Charles Baudelaire
Portrait de Baudelaire
Charles Baudelaire
Auteur : DEROY Emile
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
H. : 80 cm
L. : 65 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Franck Raux
MV 5682 - 15-528601
Baudelaire, un artiste au XIXe siècle
Date de publication : Octobre 2003
Auteur : Jérémie BENOÎT
En 1844, Baudelaire est encore inconnu. Il vit à Paris avec sa maîtresse noire, Jeanne Duval, à qui il offrira ce portrait peint à l’hôtel Pimodan où habite alors le couple. Baudelaire commence seulement à écrire, sur les Salons en particulier, mais n’a encore rien donné d’essentiel. Il rêve autant d’exotisme que de dandysme, préférant les paradis artificiels aux réalités d’une société de petits-bourgeois qui le dérange dans ses enthousiasmes pour l’ascèse artistique.
C’est le jeune homme de vingt-trois ans, farouchement indépendant, que Deroy a représenté dans ce portrait très particulier. Baudelaire regarde le spectateur de face, directement, mais dans une sorte de recul qui provoque l’interrogation. « Qui suis-je ? Que penses-tu de moi ? Comment me juges-tu ? », semble demander le futur poète qui paraît se replier sur lui-même, s’enfermer dans un univers où seuls les longues mains aristocratiques et le regard manifestent la vie. Mais c’est une vie de torture, de pensées contradictoires, où les convictions (regard) le disputent à l’angoisse (main). La réflexion semble déboucher pourtant sur l’écriture symbolisée par cette main mouvante et nerveuse qui annonce le futur grand génie. Tout est en opposition dans ce portrait à la touche enlevée qui semble annoncer l’expressionnisme. Artiste méconnu, mort trop jeune pour avoir pu donner sa mesure, Deroy est vraisemblablement plus novateur qu’on ne le pense. Car c’est surtout aux premières œuvres de Cézanne, en particulier le Portrait d’Achille Emperaire (musée d’Orsay), que semble s’apparenter ce portrait.
C’est un artiste en puissance qui est représenté ici par un jeune peintre quasiment inconnu, contrairement à la normale qui veut que le tableau consacre la notoriété, comme dans les portraits de Balzac ou de Barbey d’Aurevilly. En ce sens, tout est novateur dans cette œuvre brillante, aussi bien l’attitude de Baudelaire que sa signification, manifestée par cette main agitée sur son potentiel d’avenir. Tout est là, dans cette main. Ce n’est pas l’écrivain qui est peint ici, écrivain encore inconnu, ou l’image qu’en a l’artiste, mais l’espoir qu’il met en son avenir. A l’inverse, Courbet, dans son Portrait de Baudelaire conservé au musée Fabre à Montpellier, a représenté l’écrivain plongé dans ses études. Portrait original aussi que celui-ci, qui montre moins la figure de l’écrivain qu’un type d’homme de lecture et de réflexion. Pourtant Courbet semble moins s’intéresser à Baudelaire qu’à la peinture elle-même. Le modèle n’est que prétexte à réaliser une œuvre où la matière, crayeuse, constitue la véritable recherche. Lui aussi annonce les représentations humaines de Cézanne, mais dans les compositions très solidement construites de sa maturité.
Jean Ziegler Émile Deroy (1820-1846) et l’esthétique de Baudelaire in Gazette des Beaux-Arts, 1976.
Catalogue de l’exposition Face à face. Portraits d’artistes Mantes-la-Jolie, Saint-Denis, Meaux, 1998.
Jérémie BENOÎT, « Baudelaire, un artiste au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/baudelaire-artiste-xixe-siecle
Lien à été copié
Découvrez nos études
Rue transnonain, le 15 avril 1834
Les premières années du règne de Louis-Philippe sont marquées par divers mouvements populaires dont la répression fait rapidement retourner à l’…
Coin de table
Cette toile appartient à une série de portraits de groupe peints par Fantin-Latour. Elle représente des hommes de lettres appartenant à la…
Nadar, l’art et la photographie
Le tournant des années 1850-1860 marque une étape cruciale quoiqu’en partie méconnue dans l’histoire de la…
Baudelaire, un artiste au XIXe siècle
En 1844, Baudelaire est encore inconnu. Il vit à Paris avec sa maîtresse noire, Jeanne Duval, à qui il offrira ce portrait peint à l’hôtel Pimodan…
Archéologie et imaginaire néogrec au milieu du XIXe siècle : Ingres, Papéty et Gérôme
Si elle continue de nourrir la peinture d’histoire comme la peinture de genre, la référence à l’…
Édouard Drumont, le chantre de l’antisémitisme dans la France de la fin du XIXe siècle
La photographie de Pierre Petit appartient à la célèbre collection Félix Potin. Ce précurseur dans le…
Courbet, peintre réaliste de la société
En 1854 ou 1855, Gustave Courbet peignit un grand tableau de 6 mètres sur 3 mètres, L’…
L’Hommage à Delacroix, manifeste de Fantin-Latour
Cette toile est composée peu de temps après la mort de Delacroix, en hommage au peintre disparu en 1863. Érigé en chantre de la modernité dès les…
Baudelaire photographié par Nadar
Nadar, dessinateur, caricaturiste, journaliste et romancier devient un des photographes les plus courus de la capitale en ouvrant un atelier rue…
Andr
Amateurs de népenthès aigu et de bonne ciguë, retrouvez sur Gallica les épreuves d'imprimerie des Fleurs du mal annotées par Baudelaire et son éditeur Poulet-Malassis http://bit.ly/TSwMCx
Ossian || Rectification
M.C. Baudelaire n’était en rien féru de « paradis artificiels » dont il a fait une vigoureuse critique dans son ouvrage éponyme. Pourra-t-on cesser un jour de lui attribuer cette réputation de junkie décavé et relire honnêtement son oeuvre avec l’intelligence qu’elle mérite? Cet auteur serait bien anéanti de savoir que la condamnation odieuse et inepte des FDM le poursuit de façon posthume à travers une image de déchéance infamante qui ne reflète en rien l’être qu’il fût. Son ironie mordante semble encore bien trop supérieure même-( et surtout?)-aujourd’hui pour un trop grand nombre de commentateurs. Lamentable.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel