Aller au contenu principal
Départ d'un projectile d'artillerie lourde à grande puissance de 320 mm

Départ d'un projectile d'artillerie lourde à grande puissance de 320 mm

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web

Date de création : 1917

Date représentée : 16 avril 1917

H. : 10,3 cm

L. : 7,6 cm

Épreuve argentique.

Domaine : Photographies

© Paris - Musée de l'Armée, Dist. RMN - Grand Palais / Pascal Segrette

http://www.photo.rmn.fr

06-505893 / 16021.54

Artillerie et artilleurs dans la bataille du chemin des Dames

Date de publication : Octobre 2007

Auteur : François BOULOC

16 avril 1917 : l’offensive Nivelle

Le lieu choisi par le général Nivelle pour sa tentative de rupture du front au printemps 1917 est, si l’on peut dire, familier des guerres à travers les siècles. César y combattit les Belges, avant que les périodes du haut Moyen-âge, de la Guerre de Cent ans, de la Fronde ou encore de l’Empire y voient se succéder les combats. En 1917, les abrupts reliefs calcaires du Soissonais sont occupés par les Allemands depuis la fin de 1914. Ces derniers ont installé des positions défensives sur les pentes boisées et fortifié les galeries souterraines (« creutes ») : la position apparaît imprenable. Après une forte préparation d’artillerie qui se révélera inefficace, les combattants sont lancés à l’assaut des raidillons bien protégés, et ce malgré la boue et la mauvaise visibilité. Mais les choses ne passent pas comme l’escompte le Haut-Commandement : « les pauvres fantassins avaient pour mission en quelques heures de franchir l’Aisne, de monter la pente boisée du Chemin des Dames, de traverser les quelques kilomètres du plateau (…) le soir, on escomptait leur arrivée près de Laon ! […] A la fin de la journée, on avait avancé de cinq cents mètres au lieu des dix kilomètres prévus » (J.-B. Duroselle, La Grande Guerre des Français, p. 197). Persévérant dans l’erreur, Nivelle ordonne de poursuivre les opérations pendant trois semaines en engendrant des pertes colossales (271.000 hommes hors de combat début mai). Ces événements participent de l’éclatement des mutineries, des grèves et de la crise du moral à l’arrière.

Bombarder l’ennemi : moyens matériels et humains

Avant l’entrée en lice des troupes terrestres, les lignes allemandes sur le Chemin des dames sont la cible d’une préparation d’artillerie de huit jours, visant à annihiler les défenses adverses. 5 310 canons de tous types sont alors employés sur quarante kilomètres de front, nécessitant pour leur approvisionnement l’équivalent de plus de 800 convois ferroviaires. La pièce photographiée ici est un 320 mm de fabrication Schneider, d’un poids de 160 tonnes, construit en 1870 pour la défense côtière. Ils furent reconvertis en 1916 en obusiers installés sur des châssis pour voie ferrée (« affûts-trucks »). Cette option technique est nécessitée par le poids de ces mastodontes et leur recul lors du tir. Une pièce d’un tel calibre, pouvant tirer à une cadence de un coup-minute, est servie par plusieurs hommes, dont les tâches sont diverses : manutention, mécanique, transmissions et, bien sûr, repérage et visée. De tels canons permirent à la France de combler partiellement son retard sur l’Allemagne en termes d’obusiers lourds. Jusqu’ici les dirigeants militaires français, obnubilés par les vertus de l’offensive, croyaient que les petites pièces de 75 mm suffiraient à emporter la décision. Réalisant un peu tard son aggiornamento, la France augmente considérablement ses capacités en pièces lourdes : si 308 unités sont disponibles au début de la guerre, c’est un total de 6 700 qui est produit entre 1914 et 1918, sans jamais toutefois égaler le gigantisme en la matière de la sidérurgie d’outre-Rhin, symbolisé par la « Grosse Bertha » et son tube de 35 mètres. Quelques canons du type 320 présenté seront réquisitionnés par les nazis en 1940 pour équiper le Mur de l’Atlantique, leur procurant ainsi une longévité exceptionnelle pour une arme de cette catégorie.

Au cœur de la guerre moderne et industrielle

Durant les conflits précédant 1914-1918, les pertes étaient aux deux tiers imputables aux armes à feu portées. La Première Guerre mondiale voit un basculement s’opérer, puisque c’est alors l’artillerie qui devient la cause de la même proportion de décès. Les hommes de l’infanterie redoutent par conséquent le feu de l’ennemi, désormais subi dans des conditions inouïes de violence, de durée et de concentration. Mais les mêmes maudissent aussi leurs propres canons, coupables de tirs mal parfois mal ajustés et meurtriers. Les artilleurs sont également vus d’un mauvais œil, car suspects d’être des « embusqués ». S’il est vrai que les pertes globales sont effectivement plus élevées dans l’infanterie, les risques pour des combattants tels que ceux visibles sur le document ne sont cependant pas nuls : repérable par avion, leur batterie peut être elle-même bombardée, ne leur laissant que de faibles chances de survie en cas de coup au but. L’essor de cette forme de combat a par ailleurs des répercussions sur la vie économique et sociale de l’arrière, où fleurissent les usines de tournage d’obus, productions dans lesquelles les femmes prennent une part notable. Le rapprochement peut être fait, et l’amertume des anciens combattants ne s’en privera pas, entre les images des parcs d’artillerie regorgeant de munitions flambant neuves, et les champs de croix qui en sont la conséquence directe. Dans le même ordre d’idées, les enrichissements réalisés au travers de cette activité ont donné lieu à des récriminations au sein de l’opinion, souvent outrée quant à la bonne fortune des « profiteurs de guerre » et des « marchands de canons ».

Pierre VALLAUD, 14-18, la Première Guerre mondiale, tomes I et II, Paris, Fayard, 2004.Jean-Baptiste DUROSELLELa Grande Guerre des FrançaisParis, Perrin, 1998.Thierry HARDIER «  »Déluge de feu et de fer ».Les bombardements sur le Chemin des dames entre 1914 et 1918 », in Nicolas OFFENSTADT, Le Chemin des dames.De l’événement à la mémoireParis, Stock, 2006, pp.65-76.Thierry HARDIER et Jean-François JAGIELSKICombattre et mourir pendant la Grande Guerre (1914-1925)Paris, Imago, 2001.Rémy PORTELa mobilisation industrielle.« Premier front » de la Grande GuerreParis, 14-18 éditions, 2005.

François BOULOC, « Artillerie et artilleurs dans la bataille du chemin des Dames », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/artillerie-artilleurs-bataille-chemin-dames

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Regards sur les guerriers gaulois

Regards sur les guerriers gaulois

À l’origine étaient les Gaulois

Jusque dans les années 1820, l’histoire de France se fonde sur celle des princes dont les historiens dressent les…

Regards sur les guerriers gaulois
Regards sur les guerriers gaulois
Regards sur les guerriers gaulois
L'aura napoléonienne

L'aura napoléonienne

Tous les tableaux napoléoniens déclinèrent les faits et gestes de l’Empereur, décrivant tous les aspects de sa personnalité, celle d’un souverain…

L'aura napoléonienne
L'aura napoléonienne
Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire

Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire

Douaumont en 1916, un résumé de la bataille de Verdun

Douaumont, clef de voûte du réseau de fortifications de la région de Verdun et point d’…

Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire
Le Fort de Douaumont, lieu d'Histoire, site de mémoire
La bataille de Somo-Sierra (30 novembre 1808)

La bataille de Somo-Sierra (30 novembre 1808)

Les difficultés internes de l’Espagne et les nécessités du maintien du blocus continental établi par décret à Berlin le 21 novembre 1806…

La conquête de Constantine (1836/1837)

La conquête de Constantine (1836/1837)

Les difficultés de la France pour conquérir le Constantinois

Si la conquête de l’Algérie décidée par Charles X en 1830 et poursuivie par son…

La conquête de Constantine (1836/1837)
La conquête de Constantine (1836/1837)
La conquête de Constantine (1836/1837)
La bataille des Pyramides

La bataille des Pyramides

L’Egypte ottomane est une base idéale pour arrêter la domination commerciale des Anglais en Inde. L’expédition ayant pour but l’occupation du…

La bataille des Pyramides
La bataille des Pyramides
Prise du fort de Fautahua à Tahiti

Prise du fort de Fautahua à Tahiti

Principale île de l’archipel de la Société, Tahiti fut découverte en 1767 par Wallis, que suivirent Bougainville et Cook, et dut son immense…

Prise du fort de Fautahua à Tahiti
Prise du fort de Fautahua à Tahiti
Le siège de Puebla

Le siège de Puebla

Au Mexique, après une violente guerre civile, le libéral Benitó Juarez l’emporta sur les conservateurs. Il prit des mesures contre le clergé,…
L’expédition au Mexique en 1838

L’expédition au Mexique en 1838

La souveraineté du Mexique en question

Le Mexique des années 1830 peine à trouver une stabilité politique et doit faire face à des difficultés…

La bataille de la Marne : l'infanterie au combat

La bataille de la Marne : l'infanterie au combat

1914, la guerre des plans

La bataille de la Marne est une série d’affrontements à l’est de Paris, se déroulant pour l’essentiel entre le 6 et le…

La bataille de la Marne : l'infanterie au combat
La bataille de la Marne : l'infanterie au combat