La Distribution des drapeaux à Longchamp par le président Jules Grévy le 14 Juillet 1880
Auteur : DETAILLE Jean-Baptiste Edouard
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
Date de création : Vers 1885
Date représentée : 14 Juillet 1880
H. : 259 cm
L. : 487 cm
Dépôt du musée d'Orsay au musée de l'Armée.
Esquisse, huile sur toile
Domaine : Peintures
© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier
RF 443 - 17-500010
Le 14 juillet 1880 : la République et l’armée
Date de publication : Décembre 2022
Auteur : Guillaume BOUREL
Le premier 14 juillet
Un an après l’élection du premier républicain à la présidence de la République, Jules Grévy, la loi du 6 juillet 1880 fait du 14 juillet la fête nationale, tandis que le drapeau tricolore devient officiellement l’emblème national. A l’occasion du premier 14 juillet, un défilé militaire a lieu à l’hippodrome de Longchamp devant 300 000 spectateurs. Grévy y remet aux régiments qui lui sont présentés des drapeaux bleu-blanc-rouge frangés d'or et frappés du signe RF. Indice de l’importance que la jeune république donne à cette cérémonie, l'État en acquiert plusieurs représentations, dont les tableaux de Jean-Paul Sinibaldi et d’Henri Vilin. La présidence commande à Jean-Baptiste Edouard Detaille ce tableau, à la facture très académique, pour le musée de Versailles. Detaille incarne la tradition de la peinture militaire du XIXe siècle. Issu d’une famille de militaires, élève d’Ernest Meissonier, il a participé à la guerre franco-prussienne de 1870 et en tire de nombreux tableaux et des panoramas dans les années 1870. Il a été censuré en 1877 pour un toile jugée offensante pour l’Allemagne sous la présidence du monarchiste Mac Mahon, ce qui lui vaut la faveur des républicains.
Une fête républicaine et patriotique
Le peintre a choisi de représenter la fin d’une cérémonie qui dura deux heures et demie. L’angle choisi permet de distinguer nettement l’armée et le pouvoir civil. On aperçoit à l’arrière-plan les 436 députations des régiments de terre et de mer qui ont chacune reçu des mains du président Grévy un drapeau (pour les régiments d’infanterie) ou un étendard (pour la cavalerie). Au centre, sur la pelouse, en contrebas de la tribune et en pleine lumière, le peintre met en évidence le geste de déférence des 40 généraux qui entourent le ministre de la guerre, le général Farre. Au loin, la fumée suggère les 21 coups de canons tirés du Mont Valérien pour marquer la fin de la cérémonie. Débout, sous le grand dais rouge, la silhouette du président Grévy se dresse nettement face aux armées dont il est le chef d’après les lois constitutionnelles de 1875 ; légèrement en retrait, le chef de la maison militaire du président, le général Pittié. Derrière le président sont présents les représentants des institutions clés de la IIIe République : à sa droite Léon Say le président du Sénat, en arrière le président du Conseil Charles de Freycinet, dont la lumière éclaire la chevelure et la barbe blanches, puis Léon Gambetta, président de la Chambre des députés.
L’armée soumise au pouvoir civil
Les républicains se défiaient de l’armée. Elle était associée au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte en 1851 et au Second Empire contre lequel la génération de Grévy et Gambetta s’est battue. Ils se méfient également du royalisme, réel ou supposé, des officiers ; Mac Mahon qui a présidé la « République des ducs » jusque 1877 n’était-il pas maréchal et royaliste convaincu ? La remise des drapeaux de 1880 marque un tournant essentiel : l’armée réorganisée entre 1872 et 1873 après le traumatisme de la défaite de 1871 signifie ici sa soumission aux quatre composantes du pouvoir civil : le président, le gouvernement, la Chambre des députés et le Sénat. Si la présidence a perdu nombre de ses prérogatives face aux assemblées, la politique cérémonielle de la IIIe république fait malgré tout du « président des solennités nationales » (1) l’incarnation de la république. Le général Farre, aux convictions républicaines, assure la loyauté de l’armée. Enfin l’armée se soumet aux deux chambres, pivots de la république parlementaire, avec lesquelles elle apprend à composer pour arracher les budgets que réclame l’État-major.
Jean-Jacques Becker et Stéphane Audouin-Rouzeau, La France : la nation, la guerre (1850-1920), Sedes, 1996.
Jean François Chanet, Vers l'armée nouvelle. République conservatrice et réforme militaire (1871-1879), PUR, 2006.
François Robichon, L’armée française vue par les peintres (1870-1914), Herscher/Ministère de la Défense, 1998.
(1) Formule de Jean Casimir-Périer (1847-1907) 6e président de la République
Guillaume BOUREL, « Le 14 juillet 1880 : la République et l’armée », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/14-juillet-1880-republique-armee
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