Expédition d'Égypte sous les ordres de Bonaparte
L'Étude et le Génie dévoilent l'antique Égypte à la Grèce
Expédition d'Égypte sous les ordres de Bonaparte
Auteur : COGNIET Léon
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
Date de création : 1835
Date représentée : 1798
H. : 376 cm
L. : 580 cm
Huile sur toile.
Plafond de l'actuel salle 651 de la galerie Campana du musée du Louvre.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Daniel Arnaudet
INV 3287 - 91-001712
L’Expédition d’Égypte
Date de publication : Juillet 2009
Auteur : Malika DORBANI-BOUABDELLAH
L’expédition d’Égypte
L’expédition d’Égypte
En 1798 la France et l’Angleterre, dont la suprématie navale s’accroît, sont en guerre. La paix de Campoformio encourage Bonaparte, général des armées, à attaquer la puissance rivale par le biais d’une expédition en Egypte, gouvernée par les mamelouks et dont le sultan reste soumis à l’Empire ottoman.
Si Bonaparte trouve dans sa passion de l’Orient le moyen de conserver sa gloire, cette expédition permet au Directoire d’éloigner un homme dont les succès militaires et la popularité sont jugés dangereux.
Soutenu par Talleyrand, le vainqueur de Rivoli part le 19 mai 1798 à la tête de 54 000 hommes, dont les généraux d’Italie ainsi que Kléber et Desaix. Plus de cent cinquante savants, ingénieurs et artistes les suivent. Militairement, l’expédition se révèle être un échec : après la victoire des Pyramides sur les mamelouks, la situation s’aggrave sous la pression de la flotte de l’amiral Nelson à Aboukir et de la seconde coalition.
Sur le plan scientifique, en revanche, les résultats sont extraordinaires : découverte de la pierre de Rosette à l’origine du déchiffrage des hiéroglyphes par Champollion, relevés topographiques, étude des arts, de la société, de l’architecture, de la faune, de la flore. L’Egypte est ainsi révélée au monde et l’Institut, qui lui est entièrement dédié, est fondé au Caire. Monge y étudie les phénomènes optiques ; Nicolas-Jacques Conté, les procédés pour protéger les armes de la rouille ; le naturaliste Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, la faune du Nil, et Dominique Vivant Denon, les temples de Haute Egypte.
Tandis que Cogniet traite l’aspect scientifique de l’expédition, Picot évoque de manière allégorique la découverte des trésors antiques.
La scène principale du plafond de Cogniet a pour cadre, sous un soleil implacable, le toit d’un temple ou d’une tombe en ruines, pris dans les sables du désert égyptien. La composition suit une diagonale, son sommet étant formé par la tente de fortune sous laquelle, à contre-jour et comme au loin, on reconnaît la silhouette ambiguë de Bonaparte, le bicorne de travers et la main dans le gilet. Avec Vivant Denon à sa droite, il se mêle à un groupe formé de savants, d’artistes et de militaires. Tous assistent au moment solennel où, en contrebas, au premier plan, sous le regard du soldat au tambour, deux ouvriers égyptiens extraient le sarcophage polychrome d’une momie de la XXIIe dynastie.
Au centre de la diagonale, on remarque un troisième groupe de quatre figures : au milieu, un Egyptien de profil, debout en djellaba blanche, appuyé sur son fusil et un personnage en turban assis de dos. De part et d’autre, en haut, un officier tend le bras à gauche, en bas un soldat de la Première République tient sa baïonnette.
A gauche, une masse de silhouettes assises ou agenouillées, absorbées dans la lecture de documents. Le soleil éclaire le bras d’un homme tenant une stèle, où ont été identifiées une scène d’adoration de Ptah et la figure de Ramsès II enfant, ainsi que le dos de celui qui s’active autour du vase canope d’Horirâa dont le couvercle à tête de chien (figuration de Douamoutef, fils d’Horus) occupe le premier plan. Ce sont là des objets vus et copiés avec précision par Cogniet au Louvre.
A droite, les contours hachés de trois silhouettes se profilent sur le fond : la porteuse d’eau et le géomètre qui s’adresse à un homme nu assis. Derrière eux au loin, la vague silhouette des colosses de Memnon.
