Boulevard Bonne-Nouvelle, 11 novembre 1918
Le Boulevard et la porte Saint-Denis, le 11 novembre 1918
L'Escorte du président Wilson, place Saint-Augustin
Boulevard Bonne-Nouvelle, 11 novembre 1918
Auteur : DEVAMBEZ André
Date représentée : 11 novembre 1918
Photographie de François Vizzavona du tableau exposé au Salon des Artistes Français de 1919.
Domaine : Peintures
© Ministère de la Culture - Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. GrandPalaisRmn / François Vizzavona / reproduction GrandPalaisRmn
VZC8120 - 97-026296
1918 : la fin des combats attire les foules
Date de publication : Octobre 2007
Auteur : François BOULOC
La paix, enfin…
A l’issu de la guerre, la France compte 1,4 million de morts, qui sont autant de familles endeuillées, de foyers amputés ou qui ne se créeront jamais. Du point de vue français, la guerre se termine certes par une victoire militaire, mais les régions du Nord-est sont dévastées, les finances publiques au fond de l’abîme, l’appareil productif est à reconvertir, la vie chère sévit, le chômage guette… Il y a donc , parmi les masses de gens fêtant l’armistice, une propension à se réjouir, mais pas seulement. Chaque individu présent sur ces images porte inéluctablement en lui des blessures afférentes à l’événement. Ces documents se font ainsi autant l’écho d’un patriotisme exubérant – mais n’est-il pas aisé de l’être dans de telles circonstances ? – que du chagrin des pères, mères, enfants ou épouses de combattants qui ne reviendront pas. A ceux-là, de tels rassemblements populaires fournissent un répit éphémère, et une peut-être une bouffée d’espoir quant à l’avenir.
Célébrer l’armistice : des manifestations spontanées aux défilés rangés
Des fenêtres pavoisées, des gens déambulant massés sur le pavé : la peinture du boulevard Bonne-Nouvelle se présente comme une image d’Epinal des expressions de joie du 11 novembre 1918. Le rendu très pointilleux, quasi photographique, de cette représentation dit bien la spontanéité des manifestations de ce jour si particulier. Ainsi, les conducteurs de camions et de voitures auront été bien mal avisés de ne pas laisser leurs engins au garage… Des éléments du même ordre se dégagent de la scène devant la porte Saint-Denis, où des farandoles de civils s’ébrouent au premier plan sous le regard circonspect de quelques combattants. Meurtris, ces derniers ne goûtaient guère, en effet, les gais débordements des civils. Ici, des accents impressionnistes amènent l’idée d’un magma humain indéfini – la France au figuré, peut-être ? « Souscrivez à l’emprunt de la Libération », peut-on ainsi lire sur la colonne droite de la porte monumentale : ceci suffit à rappeler la portée nationale de ce qui se déroule. La photographie de l’escorte de Wilson offre par comparaison un excellent aperçu de la prise en main par l’Etat, quelques semaines plus tard, des pratiques de célébration collective liées au retour de la paix. Là, en effet, les badauds sont cantonnés derrière des barrières et des sentinelles en rangs serrés : la rue est toujours détournée de sa vocation usuelle, mais les finalités ont changé. Le bel agencement de la parade de cavalerie tranche avec le chahut des documents précédents. Outre la victoire des armes et l’hommage aux alliés, c’est la continuité de l’Etat qui est affirmée : la République rappelle en ces heures toute l’assise de sa légitimité, et continue à le faire à travers le protocole des commémorations.
Par-delà les vivats, des enjeux politiques précis
« Les illuminations de la victoire ont joué, pour les yeux des Français, le rôle des lumières vives qui, les soirs d’été, attirent les phalènes. Eblouis, ils n’ont pas pu, ou su apprécier à son exacte valeur l’état dans lequel la guerre avait laissé le pays » (A. Ducasse et al., Vie et mort des Français, 1914-1918, p. 468). Ce jugement après-coup résonne singulièrement face aux images présentées. Car la France est entrée en 1914 dans la guerre pourvue des valeurs et horizons d’attente de la République, et le droit, la justice, l’égalité de tous face au devoir ont pesé de tout leur poids dans la réussite de la mobilisation. Mais les fissures apparues progressivement au sein de l’Union sacrée en ont plus d’une fois menacé l’équilibre. Les mutineries, les grèves, le dissensus engendré par les embusqués et les profiteurs de guerre, les morts … tout cela forme une série de plaies qu’il s’agit de panser au plus vite une fois le chapitre des hostilités refermé. La figure de Wilson, et son instrumentalisation par la propagande, sont à cet égard emblématique. Auréolé d’une double couronne de lauriers, celle de l’allié décisif au moment fatidique (1917) et celle du bâtisseur de la paix future, le président américain s’attire les acclamations et la pompe officielle. Wilson est au fond la preuve que la guerre menée l’a été au nom de justes principes, puisque son pays a rejoint un camp et non l’autre. Mais au-delà de cette orchestration des faits, les fêtes de l’armistice, et leur évolution formelle, relèvent toujours et encore de la mise en scène de l’Union sacrée, partition trop jouée dont le peuple français ne voudra plus quelques années plus tard.
Pierre VALLAUD, 14-18 : la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.
Bruno CABANES, La victoire endeuillée : la sortie de guerre des soldats français (1918-1920), Paris, Le Seuil, 2004.
André DUCASSE, Jacques MEYER, Gabriel PERREUX, Vie et mort des Français (1914-1918), Paris, Hachette, 1962, p. 468.
Pierre MIQUEL, La paix de Versailles et l’opinion publique française, Paris, Flammarion, 1971.
André KASPI, Le temps des Américains : le concours américain à la France (1917-1918), Paris, Publications de la Sorbonne, 1976.
François BOULOC, « 1918 : la fin des combats attire les foules », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/1918-fin-combats-attire-foules
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