Vercingétorix se rendant à César
Vercingétorix se rendant à César
Vercingétorix se rendant à César
Auteur : LÉVY Émile
Lieu de conservation : musée national Gustave-Moreau (Paris)
site web
Date de création : 1863
Date représentée : 52 av. J.-C.
H. : 75 cm
L. : 110,5 cm
Photographie de E. L. Thiboust de la peinture d'Émile Lévy.
Positif monochrome sur support papier
Domaine : Photographies
09-533789
Alésia
Date de publication : Décembre 2019
Auteur : Alexandre SUMPF
La redécouverte des Gaulois
Dans le Paris du XIXe siècle, le Salon et le concours des Beaux-Arts représentent des étapes fondamentales dans la carrière des peintres. Émile Lévy est déjà un peintre reconnu quand il choisit de quitter son registre favori, les allégories et l’Antiquité, pour présenter au Salon de 1863 une peinture historique centrée sur Vercingétorix et non sur César. La réception de l’œuvre est suffisamment élogieuse et le thème assez populaire pour que E. L. Thiboust en réalise une photographie.
Fasciné par le personnage du chef gaulois et son destin de prisonnier politique à Rome, Napoléon III commande des fouilles à Alise-Sainte-Reine – qui se révèle bien le lieu de la bataille – et y fait ériger en 1866 une statue monumentale commandée à Aimé Millet.
La figure du héros de l’indépendance nationale devient centrale après la défaite traumatisante de 1870. On ne s’étonnera donc pas du choix de l’Académie des beaux-arts d’imposer ce sujet pour l’un des concours qui rythment la vie de ses étudiants, celui des esquisses de composition historique, où l’on juge essentiellement la spontanéité et la vigueur du traitement par le peintre. Maurice Eliot est alors un jeune peintre prometteur qui vit à Montmartre et se distinguera dès 1886 au Salon, puis obtiendra le deuxième prix de Rome en 1888.
Ces deux œuvres témoignent de la redécouverte des Gaulois au XIXe siècle, qui a procédé en plusieurs étapes après des siècles de dédain généralisé pour ces « barbares » n’ayant pas su résister aux Romains. L’historien Amédée Thierry (1797-1873), frère cadet d’Augustin, en fait l’un de ses sujets de prédilection en lui consacrant une publication en trois tomes parus entre 1828 et 1845. Henri Martin (1810-1883) contribue également à restaurer les Gaulois celtes (et plus les Francs germains) comme « ancêtres » des Français et à faire de Vercingétorix un héros national (biographie en 1865).
Alésia, victoire de l’âme française
Alors que les (rares) représentations des siècles précédents se saisissaient du sujet pour livrer une classique scène de bataille (et de siège), les artistes français du XIXe siècle déplacent la focale vers un épisode non militaire : celui de la reddition solitaire de Vercingétorix.
Lévy prend encore soin de situer la scène dans son contexte : les tours à l’arrière-plan sur les collines rappellent le blocus mis en place par l’armée romaine et ses auxiliaires autour du camp des Gaulois. Un arbre jeune coupe le tableau en deux, séparant dans la tradition picturale médiévale deux mondes : à gauche, celui de l’empereur romain, de sa science militaire, de la puissance de ses légions symbolisées par les étendards, d’un équipement militaire minutieusement dessiné ; à droite, celui de la bravoure individuelle d’un homme au costume simple et aux armes massives, archétype du Gaulois. Si César est assis et Vercingétorix debout, leurs regards se situent à la même hauteur ; la tête légèrement inclinée du vainqueur semble signifier le respect au chef vaincu.
