Henri IV s'appuyant sur la Religion pour donner la Paix à la France
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée national et domaine du château de Pau (Pau)
site web
H. : 33 cm
L. : 25,5 cm
huile sur bois
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (Château de Pau) / René-Gabriel Ojeda
P.80-10-1 6 96-020573
Henri IV et la paix
Date de publication : Avril 2015
Auteur : Jean-Marie LE GALL
Depuis 1562 la France est plongée dans des guerres de religion. La mort de François duc d’Anjou en 1584, dernier frère d’Henri III lui-même sans enfant ouvre la perspective de l’avènement d’un roi hérétique et excommunié, Henri de Navarre (1553-1610). Contre lui, une ligue de grands seigneurs conduit par les Guise et appuyée par de nombreuses villes se met en place. Elle affaiblit l’autorité du roi Henri III qui fait exécuter le duc de Guise et son frère le cardinal de Guise en 1588. Cet acte jugé tyrannique provoque l’assassinat du souverain par un religieux Jacques Clément en 1589.
La guerre civile n’oppose pas seulement des catholiques à des protestants mais aussi au sein des catholiques, ceux qui reconnaissent le roi Henri IV, protestant convertis au catholicisme, et ceux qui le refusent. Celui qu’on appelle le Béarnais mettra neuf ans à conquérir et pacifier son domaine. Ce tableau anonyme de petite taille, 33x25 cm, présente un jeune Henri de Navarre qui a les traits immortalisés par François Bunel le Jeune, portraitiste entré au service du roi de Navarre en 1583 et dont le portrait établi à la Rochelle en 1587 a largement circulé sous forme de gravures.
Vêtu d’une armure à la romaine et d’un manteau fleurdelysé qui signale qu’il est devenu le roi légitime, Henri IV est désarmé, puisque les putti (angelots) portent casque, jambière, bouclier et que son épée est tournée vers le ciel suggérant que si c’est pour Dieu qu’il combat, le combat doit être désormais, avant tout spirituel.
Ici-bas, le roi tend un rameau d’olivier qui est le symbole de la paix mais aussi l’arbre d’Athena-Minerve, dont le buste apparaît sur le bouclier. Cette déesse de la guerre, de la victoire est aussi celle de la raison, de la sagesse et de la prudence. Le rameau d’olivier est tendu à une allégorie de la France. Par la force et la raison, le roi propose donc de pacifier une France qui est divisée par les passions religieuses.
Mais cette paix ne peut se faire sans ou contre la religion puisque le rameau tendu l’est aussi par une allégorie de la religion. Mais laquelle ?
Toute l’ambiguïté de ce tableau découle de l’absence de datation et des retouches qui ont été faites. Quelle est la religion qui aide à pacifier la France ? La critique s’accorde à penser qu’elle est figurée sous les traits de la maitresse du roi depuis 1590 (jusqu’à sa mort en 1599), la catholique Gabrielle d’Estrée. La religion porte sur ses genoux la Bible qu’on ne saurait attacher à une confession plus qu’à une autre. Cette indécision religieuse n’est pas sans évoquer les hésitations religieuses du roi.
En témoigne les discussions de quelques réformés tels Jean de Serres (historiographe du roi de 1596 à sa mort en 1598), ou Jean Hotman de Villiers, en faveur de la recherche d’une concorde religieuse fondée sur ce qui rassemble plus que sur ce qui divise. En septembre 1592, Jean Hotman écrit ainsi à Genève que le roi veut « voir ses sujets unis en l’estat et unis la religion et que l’église gallicane reprenne sa première intégrité » tandis que Jean de Serres affirme en 1594 que « tant peut la religion pour unir les cœurs dans l’Etat ». Cette recherche d’un credo commun a été expérimenté au colloque de Poissy en 1561 et reste l’horizon d’attente que l’édit de Nantes envisage pour l’avenir.
Mais pour l’heure, la pacification du royaume ne se fit pas par la concorde religieuse mais par la tolérance civile fondée sur reconnaissance de deux religions, l’une celle du royaume et du roi, converti au catholicisme depuis 1593, et l’autre, réformée, tolérée par un régime de privilèges dérogatoires accordés par l’édit de Nantes de 1598.
C’est après la conversion du roi ou après l’édit de Nantes que la personnification de la religion fut retouchée et catholicisée avec un crucifix et un calice surmonté d’une hostie, symbole de la présence réelle, autant d’objets que les protestants avaient entendu éradiquer par l’iconoclasme et la violence désacralisatrice.
CHRISTIN Olivier, La paix de religion : l’autonomisation de la raison politique au XVIe siècle, Paris, Le Seuil, coll. « Liber », 1997.
CROUZET Denis, Les guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion (vers 1525 – vers 1610), Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 1990.
GARRISSON Janine, L’édit de Nantes et sa révocation : histoire d’une intolérance, Paris, Le Seuil, coll. « Points : histoire » (no 94), 1987.
VIVANTI Corrado, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquères, coll. « La mesure des choses », 2006.
WANEGFFELEN Thierry, Ni Rome, ni Genève : des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque littéraire de la Renaissance : série 3 » (no 36), 1997.
Jean-Marie LE GALL, « Henri IV et la paix », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/henri-iv-paix
Lien à été copié
Découvrez nos études
La France offrant la Liberté à l’Amérique
Jean Suau est un peintre d’histoire quelque peu oublié, né en 1755 et mort en 1841. Il fut l’élève du chevalier de Rivalz (Pierre Rivalz) et le…
Conseil économique du travail
Lors du premier conflit mondial, la CGT se révèle un partenaire efficace de l'Union sacrée. Forte de cette…
L’Alsace, province perdue
L’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine par l’Allemagne en 1871 provoqua…
Les emprunts nationaux de 1916 et 1917
Dès les premières semaines de la guerre, à l’automne 1914, les réserves de…
La courtisane, un monstre ?
Le recours à l’allégorie pour dénoncer la prostitution est très fréquent au XIXe siècle…
Le mémorial du siège de Paris
Décrété le 19 septembre 1870, le siège dure jusqu’à l’armistice du 28 janvier 1871. Le commandement allemand s’est installé à…
Le Tombeau de Turenne
Le 17 avril 1676, le neveu de Turenne, cardinal de Bouillon, passa commande d’un mausolée en mémoire de son…
Allégorie du Retour des Bourbons le 24 avril 1814 : Louis XVIII relevant la France de ses ruines
Nul n’aurait songé à restaurer les Bourbons sur le trône de France si la défaite puis l’abdication de Napoléon n’avaient…
Marie Curie et la presse
Marya Sklodowska est née à Varsovie, en 1867, en Pologne alors partie intégrante de l’Empire russe et décède en…
L’échange des princesses
En 1622, Marie de Médicis passe commande au célèbre peintre anversois Rubens d’une série de toiles destinées à former un…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel