Les Généraux Leclerc et von Choltitz en chemin pour signer la capitulation à Paris
Lieu de conservation : Agence AKG Images
site web
Date de création : 25 août 1944
Date représentée : 25 août 1944
Extrait des actualités filmée de l’armée américaine
Domaine : Photographies
© akg-images / picture-alliance
AKG1969098
Et Leclerc libéra Paris
Date de publication : Janvier 2025
Auteur : Alexandre SUMPF
Paris attaqué
Depuis le 14 juin 1940, Paris, déclarée ville ouverte par le gouvernement français pour éviter la destruction, vit à l’heure allemande. Ce 25 août 1944, quand l’objectif saisit le gouverneur militaire allemand du Grand Paris, von Choltitz, prisonnier des soldats des Forces françaises libres (F.F.L.), la Ville-Lumière est passée près de la catastrophe. La prise de la capitale française ne fait pas vraiment partie des objectifs prioritaires de l’état-major interallié (Américains, Britanniques, Canadiens et Français). Il a eu du mal à faire sauter le « verrou d’Avranches » (25-31 juillet), patine devant la « poche de Falaise » (12-21 août) et est en retard sur les Soviétiques dans la course vers Berlin pour s’octroyer la victoire finale sur Hitler.
Il a fallu l’obstination de De Gaulle et surtout du général Leclerc pour que la 2e division blindée se déroute le 23 août en soutien à l’insurrection populaire entamée le 19 août, qui a surpris le commandant des Forces françaises de l’Intérieur (F.F.I.) à Paris, Rol-Tanguy. Malgré la résistance de ses troupes, von Choltitz saisit vite que la bataille est perdue, d’autant que Leclerc reçoit le renfort de la 4e division d’infanterie américaine du général Barton.
Dès le début des combats, photographes amateurs et reporters professionnels (comme Robert Doisneau) sont sortis dans les rues pour documenter cet événement de portée à la fois locale et mondiale. Les Alliés arrivent aussi en ville avec leurs caméras, dont les images de liesse en couleur chassent les clichés de la propagande hitlérienne.
Paris sauvé
Cadré assez serré, le cliché capte sur le vif l’arrivée en véhicule blindé des deux généraux ennemis. Il se focalise sur Philippe Leclerc de Hautecloque, reconnaissable à sa canne, qu’il porte sans en avoir besoin pour marcher, et à son képi de général trois étoiles. C’est en tenue de combat qu’il vient de recevoir la reddition de von Choltitz dans les bureaux du préfet de police et qu’il l’a emmené vers la gare Montparnasse pour cette fois acter la capitulation militaire. Ils ont pris place dans un scout-car orné du symbole des Forces françaises libres, la carte du pays (Alsace-Moselle comprise) poinçonnée d’une Croix de Lorraine.
Le général allemand ne pavoise pas, encore assis entre les vainqueurs du jour qui ont fait le trajet debout. On distingue juste derrière Leclerc le général de brigade F.F.I. Jacques Chaban-Delmas (1), Christian Girard (2) coiffé d’un casque de tankiste, le colonel Rol-Tanguy caché au troisième plan, et en costume civil Maurice Kriegel-Valrimont (3), l’un des trois commandants du Comité d’action militaire dépendant du Conseil national de la Résistance. On aperçoit à l’arrière-plan les fenêtres encore timidement pavoisées de bleu-blanc-rouge et une personne qui assiste à la scène dans un prudent retrait. En effet, le général allemand vient signer la capitulation auprès des F.F.I. de Rol-Tanguy, et jusqu’à ce moment précis, tout peut encore arriver. De fait, même après cette capitulation, certaines unités poursuivent le combat – en particulier des unités S.S.
