La Goulue assise de face
La Goulue, cigarette et verre de vin dans les mains
La Goulue la poitrine nue et la Grille d'Egout
La Goulue et Grille d'Egout, chacune sur une jambe et tenant la jambe de l'autre en l'air
La Goulue assise de face
Auteur : BACARD Louis Victor Paul
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 14,8 cm
L. : 10,2 cm
Épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif verre au collodion, contrecollée sur carton.
Domaine : Photographies
© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
PHO 1990 8 3 - 06-527044
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Date de publication : Octobre 2011
Auteur : Didier NOURRISSON
La République s’amuse
Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour à l’ordre et à la morale entre Adolphe Thiers et Jules Simon. Dix ans plus tard, avec les républicains opportunistes, il semble que la rigueur des débuts ait fait place à une tolérance comportementale beaucoup plus large : liberté de la presse, prostitution en maisons closes et de plus en plus sur le trottoir, non-application de fait de la loi sur l’ivresse publique, etc. Les lieux de plaisir, rues chaudes et guinguettes, se multiplient, surtout à Paris bien sûr, mais aussi dans toutes les villes.
Tous ces établissements se renouvellent rapidement à Paris. Le bal Mabille disparaît en plein ordre moral (1875) ; mais l’Élysée-Montmartre, en bas de la Butte, prend la relève et draine une clientèle cosmopolite. Les cafés-concerts et autres « beuglants » se multiplient après l’Exposition universelle de 1878. Le cabaret des Folies-Bergère invente après 1886 la version française du « music hall », tandis que le Moulin-Rouge ouvre ses portes en 1889 sur le boulevard de Clichy.
Les courtisanes, ces « femme[s] de mœurs déréglées qui se distingue[nt] par une certaine élégance de manières, et qui met[tent] à prix [leurs] faveurs » comme disent les dictionnaires du temps (Dictionnaire des dictionnaires, 1889), sont surnommées « cocottes », « grandes horizontales » ou « demi-mondaines ». Certaines parviennent à la notoriété, à l’ombre de leurs protecteurs. Elles deviennent les reines de la nuit parisienne et font carrière de danseuses. Le quadrille naturaliste, appelé aussi « cancan », fait tourbillonner les jupes à froufrous et tourner la tête aux hommes. En association avec Valentin le Désossé, la Môme Fromage, Nini Patte en l’air, Muguet la limonière, Rayon d’or et autres Trompe-la-mort, la Glu, ou Demi-siphon, mènent le « chahut ». Les peintres (Jules Chéret, et surtout Toulouse-Lautrec, Au Moulin de la Galette, 1889, Bal au Moulin-Rouge, 1890) croquent à l’envi ces scènes audacieuses.
Les danseuses nues
La photographie, au même titre que les autres arts, comme les peintures de Toulouse-Lautrec, ose braver les conventions et exposer des femmes plus ou moins dénudées et dans des positions provocantes. Cette série de photographies de poses jugées graveleuses le confirme. Tous les vices sont portraiturés : l’alcoolisme, le tabagisme, la danse, le sexe sont personnifiés. Louise Weber, dite la Goulue (1866-1929) pour son appétit de vie, ainsi que sa camarade de cancan Grille d’Égout, figurent ces excès.
La Goulue n’avait pas vingt ans que déjà elle produisait des « nus esthétiques » pour le photographe Achille Delmaet. Ici, dans ses années de triomphe au Moulin-Rouge, elle se fait photographier par Louis-Victor Paul Bacard, actif de 1871 à 1900. Dans les années 1890, la Goulue accède au sommet de sa gloire, mène grand train, allant même jusqu’à louer l’hôtel de la Païva (courtisane sous Napoléon III), au 25 de l’avenue des Champs-Élysées. Assise jambes écartées, debout sur une jambe l’autre levée très haut, grand décolleté, parfois même seins à l’air, bras nus, toutes ses poses veulent dire sa profession, sa provocation et son mépris des conventions.
Les deux photographies un verre à la main rappellent peut-être sa forte propension à « sécher les fonds de verre dans les cabarets des fortifs » et son premier succès au café du Grand Véfour dans la griserie de ses seize ans. Les deux autres, où Grille d’Égout et elle esquissent un pas de danse, signalent qu’elles renouvellent le « quadrille naturaliste » des Rigolboche et autres Céleste Mogador du Second Empire avec une danse encore plus « enlevée », le french cancan.
Déclin d’une courtisane, postérité d’une pratique
La Goulue mène grande vie et a mauvais caractère. Ses amants se succèdent, et à son palmarès figurent le prince égyptien Chérif Amourad Yazi, fils du khédive, le prince de Galles (futur Édouard VII) et le grand-duc russe Alexis. Mais la gambilleuse se ruine et se transforme en dompteuse de fauves, poursuivant son exhibition. Elle devient énorme et finit après la Première Guerre mondiale dans une roulotte à Montmartre, vendant des cigarettes aux clients du Moulin-Rouge.
Ses photographies tombent dans le fonds commun des cartes postales érotiques qui ont trouvé une grande audience, sous le manteau bien entendu, au début du XXe siècle.
Jacqueline BALTRAN, Paris, carrefour des arts et des lettres.1880-1918, Paris, L’Harmattan, 2002.
Jean-Pierre CRESPELLE, La Vie quotidienne à Montmartre au temps de Picasso, Paris, Hachette, 1978.
Evane HANSKA, La Romance de la Goulue (roman), Paris, Balland, 1989.
Jacques PLESSIS, Le Moulin-Rouge, Paris, La Martinière, 2002.
Michel SOUVAIS, Moi, la Goulue de Toulouse-Lautrec. Les mémoires de mon aïeule, Paris, Publibook, 2008.
Didier NOURRISSON, « Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/femmes-frissons-plaisir-belle-epoque
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Théâtres et cabarets parisiens au XIXe siècle
Au XIXe siècle, la fréquentation des cabarets et des théâtres est un aspect fort important de la culture urbaine, populaire ou petite-…
Représenter les guinguettes
À partir de la fin du second Empire, la fréquentation des guinguettes relève d’un véritable art…
Aristide Bruant, ambassadeur de Montmartre
Dans le dernier quart du XIXe siècle, Paris est le cœur battant de la vie artistique mondiale. La…
Guinguettes et imagerie populaire
À la fin du XIXe siècle, les guinguettes constituent un référent culturel et…
Bonne et mauvaise ivresse
À Paris, en 1829, des médecins et des chimistes fondent les Annales d’Hygiène Publique et de Médecine Légale, dont l’objectif est de rendre compte…
Naissance d'une star
En 1929, le producteur allemand Erich Pommer, de la UFA, demande à Josef von Sternberg, cinéaste d’origine autrichienne, de…
Les artistes sous l’Occupation : Joséphine Baker
Chanteuse, danseuse et meneuse de revue, Joséphine Baker (1906-1975) connaît un immense succès en France dans les…
Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque
Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour…
La sociabilité urbaine au début du XIXe siècle
Si le monde citadin, durant le premier tiers du XIXe siècle, reste encore…
Le Chat noir, salle obscure
Quand en 1896 Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) réalise sa fameuse affiche, emblème de la…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel