Aller au contenu principal
Compagnie générale Transatlantique,

Compagnie générale Transatlantique, "Le France"

H. : 0,792 cm

Lithographie coloriée.

Domaine : Affiches

© RMN-Grand Palais (MuCEM) / Jean-Gilles Berizzi

Lien vers l'image

735455 F - 05-513829

La Course des transatlantiques

Date de publication : Septembre 2008

Auteur : Alexandre SUMPF

La course des transatlantiques

Le dernier tiers du XIXe siècle voit triompher la vitesse en mer grâce à la maîtrise de la vapeur, puis à l’invention de moteurs de plus en plus puissants. L’enjeu est économique : à l’heure des empires coloniaux et du développement des nouveaux mondes en Amérique et en Océanie, il faut pouvoir transporter beaucoup, loin et vite. Traditionnelle maîtresse des mers, la Grande-Bretagne a vu son avance fondre et son adversaire changer de visage : à l’orée du XXe siècle, ce n’est plus la France, mais l’Allemagne qui conteste son leadership. Cependant, la position géographique de la nouvelle puissance européenne est un handicap qui laisse Français et Britanniques se livrer une bataille sans merci pour la liaison avec les États-Unis – nouvel eldorado commercial et terre d’émigration pour des millions d’Européens.

Le 20 avril 1912, quand est lancé le France (une semaine après le naufrage du Titanic), la Compagnie générale transatlantique fondée en 1855 par les frères Pereire dessert depuis plus de cinquante ans les lignes transatlantiques, comme entre Le Havre et New York, grâce à un contrat postal passé avec l’État français. Ce bateau est le deuxième du nom : le premier, armé en 1864, avait été depuis dépassé par les importantes évolutions techniques qui permettaient notamment de traverser l’océan Atlantique en sept jours. Grâce au Bourgogne qui atteint cette vitesse en 1886, la Compagnie l’emporte alors sur ses concurrents dans le domaine lucratif de l’acheminement postal. Mais la lutte maritime avec les Britanniques de la Cunard s’exacerbe, tandis que les conflits sociaux et les accidents se multiplient. La reconquête du marché transatlantique passe donc par le lancement du plus grand bateau jamais construit dans le pays : le France.

Le « France » en majesté

Le peintre Albert Sébille (1874-1953) a réalisé de nombreuses images de paquebots, en particulier ceux de la Compagnie générale transatlantique – pour les anglophones, la « French Line ». La mise en scène du France, réaliste, est moins impressionnante (ou grandiloquente !) que celle choisie pour mettre en valeur des navires de l’entre-deux-guerres comme le Paris ou l’Ile-de-France. Il s’agit non pas d’une affiche publicitaire – elle indiquerait forcément le nom de la ligne desservie, les jours de départ et les tarifs –, mais d’une lithographie à usage sans doute plus privé, un tableau à offrir. La composition, sobre et organisée horizontalement, est centrée sur le paquebot lui-même, reconnaissable à l’époque même sans sous-titres : il était en effet le seul de la flotte française à posséder quatre cheminées, car il était doté de quatre turbines à expansion. Cela en faisait l’un des transatlantiques les plus rapides, avec le Lusitania et le Mauretania de la Cunard.

Le France occupe le tiers médian de l’image et imprime sa marque aux deux autres tiers : le ciel est découpé par le navire, la mer est fendue par sa vitesse ; à la fumée rabattue vers l’arrière répond la double vague soulevée par l’étrave. Les détails sont minutieusement rendus : on voit nettement l’ancre énorme et même des passagers accoudés au bastingage ; on note surtout la présence de nombreux canots de sauvetage : le France se targuait d’en avoir suffisamment pour tous ses passagers… Le France vient ici de quitter le port de New York. À l’extrême droite du paquebot apparaissent les contours de la ville et ceux du pont de Brooklyn, inauguré en 1883. À l’extrême gauche se dresse la statue de la Liberté, dos tourné à la métropole américaine pour mieux regarder en direction de l’Europe.