Paris libéré
Les photographies prises et les images filmées près de la gare Montparnasse font partie d’une campagne de propagande pour faire comprendre aux derniers soldats ennemis et aux « collabos » que le pouvoir a changé de mains, puis pour annoncer la chute de Paris au monde. Alors que les clichés diffusés par les services de l’occupant montraient un espace urbain saturé d’uniformes de la Wehrmacht, le général von Choltitz apparaît ici isolé en feldgrau (4) au milieu des uniformes moutarde de la 2e DB ; les rues ne voient plus défiler des Panzer, mais les véhicules blindés d’origine américaine comme le scout car M3 de la White Motor Company.
Le lendemain, devant Notre-Dame-de-Paris, Leclerc apparaîtra en uniforme d’apparat, la solennité l’emportant sur la spontanéité. En réalité, la scène à la gare Montparnasse a été rejouée devant les caméras de l’U.S. Army qui n’étaient pas présentes lors de l’arrivée – photographiée elle en noir et blanc. C’est à ce moment que Rol-Tanguy, qui suivait à l’origine dans un deuxième véhicule, est monté à bord pour symboliser l’unité entre les Français – F.F.L. de Londres (Résistance extérieure, gaulliste), F.F.I. de l’Intérieur (mouvements de résistance en France, de toutes obédiences politiques) et Conseil national de la Résistance unifiant ces différents groupes.
Christian Chevandier, La Libération de Paris. Les acteurs, les combats, les débats, Paris, Hatier, 2013.
Jean-François Muracciole, La Libération de Paris. 19-26 août 1944, Paris, Tallandier, 2013.
Olivier Wieviorka, Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale, Paris, Perrin, 2023.
1 - Jacques Chaban-Delmas (1915-2000) : en 1940, Jacques Delmas refuse la défaite et cherche à rejoindre Londres sans succès. Il entre dans le réseau de résistance Heurtaux en France occupée. Il prend le pseudonyme de Lakanal, puis en octobre 1943 Chaban. En mai 1944, il est nommé délégué militaire national à la Résistance intérieure. À 29 ans, il est le plus jeune général de France depuis le Premier Empire. Il participe activement à la Libération de Paris. Il est fait Compagnon de la Libération en août 1945. Fidèle du général de Gaulle, Chaban-Delmas est député de la Gironde et maire de Bordeaux de 1946 à 1995. Sous la IVe République, il est plusieurs fois ministre. De 1969 à 1972, il est le Premier ministre du gouvernement de Georges Pompidou.
2 - Christian Girard (1915-1985) : lors de l'armistice de 1940, le lieutenant Christian Girard est replié à Brest. Il décide de rejoindre Londres, où il débarque le 19 juin 1940. Il est affecté à l'état-major des Forces Françaises Libres, après avoir été présenté à de Gaulle. Après avoir participé à l'expédition de Dakar, il est envoyé au Cameroun puis au Tchad. En novembre 1942, Christian Girard devient l'aide de camp du général Leclerc et participe à tous ses combats. Il débarque à Utah Beach avec le 2eDB le 1er août 1944. En août 1945, il est fait Compagnon de la Libération avant d'être démobilisé. Après la guerre, il fait une carrière de diplomate.
3 - Maurice Kriegel-Valrimont (1914-2006) : né en Alsace allemande, Maurice Kriegel devient très jeune un militant antifaciste et un membre actif de la C.G.T. Il participe aux grèves de 1936. En novembre 1942, il prend le pseudonyme de Valrimont en rejoignant le groupe Libération-Sud, dirigé par Raymond Aubrac avec qui il sera arrêté puis libéré par Lucie Aubrac en 1943. Il contribue à organiser l'armée secrète dirigée par Delestraint et les Mouvements Unis de Résistance (M.U.R.). Enfin, il devient le délégué de la zone sud du Comité d'action militaire (C.O.M.A.C.), branche militaire du Conseil national de la Résistance (C.N.R.). Kriegel-Valrimont, à ce titre, participe à la Libération de Paris. Il adhère en 1947 du Parti communiste français (P.C.F.) et est plusieurs fois élu. Il quitte le P.C.F. en 1961 après la publication du rapport Khrouchtchev sur les crimes du stalinisme. Il travaille ensuite à la Sécurité sociale. Dans les années 1980, Kriegel-Valrimont soutient les tentatives de rénovation du P.C.F.
