges Rouget pour la première et François Gérard pour la seconde. Dans son portrait du maréchal Lannes, Volpelière révèle toute la finesse de sa touche. Cornélie Revest, qui tient elle-même un atelier pour femmes, réalise elle aussi une œuvre d’une grande fraîcheur.
Les artistes du début du XIXe siècle, encore influencées par les libertés qu’avaient gagnées leurs aînées, c’est-à-dire de pouvoir librement exposer aux Salons sans faire partie d’une académie ou d’une société des arts, osent des œuvres où elles affirment leur statut de peintre d’histoire comme le fait Constance Charpentier ou qui illustrent leur succès telle Henriette Lorimier. Encore jugée dans un esprit hérité des Lumières, la femme artiste, bien que souvent dépréciée par certains critiques, arrive jusque dans les années 1820 à rester visible sur la scène artistique.
S’il était de bon ton qu’une femme s’intéresse à la peinture au début du XIXe siècle, la mentalité de la société après la Restauration restreint encore plus la femme au cercle familial. Même si elles sont de plus en plus nombreuses à participer aux Salons, il leur est difficile d’exprimer leur talent, car elles n’ont accès qu’à un enseignement amateur, ne reçoivent que des commandes de copies et doivent supporter des critiques acerbes. Le cas de Marie-Guillemine Benoist apporte un exemple de ce changement, puisque, obligée de renoncer à son art par la position de haut fonctionnaire de son mari, celle-ci s’écrie : « Mais tant d’études, tant d’efforts, une vie de travail acharné, et après une longue période d’épreuves, enfin le succès ! Et puis voir soudain tout cela comme un objet de honte ! Je ne pouvais m’y résoudre. Mais tout est bien ainsi, n’en parlons plus ; je suis devenue raisonnable… » Après ces pionnières, très peu de noms marquent les esprits, et les femmes de la seconde moitié du XIXe siècle devront exiger un enseignement professionnel pour retrouver cet âge d’or du début du siècle.
BLANC Olivier, Portraits de femmes : artistes et modèles à l’époque de Marie-Antoinette, Paris, Didier Carpentier, 2006.
NOCHLIN Linda, SUTHERLAND HARRIS Ann, Femmes peintres (1550-1950), Paris, Des Femmes, 1981.
SOLOMON-GODEAU Abigail, Male Trouble : a representation in crisis, Londres, Thames and Hudson, 1997.
Saskia HANSELAAR, « Les artistes femmes au début du XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/artistes-femmes-debut-xixe-siecle
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