
Les Trainards, effet de neige.
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
Date de création : 1870
H. : 170 cm
L. : 152,5 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
RF 380 - 08-529355
Une armée en mal d’idéaux
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Dominique LOBSTEIN
Le Second Empire a toujours entretenu, en métropole et dans ses colonies, une armée importante afin de soutenir, avec des fortunes diverses, tant la sûreté nationale que la défense des intérêts et des possessions à l’étranger. Dévolue à des fidèles du régime selon une organisation hiérarchique qui empruntait largement aux conceptions militaires du Premier Empire, l’encadrement d’une armée permanente et nombreuse ne présentait pas, hors conflits, la rigueur qu’on aurait pu attendre d’une telle institution. Malgré les fréquentes promenades militaires, les grandes manœuvres et l’expédition du Mexique à partir de 1861, dont les journaux donnaient régulièrement des comptes rendus, après les victoires héroïques des années 1850, à Sébastopol, Magenta ou Solférino, l’armée française semblait s’assoupir dans un rêve de gloire qui s’interrompra brutalement à Sedan.
Virtuose du traitement des phénomènes atmosphériques liés à la neige, à la pluie et au brouillard en des compositions presque monochromes uniquement relevées de quelques touches de couleurs, Chenu-Fleury reçoit les louanges de la critique pour ses envois au Salon de 1867 et à celui de 1868, à l’issue duquel il obtient une médaille. Lorsqu’au Salon de 1870 il présente à nouveau un vaste paysage de neige à la facture minutieuse, sa composition simple et efficace lui vaut l’acquisition de son tableau par l’Etat, au prix élevé de 8 000 F.
Le paysage est plat et s’enfonce vers l’horizon, butant sur un village presque indistinct à l’arrière-plan. Occupant à peine un tiers de la hauteur, le paysage enneigé où dominent les blancs et les bruns est sommé d’un ciel gris jaunâtre, lourd de menaces, où se distingue à peine une lune voilée orangée et où tournoient des corbeaux de mauvais augure. La seule animation colorée entre ces deux univers glacés se trouve au centre de la partie inférieure, sur la route qui trace un sillon grisâtre où « des grenadiers escortent une carriole où gît un soldat malade et que conduit un paysan » (Théophile Gautier). Malgré l’animation qu’introduit le groupe de militaires aux attitudes variées et la présence anecdotique et sentimentale d’un chien, la neige qui a tout recouvert fait peser sur l’ensemble de la composition une chape de silence.
Illustration recomposée en atelier par un paysagiste, cette scène militaire participe aux nombreuses productions anecdotiques inspirées par une armée en mal d’idéaux, à partir du milieu des années 1860. Malgré les nombreuses interventions armées à l’étranger (Algérie, Russie, Mexique…), les dirigeants politiques français d’après la Restauration s’opposent à l’héritage guerrier des années révolutionnaires et n’entretiennent plus la doctrine de guerre qui avait sous-tendu la période 1789-1815. Les règlements militaires de 1831 et de 1862 ne fournissent que peu de références aux différents corps de la hiérarchie militaire et prônent une action défensive (tranchées-abris, feu à longue distance…) contraire à la tradition française. Le grand projet de réforme militaire du maréchal Niel a été repoussé en 1868, et l’armée maintient le système du tirage au sort, bien peu mobilisateur. Malgré sa volonté de tenir le rôle de commandant en chef des armées comme son oncle Napoléon Ier, l’empereur ne saura mener ses troupes. Dès lors, la France se trouvera confrontée à un double problème : l’absence d’une doctrine de guerre et la carence d’un chef pour l’appliquer.
Collectif, Paysagistes lyonnais 1800-1900, Lyon, musée des Beaux-Arts, 1894, p. 99-102.
François ROBICHON, L’armée française vue par les peintres - 1870-1914, Paris, Herscher-Ministère de la Défense, 1998.
François ROBICHON, La peinture militaire française de 1871 à 1914, Paris, B. Giovanangeli, 1998.
Dominique LOBSTEIN, « Une armée en mal d’idéaux », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 26/04/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/armee-mal-ideaux
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études

Le Traité de Versailles
La signature du traité de paix de Versailles intervient quelques mois après l’armistice du 11 novembre 1918. Mais l’armistice ne signifie pas la…





Alliés, mais pas trop
Six mois après le Débarquement de Normandie (6 juin 1944) et l’ouverture du « second front » à l’ouest tant réclamée par Staline,…



La conscription au XIXe siècle
La conscription est institutionnalisée en France en 1798 à l'initiative du général Jourdan. De 1804 à 1903, les appelés sont convoqués pour…

Le bal de la liberté
Après le débarquement du 6 juin 1944, les troupes alliées progressent dans le Cotentin. À la tête de plusieurs…

Devenir le maréchal
À la fin du premier conflit mondial, Philippe Pétain (1856-1951) n’est plus seulement l’un des plus hauts gradés de l…



Le « D Day »
Le débarquement des troupes alliées en Normandie débute le 6 juin 1944. Durant la nuit, plus de 200 000…

Une vision sociale de l'armée
Dans la société française du XIXe siècle, les inégalités sont encore criantes…

La chouannerie sous le regard de la IIIe République
La chouannerie est un vaste soulèvement de paysans hostiles à la politique des assemblées révolutionnaires et aux patriotes locaux…

La Vie quotidienne dans les tranchées
Par sa durée et sa violence, la Grande Guerre a constitué une expérience sans précédent historique pour les huit millions de Français mobilisés…




Portrait du duc de Villars
Ce tableau est regardé comme la copie, une dizaine d’années plus tard, d’un premier portrait réalisé en 1704…
avis
très belle image.
hayet.
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel