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Au salon, scène de maison close

Au salon, scène de maison close

La Fête de la patronne

La Fête de la patronne

Femme de maison blonde

Femme de maison blonde

Au salon, scène de maison close

Au salon, scène de maison close

Auteur : GUYS Constantin

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : XIXe siècle

H. : 22,7 cm

L. : 34,4 cm

encre brune, encre grise, lavis gris, mine de plomb, plume

Domaine : Dessins

© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Michel Urtado

lien vers l'image

15-525204 / RF 15830, Recto

Les maisons closes

Date de publication : Janvier 2016

Auteur : Catherine AUTHIER

Le système réglementariste et la stratégie de l’enfermement

Constantin Guys fut le premier artiste à s’intéresser aux maisons closes de son temps, un sujet sulfureux dans lequel il percevait une certaine beauté et surtout un moyen de traiter le nu avec une réelle nouveauté. Il y révèle ses talents d’observateur dans des œuvres d’une valeur artistique comme documentaire. Degas s’est pour sa part penché sur le sujet dans une série de monotypes qui n’était pas destinée au public. Ce n’est qu’après la mort de l’artiste en 1917 qu’on découvre chez lui une cinquantaine de scènes maisons de tolérance, un thème qui marque un tournant dans l’œuvre de l’artiste. Selon le marchand d’art Ambroise Vollard, le frère de Degas aurait par ailleurs détruit plus de soixante-dix œuvres étant donné le caractère cru et sexuel des scènes, résolument inédit dans l’art de Degas. Ce type de sujet lui a en effet permis d’étudier dans les années 1876-77 le nu féminin moderne dans ses qualités expressives opposées aux normes des nus académiques idéalisés alors en vigueur. Les prostituées sont ici appréhendées de manière triviale sans aucune bienveillance. Au XIXe siècle, les prostituées évoluent dans le cadre du système réglementariste qui prônait le contrôle et la surveillance notamment à travers l’inscription des filles dans un registre de police. Les marchandes d’amour devenaient ainsi « soumises » ou « encartées », du nom de la carte d’identité qui était en leur possession. L’idéal du projet résidait toutefois avant tout dans la stratégie de l’enfermement, les filles opérant dans de maisons de débauche ou maisons de tolérance où l’on exigeait la plus grande obéissance.

A l’intérieur d’une maison close

Dans le dessin au lavis et à l’encre, Au salon, scène de maison close, Constantin Guys, le « peintre de la vie moderne » comme le décrit Baudelaire, représente des femmes assises sur un canapé et des chaises, entourées d’hommes bourgeois ou riches en costumes sombres et chapeaux hauts de forme. Dans ce salon où l’on paraît simplement converser, les femmes en tenues claires sont toutes identiques, figurant en fait des prototypes de filles de joie au XIXe siècle, avec décolletés plongeant, coiffures travaillées et grandes robes relevées dévoilant les jambes, arborant des poses aguicheuses, comme celle debout sur la droite, la main sur les hanches. Dans le fond à gauche, le doute est définitivement levé, la jeune femme montant ouvertement avec un client dans une chambre, il s’agit bien d’amour vénal. Avec un trait rapide et synthétique, une maîtrise magistrale de la lumière qui révèle un sens aigu de l’observation, Constantin Guys est le premier artiste à entrevoir dans les scènes de lupanars une incarnation de la modernité.

Pour représenter La fête de la patronne, Degas a utilisé la technique du monotype, un procédé d’impression d’un dessin à l’encre rehaussé de pastel réalisé sur une plaque de métal. La scène, sorte de portrait de famille, du reste assez peu crédible, réunit un groupe de huit filles dénudées ou seulement vêtues d’un bas de couleur autour d’une femme âgée habillée d’une robe noire austère contrastant fortement avec les autres, ce qui marque clairement leur différence de statut. L’une des prostituées est en train de l’embrasser, tandis que celle au premier plan debout se tient dans une posture peu gracieuse, avec un bouquet de fleurs, écho au triangle pubien foisonnant offert à nos yeux, au centre de l’œuvre, tout en caressant affectueusement les cheveux de sa patronne. Elles sont toutes rondes, le ventre rebondi et les seins lourds avec des visages assez similaires et plutôt grossiers caractéristiques selon Degas des filles de maison, conformément aux théories naturalistes et scientifiques de l’époque qui tendent à démontrer les stigmates physiques des femmes qui se prostituent.