Ce jeu de plans, comme découpés puis appliqués, permet d’évoquer la fébrilité scientifique et le caractère épique de l’expédition.
Dans l’allégorie de Picot, la Grèce éprise de science sur la droite, va à la rencontre de l’Egypte. On la voit couronnée de lauriers, gracieuse et élégante, en manteau rouge et robe blanche, la lance à la main et la chouette, symbole d’Athènes, à ses pieds. Arrivant sur des nuages, sur un fond de ciel bleu, elle est éclairée par le flambeau du Génie ailé, ou Esprit des arts et des découvertes, drapé en vert olive. Un mélange de surprise, de respect, d’admiration, de curiosité et de joie, anime le visage de la Grèce.
L’Etude ailée, en tunique courte de couleur ocre et en jupe mauve, la soutient. Aidée par des amours, elle lève le voile blanc-gris de l’oubli qui couvrait le don du Nil, la fille des pharaons dans sa splendeur, afin de la montrer au monde.
A gauche, de profil, l’Egypte est assise dans une noble attitude, sur un trône flanqué de deux sphinx. Elle tient deux fleurs de lotus, berceau du soleil au premier matin et blason floral de l’Egypte.
En robe ocre aux rayures obliques, drapée d’un manteau bleu foncé, la ceinture nouée au-dessous de ses seins nus, l’Egypte arbore ses bijoux : pectoral, bracelets et couronne - vautour, symbole d’Isis et des reines-mères.
Elle est entourée du Nil personnifié, du crocodile Sobek et de quelques accessoires.
Moins complexe que chez Cogniet la scène de Picot est peinte avec vivacité et harmonie. Elle est plus aérée, et les figures, vigoureusement enlevées, sont dessinées avec grâce. Le fond chaud et clair est lyrique, toutefois, la figure de l’Egypte semble menue par rapport au monumental groupe de droite.
Si le plafond de Cogniet rappelle La Peste de Jaffa de Gros, celui de Picot est plus proche de L’Egypte sauvée peinte par Joseph d’Abel de Pujol.
Le néoclassicisme de Picot se distingue ainsi de celui de Cogniet, dont les costumes, la tente, la lumière éclatante, nous donnent un avant-goût des mouvements romantique et orientaliste qui marqueront les périodes ultérieures. La scène localisée dans le temps et l’espace, les personnages et les objets historiques, le rapprochent du courant réaliste. Chez Picot cependant, l’événement moderne ou le souvenir vivace de la mission héroïque deviennent des symboles.
Le contexte politique, à la charnière d’une fin de Restauration réactionnaire et d’un début de révolution bourgeoise, n’est peut-être pas étranger à ces évocations nostalgiques du projet colonial mis sur pied sous le prétexte de libérer les Egyptiens du joug ottoman. Laïc et singulier, ce projet n’apportait pas à l’Egypte la religion et la civilisation occidentales, mais ramenait au contraire les sciences occidentales à leur berceau originel.
Pour Picot, l’Egypte, sauvée de l’oubli et de l’outrage du Temps, enfin révélée au monde par l’expédition napoléonienne, est interprétée avec poésie. Pour Cogniet, ce souvenir ouvre à nouveau des perspectives au génie français et à l’empire, qui ne manqueront pas de marquer tout le XIXe siècle de leurs conquêtes, de leurs découvertes et de leur universalité.
Annie JOURDAN Napoléon, héros, imperator, mécène Paris, Aubier, 1998.
Henry LAURENS L’Expédition d’Egypte Paris, Seuil, coll.“ Points Histoire ”, 1997.
Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE L’Expédition d’Egypte Paris, Paléo, 2000.
Le temps des passions collections romantiques des musées d’Orléans. Musée des Beaux-Arts d’Orléans, 1997.
Catalogue des acquisitions du département des Peintures (1983-1986), notices d’Elisabeth Foucart-Walter et de Marie-Catherine Sahut, RMN, Paris, 1987.
Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.
Malika DORBANI-BOUABDELLAH, « L’Expédition d’Égypte », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/expedition-egypte
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