Une génération plus tard, dans ce qui n’est qu’une esquisse réalisée dans le cadre d’un concours des Beaux-Arts, Maurice Eliot reprend une partie de ces codes tout en innovant, d’abord par le caractère dynamique de la scène : le chef gaulois vient d’arriver à cheval ; sa monture de jais contraste avec le blanc des toges de patriciens romains. Il symbolise le caractère indomptable d’une nation fière, qui jette ses armes à la figure d’un empereur cette fois placé en situation d’infériorité par sa position assise. Vercingétorix n’a pas encore livré le casque qui fait de lui le commandant de son armée : il se rend, mais n’est pas encore déchu de sa position. Il se trouve encerclé par l’armée de l’ennemi, ce qui rend plus superbe encore son isolement et son sacrifice. Les peaux de bêtes colorées aux premier et second plans suggèrent que l’armée romaine compte nombre de barbares, certains représentés pieds nus : la Gaule celtique a résisté à une véritable invasion annoncée par la fumée noire à l’arrière-plan autant que par l’incongru tapis romain au premier plan.
Vercingétorix, premier chef d’État français
En 1828, les Français restent fascinés par les figures romantiques de jeunes chefs militaires, dont Napoléon Bonaparte est le modèle le plus éclatant. Les cent pages consacrées à Vercingétorix par Augustin Thierry en 1828, à la fois bien documentées et emplies de ressorts dramatiques, le placent à la racine d’une lignée de héros nationaux. Fait neuf lié à l’époque révolutionnaire récente, c’est un chef élu pour gagner une guerre et non l’héritier d’une dynastie monarchique. Louis-Philippe et Louis-Napoléon Bonaparte ont en commun avec lui d’appartenir à une lignée, mais surtout d’avoir su rénover la fonction monarchique en s’appuyant sur le suffrage des Français (censitaire en 1830, plébiscitaire en 1849). Les deux chefs d’État reprennent en outre le flambeau de la conquête – coloniale chez le monarque constitutionnel (Alger en 1830), impériale chez le neveu de Napoléon Ier (Italie en 1859, Mexique en 1861). En 1851, le peintre Théodore Chassériau représente le chef des Gaulois victorieux à Gergovie. Avec la défaite de 1870 face à la Prusse, Vercingétorix devient l’emblème de l’esprit de résistance du peuple français, ce qui en fait un annonciateur de Jeanne d’Arc… et de Gambetta. Il est aussi celui qui a su se rendre dignement et magnifier personnellement la défaite, déjà pour Joseph Navlet et Lévy, plus encore pour Eliot en 1885.
Vercingétorix s’est paré des couleurs de la République dès son établissement en 1870 : il remplace rapidement Clovis le Franc et le chrétien dans un panthéon national désormais férocement laïc et volontiers germanophobe. Alésia est un symbole ambigu : défaite féconde pour certains en ce qu’elle a permis l’entrée dans le monde romain, la bataille est considérée par d’autres comme un exemple de résistance absolue à Rome, c’est-à-dire au pape : il faut attendre 1892 pour que ce dernier, par son encyclique Au milieu des sollicitudes, enjoigne les catholiques à se rallier à la République. Grâce à l’Histoire des institutions de l’ancienne France de Fustel de Coulanges (1875), et plus encore à la première biographie qui lui est consacrée par Camille Jullian en 1901, Vercingétorix est jugé comme un démocrate qui, au-delà de la guerre, tentait d’unifier la nation – son premier véritable chef d’État.
BRUNAUX Jean-Louis, Vercingétorix, Paris, Gallimard, coll. « NRF : biographies », 2018.
DUVAL Paul-Marie, « Autour de César. 3 : Vercingétorix. L’histoire et la légende », dans DUVAL Paul-Marie (dir.), Travaux sur la Gaule (1946-1986). Publications de l’École française de Rome, no 116, vol. 1, 1989, p. 163-175.
MUSÉE DES ANTIQUITÉS NATIONALES, Vercingétorix et Alésia, cat. exp. (Saint-Germain-en-Laye, 1994), Paris, Réunion des musées nationaux, 1994.
Alexandre SUMPF, « Alésia », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/alesia
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