La Rose Blanche

La foi au-dessus de la loi

Lorsque Jürgen Wittenstein photographie ses amis Hans Scholl (24 ans), Sophie Scholl (21 ans) et Christoph Probst (23 ans), ce 23 juillet 1942 à Munich, la seconde offensive de la Wehrmacht en U.R.S.S. bat son plein. Comme l’été précédent, Hitler ambitionne de faire chuter le régime stalinien – cette fois en s’appropriant les pétroles du Caucase et en brisant les circuits d’approvisionnement passant par Stalingrad. Pendant que la propagande exulte dans tous les médias, ce groupe d’étudiants chrétiens profondément croyants se mobilise contre cette guerre inhumaine. Leur service comme infirmiers sur le front russe, jusqu’en décembre, confirme les trois jeunes étudiants dans leur volonté d’agir. Le groupe de Résistance la Rose blanche, fondé en juin par les Scholl et Alexander Schmorell, soutenu par leur professeur de philosophie Kurt Huber, n’a hélas plus que quelques mois à vivre.

Plan de bataille

Membres des Jeunesses hitlériennes et du Bund Deutscher Mädel, comme il se doit, les quatre étudiants en médecine de l’université de Munich ne se distinguent apparemment en rien des autres mobilisés en partance pour le front russe. Devant la gare d’Ostbanhof, Wittenstein les prend en photo comme bien d’autres proches le font, comme si de rien n’était. Hans Scholl, Christoph Probst et un troisième camarade (sans doute Willi Graf) portent l’uniforme règlementaire de la Wehrmacht. Seule détonne la silhouette de Sophie Scholl, un peu trop vêtue pour le cœur de l’été, une marguerite blanche à la boutonnière, le front plissé, le regard concentré, les lèvres serrées.

Héroïques

Un carnet à la main, Probst commence à prendre des notes dont certaines serviront à rédiger le cinquième tract de la Rose blanche. Avant même la défaite de Stalingrad (2 février 1943) (1), leur expérience sur le front a convaincu ces jeunes Allemands que la guerre était perdue. Ils lancent pendant l’hiver 1942-1943 un Appel à tous les Allemands leur enjoignant de résister et de recréer une Europe des peuples dans la paix. Plusieurs milliers de tracts sont distribués en ville, mettant la Gestapo sur leur piste : depuis 1933, et pire encore depuis le début de la guerre, il est presque impossible de résister. Le 18 février 1943, ils sont pris durant la diffusion du sixième et dernier tract, À bas Hitler !.

Leur procès retentissant en fait immédiatement des héros chez les Alliés. Le texte du dernier tract parvient en Grande-Bretagne ; l’aviation alliée en largue des centaines de milliers d’exemplaires au-dessus de l’Allemagne sous le titre de Manifeste des étudiants munichois. Après-guerre, le cliché de Wittenstein est devenu une icône, aux côtés de portraits de Sophie Scholl, la seule fille du groupe. Cependant, d’autres photos prises le même jour, en plongée, trahissent une autre atmosphère : les sourires francs et les bras levés de Sophie Scholl suggèrent la confiance de ces jeunes gens dans l’avenir.

La Rose blanche, mouvement de résistance allemand au nazisme par Jean-Claude Milner, une conférence du Musée du Quay Branly, Paris.

Didier Chauvet, Sophie Scholl. Une résistante allemande face au nazisme, Paris, L’Harmattan, 2004.

Barbara Koehn, La Résistance allemande contre Hitler, 1933-1945, Paris, Presses universitaires de France, 2003.

Hans Mommsen, Le National-socialisme et la société allemande. Dix essais d’histoire sociale et politique, Paris, Éditions de la MSH, 1997.

1 - Bataille de Stalingrad (1942-1943) : commencée à l'été 1942, la bataille de Stalingrad (actuelle Volgograd) se termine le 2 février 1943 après l'encerclement de l'armée allemande de Paulus par les Soviétiques. Il s'agit d'une des batailles les plus stratégiques et symboliques de la Seconde guerre mondiale.

Alexandre SUMPF, « La Rose Blanche », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 27/04/2024. URL : histoire-image.org/etudes/rose-blanche

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