La femme de maison blonde est une huile sur carton avec encrages monochromes et colorées représentant une prostituée debout, de trois quart, en train de soulever sa combinaison, sur le point d’effectuer une visite médicale. L’œuvre est datée de 1893-94. Il s’agit d’une esquisse préparée pour la vaste toile de Lautrec, Le Salon de la rue des Moulins. Elle illustre la connaissance intime que Lautrec avait des maisons closes et de ses pensionnaires. Lautrec a ici saisi la jeune femme de manière extrêmement spontanée, d’un trait virtuose et fluide. Dans ces maisons, un médecin venait infliger un examen médical aux filles toutes les semaines. L’objectif était de dépister les maladies vénériennes, la vérole, la blennorragie et la syphilis, qui touchait 20 % de la population parisienne et provoquait la démence et une mort précoce si le mal n’était pas traité suffisamment tôt. On sait aujourd’hui que les conditions d’hygiène étaient pourtant déplorables, le médecin auscultant les filles avec un spéculum non désinfecté qu’il réutilisait pour toutes les prostituées.

Le déclin des maisons de tolérance

Entre 1830 et 1870, les ouvertures des maisons closes se multiplient, reflétant un phénomène social majeur dont témoignent les trois œuvres étudiées. A l’heure où Guys, Degas ou Lautrec représentent les filles de maison, les conditions inhumaines dans lesquelles elles travaillent ainsi que le concept de l’enfermement font débat. Les filles étaient en effet contraintes de verser une forte partie de ce qu’elles avaient gagné en offrant leur corps aux clients, en moyenne 7 à 8 passes/jour, en échange du logement, de la nourriture et souvent de l’achat de produits de beauté (peignoirs, bas, costumes, parfums, savons de toilettes, bougies ou cigarettes) qui étaient vendus à des prix indécents par la patronne. Cela devenait rapidement l’engrenage et ces jeunes femmes se voyaient littéralement emprisonnées dans ces maisons, endettées au point de ne plus pouvoir jamais envisager de partir. En cas de révolte, elles étaient souvent rouées de coups et on les menaçait de devoir partir travailler dans des maisons d’abattage où l’espérance de vie était très courte.

Dès les années 1890 apparaissent le discours abolitionniste et le combat de Marthe Richard. De plus en plus de voix s’élèvent avec véhémence contre les maisons closes, un phénomène qui est comparé à une véritable traite. De plus la formule de la maison close ne convient plus aux attentes de la clientèle de la Belle Epoque en quête de nouvelles formes de séduction. A Paris, seules les grandes maisons luxueuses aux prestations sexuelles sophistiquées comme le Chabanais perdurent et connaitront encore un grand succès jusque l’entre deux-guerres.

ADLER Laure, La vie quotidienne dans les maisons closes (1830-1930), Paris, Hachette, coll. « La vie quotidienne », 1990.

CORBIN Alain, Les filles de noce : misère sexuelle et prostitution (XIXe siècle), Paris, Flammarion, coll. « Champs : histoire » (no 118), 1982.

PARENT-DUCHÂTELET Alexandre, La prostitution à Paris au XIXe siècle, Paris, Le Seuil, coll. « L’univers historique », 1981.

SHACKELFORD George T. M., REY Xavier (dir.), Degas et le nu, cat. exp. (Boston, 2011-2012 ; Paris, 2012), Paris, Hazan / musée d’Orsay, coll. « Catalogues d’exposition », 2012.

Catherine AUTHIER, « Les maisons closes », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/maisons-closes

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