Aller au contenu principal
Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville

Anne-Geneviève de Bourbon-Condé, duchesse de Longueville

Date de création : 1635-1700

H. : 81,5 cm

L. : 66 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / Christian Jean / Jean Schormans

Lien vers l'image

MV 2055 - 84-000342

La duchesse de Longueville

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Jean HUBAC

Un portrait conventionnel

Ce portrait est attribué à l’atelier de Charles et Henri Beaubrun, qui s’illustrèrent dans l’art du portrait de cour sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, surtout dans celui des reines de France et des dames de la noblesse. On doit en particulier à Charles Beaubrun (1604-1692) des portraits d’Anne d’Autriche et de Marie-Thérèse d’Autriche.

Cette œuvre appartient à une série homogène de portraits de dames de la cour conservée au château de Versailles – homogénéité en raison de leur format, de la pose des dames de la noblesse (toutes assises, tournées de trois quarts vers la gauche ou vers la droite, représentées en robe de soie où dominent souvent le blanc et le bleu, ornée d’un collier de perles et de boucles d’oreille, coiffées à la mode du milieu du siècle…), de l’inscription en grandes lettres dorées indiquant les qualités de la dame peinte. Le portrait de la princesse Anne-Geneviève de Bourbon (1619-1679) se dévoile comme une œuvre de belle facture à la composition symétrique, mais sans réelle originalité artistique.

Une princesse du sang

Représentée de trois quarts et légèrement tournée vers la gauche, assise sur une chaise de style Louis XIII recouverte de tissu rouge, Anne-Geneviève de Bourbon apparaît dans la fleur de l’âge. Célébrée pour sa beauté autant que pour son esprit, la princesse est représentée dans une riche robe bleue largement décolletée et décorée de perles et pierres semi-précieuses. Sa carnation claire et ses boucles blondes (mises en valeur par la couleur sombre du fond), chantées par ses contemporains, en font un idéal de beauté que vient rehausser un simple collier ras-de-cou. Ses yeux fixés dans le vague, dont la couleur peinte ne permet pas de distinguer le bleu turquoise, renvoient à une attitude rêveuse qui peut faire écho à l’idéal nobiliaire et aventureux que la princesse puise dans les romans contemporains. Elle tient entre ses doigts un bouquet de fleurs, renvoi implicite à sa propre beauté et au caractère éphémère de la vie.

Anne-Geneviève de Bourbon est la fille d’Henri II de Bourbon, prince de Condé, et de Charlotte de Montmorency. Princesse de sang royal, elle allie le prestige et la richesse. Sœur aînée de Louis, prince de Condé (dit le Grand Condé), et d’Armand, prince de Conti, elle a une haute opinion de son rang et de son sang, même si elle doit épouser en 1642 le duc Henri de Longueville. On ne sait pas à quelle date a été peint ce portrait, même s’il s’agit probablement d’une œuvre des années 1640, époque à laquelle elle fréquente les hôtels les plus en vue de Paris.

Une Amazone frondeuse

Ce dont cette œuvre rend mal compte, c’est la vie aventureuse d’Anne-Geneviève de Bourbon, qui a tout de la geste héroïque célébrée dans les romans du premier XVIIe siècle (Madeleine de Scudéry lui dédie d’ailleurs Artamène ou le Grand Cyrus). Elle traverse le siècle et en épouse les richesses comme les excès. Partagée entre influence mystique et plaisirs mondains de la vie de salon (elle est une figure essentielle du salon de l’hôtel de Rambouillet) et de la vie de cour, elle vit ses premières décennies sous les feux de la flatterie et de la fortune. Frondeuse précoce dès 1648, elle n’a de cesse de s’opposer avec détermination au cardinal Mazarin, dont elle conteste le pouvoir et dont elle ne supporte pas le refus d’accéder à tous les caprices de son frère le Grand Condé. Parmi les premières princesses du sang à soutenir la Fronde parlementaire, elle se fond sans peine dans la Fronde des princes (et des princesses), qu’elle défend avec fougue à Paris, en Normandie puis à Bordeaux, surtout pendant la captivité de ses deux frères et de son mari de janvier 1650 à février 1651. C’est aussi durant cette période qu’elle noue une relation avec le prince de Marcillac, futur duc de La Rochefoucauld.

Venue à résipiscence du bout des lèvres après 1653 – car elle estime n’avoir accompli que son devoir –, elle connaît une période religieuse de quelques années au terme desquelles elle épouse la cause du jansénisme, après sa rencontre avec Singlin puis avec Lemaistre de Sacy. Son intercession inlassable en faveur des jansénistes échoue à rendre moins rude l’aversion de Louis XIV à leur encontre. Elle se dépense pourtant sans compter dans ce nouveau combat, en agissant auprès du roi ou du pape. En 1669, la paix de l’Église (ou paix clémentine) permet au jansénisme de connaître un répit qui dure jusqu’à la mort de la duchesse. La fin de sa vie est obscurcie par le décès de son fils cadet et par les troubles psychiques de son fils aîné. Ses dernières années sont celles d’une grande aristocrate à mi-chemin entre le monde et Dieu, qu’elle rejoint le 15 avril 1679.

Anne-Geneviève de Bourbon se montre ainsi représentative de ces frondeuses étudiées par Sophie Vergnes, dont l’image brouillée allie conjointement la noblesse de l’esprit avec celle du sang, le sens de l’intrigue et la défense d’intérêts dynastiques, la conversion et la fin de vie édifiante. Digne héritière des Bourbon-Condé et des Montmorency, elle appartient pleinement à cette « noblesse en liberté » (J.-M. Constant) qui s’accommode mal de l’affirmation de l’absolutisme.

BÉGUIN Katia, Les princes de Condé : rebelles, courtisans et mécènes dans la France du Grand Siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 1999.

CONSTANT Jean-Marie, La folle liberté des baroques (1600-1661), Paris, Perrin, coll. « Pour l’histoire », 2007.

LEBIGRE Arlette, La duchesse de Longueville, Paris, Perrin, 2004.

VERGNES Sophie, Les frondeuses : une révolte au féminin (1643-1661), Seyssel, Champ Vallon, coll. « Époques », 2013.

Jean HUBAC, « La duchesse de Longueville », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/duchesse-longueville

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La Grande Mademoiselle

La Grande Mademoiselle

Un portrait allégorique

Les portraits d’Anne-Marie-Louise d’Orléans, duchesse de Montpensier, dite la Grande Mademoiselle, sont nombreux et les…

Un Frondeur invétéré : le cardinal de Retz

Un Frondeur invétéré : le cardinal de Retz

Graver un prince de l’Église

Gilles Rousselet (1610-1686) est un illustre représentant du monde des graveurs du Grand Siècle. Il participe en…

Portraits d’Anne d’Autriche

Portraits d’Anne d’Autriche

Anne d’Autriche, épouse de Louis XIII et mère de Louis XIV

La jeune infante d’Espagne Anne d’Autriche, fille aînée de Philippe III née en 1601,…

Portraits d’Anne d’Autriche
Portraits d’Anne d’Autriche
Le prince de Condé

Le prince de Condé

Le prince et le peintre

Le 19 mai 1643, le jeune Louis II de Bourbon, duc d’Enghien, fils aîné du prince de Condé et cousin du roi de France,…

Portrait du cardinal Mazarin

Portrait du cardinal Mazarin

Le portrait de Mazarin a été commandé à Pierre Mignard. L’artiste, après un séjour à Rome où il s’est fait une grande réputation, a été rappelé en…

Scène de dragonnade (Fin XVII<sup>e</sup> siècle)

Scène de dragonnade (Fin XVIIe siècle)

Le protestantisme dans la clandestinité

Dans un genre très répandu au XVIIe siècle, notamment depuis l’épisode de la Fronde, cette gravure de…

Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris

Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris

Le portrait collectif d’un corps municipal

Peint à la fin de l’année 1647 ou au début de l’année 1648, à la veille de la Fronde, le portrait…

Louis XIV en Jupiter – Louis XIV en Apollon

Louis XIV en Jupiter – Louis XIV en Apollon

La construction d’une propagande royale

Si ces deux œuvres s’insèrent dans la politique de propagande monarchique, elles se distinguent par leur…

Louis XIV en Jupiter – Louis XIV en Apollon
Louis XIV en Jupiter – Louis XIV en Apollon
Allégorie de la régence d’Anne d’Autriche

Allégorie de la régence d’Anne d’Autriche

La régence d’Anne d’Autriche

Si sa date de réalisation est attestée – 1648 –, on ignore à la fois qui a commandé la toile et son emplacement…

La comtesse de La Fayette

La comtesse de La Fayette

Le portrait perdu d’une précieuse

Fils du peintre flamand Ferdinand Elle, célèbre portraitiste naturalisé sous le règne de Louis XIII, Louis Elle…