Le vote ou le fusil
Auteur : BOSREDON Louis-Marie
Lieu de conservation : Bibliothèque nationale de France (BnF, Paris)
site web
Date de création : 1848
Date représentée : 1848
Légende : "Ça, c'est pour l'ennemi du dehors ; pour le dedans, voici comme l'on combat loyalement les adeversaires... ".
Éditeur : Lordereau.
Domaine : Estampes-Gravures
© Cliché Bibliothèque Nationale de France
RES QB 370 fol Vinck 14061 (112)
Le vote ou le fusil
Date de publication : Janvier 2005
Auteur : Alain GARRIGOU
En février 1848, la révolution parisienne surprenait tout le monde et, avec la fuite rapide du roi Louis-Philippe, laissait bien dépourvus les nouveaux dirigeants improvisés. Quoique portés au pouvoir par l’insurrection, les hommes du Gouvernement provisoire craignaient d’abord la pression armée d’une foule parisienne d’autant plus exigeante qu’elle avait eu facilement raison de la monarchie censitaire. Devant des ouvriers en armes et échauffés, l’éloquence de Lamartine n’avait pas été de trop, pas plus que sa promesse lancée dans la salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville d’instituer le suffrage universel. Celui-ci n’était proposé par aucun programme politique, même si quelques rares républicains en évoquaient l’avènement dans un avenir indéfini. L’urgence l’imposa. Le suffrage universel consacrait l’inévitable abandon du système électoral censitaire car il était devenu impossible de se contenter d’un simple élargissement du cens électoral, comme le réclamait la campagne des Banquets, ce qui serait revenu à exclure les insurgés du corps électoral. Le décret du 5 mars 1848 avait d’abord vocation à ramener le calme.
Identifié par son vêtement, un ouvrier abandonne son fusil pour déposer un bulletin de vote. Dans cette scène allégorique, le suffrage universel est symbolisé par une urne antique dont le modèle est assez éloigné des urnes réelles mais qui rattache la procédure aux sources les plus anciennes. L’allégorie présente encore la nouvelle institution comme une conquête populaire qui justifie d’autant plus que l’on dépose les armes. Ce n’était peut-être pas l’objectif de tous les insurgés, ni même de la plupart d’entre eux, mais l’idée s’en imposa. Au-delà de cette sorte d’interprétation immédiate de la révolution de février 1848 proposée par les républicains, l’abandon des armes pour le vote a valeur d’exhortation : la violence révolutionnaire menaçait toujours, de nombreuses armes étaient aux mains de la population parisienne, et le succès du suffrage universel restait incertain. L’insurrection populaire de juin 1848 confirma ces craintes, tout en donnant l’occasion aux forces de l’ordre de désarmer la population parisienne.
Au-delà d’un moment historique daté de la révolution de 1848, la substitution du bulletin de vote au fusil visait un sens de portée générale et universelle ; le rejet démocratique de la violence politique. Les promoteurs du suffrage universel avaient partiellement convaincu les partisans de l’ordre en réussissant à organiser les premières élections d’avril 1848 et à démontrer aussi que le vote populaire n’était pas révolutionnaire par essence, qu’il pouvait même se révéler conservateur. Dans un pays et un siècle agités par le cours incessant et ruineux des révolutions, le suffrage universel devint, non sans difficultés et à la suite d’une longue série d’élections régulières, ce qu’un homme de la IIIe République appelait de ses vœux : le « souffle régulier de la démocratie ». Quelle pouvait être la légitimité du recours à la violence quand le peuple devenait souverain par son bulletin de vote ? Si cette institution ne put empêcher immédiatement des insurrections comme la Commune de 1871, les justifications des révolutions furent désormais contestées au nom du suffrage universel, et des gouvernements opposèrent le suffrage universel en principe ou en actes, comme en 1968, aux « mouvements de la rue ».
Vincent DUCLERT et Christophe PROCHASSON (dir.) Dictionnaire critique de la République Paris, Flammarion, 2002.
Alain GARRIGOU Histoire sociale du suffrage universel en France, 1848-2000 Paris, Le Seuil, coll. « Points Histoire », 2002.
Maurice AGULHON 1848 ou l’Apprentissage de la République Paris, Le Seuil coll. « Points Histoire », nouv.éd.2002.
Pascal PERRINEAU et Dominique REYNIÉ (dir.) Dictionnaire du vote Paris, Presses universitaires de France, 2001.
Pierre ROSANVALLON Le Sacre du citoyen. Histoire du suffrage universel en France Paris, Gallimard, 1992.
Alain GARRIGOU, « Le vote ou le fusil », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 12/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vote-fusil
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curieux || interpretation incomplete
étonnant que le commentaire fasse abstraction des affiches figurées a l'arriere plan. Pourquoi "avis aux cameléons?" , "pourquoi "grands prestidigitateurs?" , pourquoi "candidature de l'eteignoir?" Que voulait signifier cette gravure sur les elections en cours? c'est curieux si c'est pour expliquer le «souffle régulier de la démocratie».
obsolète
Bonjour, l'ensemble de l'analyse est désormais obsolète ; il faudrait actualiser en tenant compte de Olivier Ihl, « Louis Marie Bosredon et l’entrée dans le « suffrage universel ». Sociogenèse d’une lithographie en 1848 », Revue d'histoire du XIXe siècle, 50 | 2015, 139-163.
Il date la lithographie de juin 1848 (dépôt le 12/6 en préfecture) et commente les affiches, notamment. ; le geste de l'ouvrier s'inscrit dans la volonté d'inciter ces derniers à participer aux élections du mois de juin, et pas comme un désarmement définitif.
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