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La Goulue assise de face

La Goulue assise de face

La Goulue, cigarette et verre de vin dans les mains

La Goulue, cigarette et verre de vin dans les mains

La Goulue la poitrine nue et la Grille d'Egout

La Goulue la poitrine nue et la Grille d'Egout

La Goulue et Grille d'Egout, chacune sur une jambe et tenant la jambe de l'autre en l'air

La Goulue et Grille d'Egout, chacune sur une jambe et tenant la jambe de l'autre en l'air

La Goulue assise de face

La Goulue assise de face

Date de création : Vers 1885

Date représentée :

H. : 14,8 cm

L. : 10,2 cm

Épreuve sur papier albuminé à partir d'un négatif verre au collodion, contrecollée sur carton.

Domaine : Photographies

© RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

PHO 1990 8 3 - 06-527044

Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque

Date de publication : Octobre 2011

Auteur : Didier NOURRISSON

La République s’amuse

Après le régime si décrié du Second Empire (« la fête impériale »), la IIIe République a commencé par un retour à l’ordre et à la morale entre Adolphe Thiers et Jules Simon. Dix ans plus tard, avec les républicains opportunistes, il semble que la rigueur des débuts ait fait place à une tolérance comportementale beaucoup plus large : liberté de la presse, prostitution en maisons closes et de plus en plus sur le trottoir, non-application de fait de la loi sur l’ivresse publique, etc. Les lieux de plaisir, rues chaudes et guinguettes, se multiplient, surtout à Paris bien sûr, mais aussi dans toutes les villes.

Tous ces établissements se renouvellent rapidement à Paris. Le bal Mabille disparaît en plein ordre moral (1875) ; mais l’Élysée-Montmartre, en bas de la Butte, prend la relève et draine une clientèle cosmopolite. Les cafés-concerts et autres « beuglants » se multiplient après l’Exposition universelle de 1878. Le cabaret des Folies-Bergère invente après 1886 la version française du « music hall », tandis que le Moulin-Rouge ouvre ses portes en 1889 sur le boulevard de Clichy.

Les courtisanes, ces « femme[s] de mœurs déréglées qui se distingue[nt] par une certaine élégance de manières, et qui met[tent] à prix [leurs] faveurs » comme disent les dictionnaires du temps (Dictionnaire des dictionnaires, 1889), sont surnommées « cocottes », « grandes horizontales » ou « demi-mondaines ». Certaines parviennent à la notoriété, à l’ombre de leurs protecteurs. Elles deviennent les reines de la nuit parisienne et font carrière de danseuses. Le quadrille naturaliste, appelé aussi « cancan », fait tourbillonner les jupes à froufrous et tourner la tête aux hommes. En association avec Valentin le Désossé, la Môme Fromage, Nini Patte en l’air, Muguet la limonière, Rayon d’or et autres Trompe-la-mort, la Glu, ou Demi-siphon, mènent le « chahut ». Les peintres (Jules Chéret, et surtout Toulouse-Lautrec, Au Moulin de la Galette, 1889, Bal au Moulin-Rouge, 1890) croquent à l’envi ces scènes audacieuses.

Les danseuses nues

La photographie, au même titre que les autres arts, comme les peintures de Toulouse-Lautrec, ose braver les conventions et exposer des femmes plus ou moins dénudées et dans des positions provocantes. Cette série de photographies de poses jugées graveleuses le confirme. Tous les vices sont portraiturés : l’alcoolisme, le tabagisme, la danse, le sexe sont personnifiés. Louise Weber, dite la Goulue (1866-1929) pour son appétit de vie, ainsi que sa camarade de cancan Grille d’Égout, figurent ces excès.

La Goulue n’avait pas vingt ans que déjà elle produisait des « nus esthétiques » pour le photographe Achille Delmaet. Ici, dans ses années de triomphe au Moulin-Rouge, elle se fait photographier par Louis-Victor Paul Bacard, actif de 1871 à 1900. Dans les années 1890, la Goulue accède au sommet de sa gloire, mène grand train, allant même jusqu’à louer l’hôtel de la Païva (courtisane sous Napoléon III), au 25 de l’avenue des Champs-Élysées. Assise jambes écartées, debout sur une jambe l’autre levée très haut, grand décolleté, parfois même seins à l’air, bras nus, toutes ses poses veulent dire sa profession, sa provocation et son mépris des conventions.

Les deux photographies un verre à la main rappellent peut-être sa forte propension à « sécher les fonds de verre dans les cabarets des fortifs » et son premier succès au café du Grand Véfour dans la griserie de ses seize ans. Les deux autres, où Grille d’Égout et elle esquissent un pas de danse, signalent qu’elles renouvellent le « quadrille naturaliste » des Rigolboche et autres Céleste Mogador du Second Empire avec une danse encore plus « enlevée », le french cancan.

Déclin d’une courtisane, postérité d’une pratique

La Goulue mène grande vie et a mauvais caractère. Ses amants se succèdent, et à son palmarès figurent le prince égyptien Chérif Amourad Yazi, fils du khédive, le prince de Galles (futur Édouard VII) et le grand-duc russe Alexis. Mais la gambilleuse se ruine et se transforme en dompteuse de fauves, poursuivant son exhibition. Elle devient énorme et finit après la Première Guerre mondiale dans une roulotte à Montmartre, vendant des cigarettes aux clients du Moulin-Rouge.

Ses photographies tombent dans le fonds commun des cartes postales érotiques qui ont trouvé une grande audience, sous le manteau bien entendu, au début du XXe siècle.

Jacqueline BALTRAN, Paris, carrefour des arts et des lettres.1880-1918, Paris, L’Harmattan, 2002.

Jean-Pierre CRESPELLE, La Vie quotidienne à Montmartre au temps de Picasso, Paris, Hachette, 1978.

Evane HANSKA, La Romance de la Goulue (roman), Paris, Balland, 1989.

Jacques PLESSIS, Le Moulin-Rouge, Paris, La Martinière, 2002.

Michel SOUVAIS, Moi, la Goulue de Toulouse-Lautrec. Les mémoires de mon aïeule, Paris, Publibook, 2008.

Didier NOURRISSON, « Femmes et frissons de plaisir à la Belle Époque », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/femmes-frissons-plaisir-belle-epoque

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