Le symbole de l’Europe d’avant la crise

Le France devait s’appeler en fait le « Picardie », mais fut renommé in extremis pour mieux assurer son prestige naissant. Le lancement de cet imposant paquebot d’acier de plus de 23 000 tonneaux coïncide avec une volonté de reconquête d’un marché où abondent désormais les géants des mers, comme le Titanic. Ce navire de la White Star Line, d’une jauge de 45 000 tonneaux, avait fait naufrage quelques jours avant que le France n’appareille, brisé dans sa course à la vitesse par un iceberg à la dérive. Quant au Lusitania, autre concurrent sur l’océan, il fut coulé en 1915 par les torpilles des sous-marins allemands, événement qui favorisera le retournement de l’opinion américaine pour l’entrée en guerre en Europe.

Au cours de la Grande Guerre, comme nombre de bateaux de la Compagnie générale transatlantique, le France sert au transport de troupes, puis de navire-hôpital. Après le conflit, il retrouve son luxe d’antan, au point qu’on le surnomme le « Versailles des mers ». Mais le France est désarmé en 1932, victime de la crise et surtout de la comparaison avec les nouveaux palais flottants. Après avoir été le champ d’une bataille européenne, la liaison entre l’Europe et les États-Unis devient petit à petit la chasse gardée des Américains : le voyage transatlantique a changé de sens.

 

Alexandre SUMPF, « La Course des transatlantiques », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/course-transatlantiques

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Hiroshima après la Bombe

Hiroshima après la Bombe

Montrer Hiroshima

L’assemblage de Little Boy, son installation dans la soute du B-29 Enola Gay, le décollage de l’appareil, le raid aérien, le…

Hiroshima après la Bombe
Hiroshima après la Bombe
Le Pont aérien lors blocus de Berlin

Le Pont aérien lors blocus de Berlin

Berlin, la guerre sans fin

En 1948, Berlin n’en finit plus de se relever de ses ruines. La capitale du Troisième Reich à l’architecture…

Le Pont aérien lors blocus de Berlin
Le Pont aérien lors blocus de Berlin
L’Alunissage le 20 juillet 1969

L’Alunissage le 20 juillet 1969

Un rêve devenu réalité

Le 20 juillet 1969, en direct en Mondovision, un homme pose le pied sur la Lune. Puis, 19 minutes après sa…

L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine

L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, la France accueille volontiers les nombreux artistes américains qui viennent parfaire leur…

L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L'influence de l'impressionnisme dans la peinture américaine
L’intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale

L’intervention des États-Unis dans la Première Guerre mondiale

L’intervention des Américains

Les Etats-Unis, qui avaient d’abord résolu de rester neutres, en 1914, sont entrés en guerre, le 6 avril 1917, aux…

La France offrant la Liberté à l’Amérique

La France offrant la Liberté à l’Amérique

Jean Suau est un peintre d’histoire quelque peu oublié, né en 1755 et mort en 1841. Il fut l’élève du chevalier de Rivalz (Pierre Rivalz) et le…

Alice Guy, la femme à la caméra

Alice Guy, la femme à la caméra

On ne naît pas cinéaste, on le devient

Au début des années 1910, l’Europe n’est pas encore en guerre et les États-Unis sont encore un Nouveau…

Alice Guy, la femme à la caméra
Alice Guy, la femme à la caméra
L’expédition de Cavelier de La Salle pour la Louisiane

L’expédition de Cavelier de La Salle pour la Louisiane

Jean Antoine Théodore de Gudin est aujourd’hui un peintre oublié. Cet exact contemporain de Victor Hugo, fils du général d’Empire Charles Étienne…

L'aide américaine en Picardie

L'aide américaine en Picardie

Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en Europe, de nombreux volontaires américains traversent l’Atlantique pour venir en aide aux alliés…
L'aide américaine en Picardie
L'aide américaine en Picardie
L'aide américaine en Picardie
L'Aviation dans la Guerre de 14-18

L'Aviation dans la Guerre de 14-18

De l’aventure à la guerre

Depuis le début du XXe siècle, les débuts de l’aviation et les exploits de ses pionniers intéressent un…

L'Aviation dans la Guerre de 14-18
L'Aviation dans la Guerre de 14-18
L'Aviation dans la Guerre de 14-18