4 - Feldgrau : couleur gris-vert de l'uniforme de l'armée allemande depuis la première guerre mondiale. Par métonymie, le terme désigne les soldats allemands.
Conseil national de la Résistance (C.N.R.) : organisé par Jean Moulin, représentant officiel du général de Gaulle en France, le Conseil national de la Résistance unifie les mouvements de résistances intérieures et clandestines. Il se réunit la première fois le 27 mai 1943 au 48 rue du Four, à Paris, il est présidé par Jean Moulin. De Gaulle est reconnu par l'ensemble des 17 représentants des mouvements comme le chef politique de la Résistance. Après l'arrestation de Moulin à Calluire le 21 juin, le C.N.R. sera présidé par Georges Bidault. Le C.N.R. adopte un programme commun de gouvernement le 15 mars 1944, connu sous le nom de Programme du C.N.R., ou les Jours heureux du C.N.R.
Croix de Lorraine : La Croix de Lorraine est le symbole de la France Libre, adopté par décret du général de Gaulle le 2 juillet 1940 à Londres sur une proposition du vice-amiral Muselier, en opposition à la croix gammée.
Forces françaises de l'intérieur (F.F.I.) : Créées le 1er juin 1944, les F.F.I. rassemblent tous les groupes militaires combattants de la Résistance intérieure (dont les Francs-Tireurs et Partisans) sous la direction du général Koenig et participent à la libération de la France. En septembre 1944, les F.F.I. sont intégrées dans l'armée régulière française.
Schutzstaffel (S.S.) : "Escadron de protection" en allemand, la S.S. est une organisation fondée en 1925 destinée à assurer la protection d'Adolf Hitler. Elle est dirigée par Heinrich Himmler depuis 1929 et se transforme progressivement pour devenir l'organisation la plus puissante du IIIe Reich, dominant la politique de répression et d'extermination du régime. La S.S. se développe en une vaste organisation aux multiples branches : Allgemeine-SS (branche administrative et politique), SD (service de renseignement), Gestapo (police secrète - intégrée à la SS en 1934-) et Waffen-SS (branche militaire, à partir de 1939). Lors du procès de Nuremberg, la S.S. sera officiellement déclarée organisation criminelle.
Wehrmacht : nom officiel de l'armée allemande du IIIe Reich de 1935 à 1946, année de sa dissolution.
Alexandre SUMPF, « Et Leclerc libéra Paris », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 25/01/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/leclerc-libera-paris
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Le Faux Hitler
La progression des forces Alliées contre les nazis a donné lieu à la production et à la diffusion de…
Le 6 juin 1944 : le débarquement
Créé en 1942 par les autorités américaines, l’U.S. Office of War Information a pour mission de promouvoir des images et…
Vichy et ses ennemis
Très prisée pour la promotion de la Révolution Nationale, l’affiche de propagande connaît une diffusion et une…
Les Femmes dans l’armée de Libération
Dans le cadre de l’organisation des troupes françaises libres, le général d’armée Giraud, commandant en chef des forces…
Londres, capitale de la résistance européenne
De septembre 1939 à juin 1941, l’Allemagne nazie accumule les succès militaires en Europe. La Pologne, le Danemark, la…
L’exposition Le Juif et la France à Paris
Du 5 septembre 1941 au 5 janvier 1942, l’exposition intitulée « Le Juif et la France » se…
L’enfant juif de Varsovie
La photographie anonyme « Arrestation dans le ghetto de Varsovie » a été prise…
La Flotte assassinée : Mers el-Kébir
Le 3 juillet 1940, sous l’objectif d’une caméra des actualités et d’un photographe anonyme, la flotte française…
Vichy et la propagande
Du 23 au 25 septembre 1940, les Forces françaises libres du Général de Gaulle…
Le baiser de la libération
Le débarquement allié en Normandie marque le début de la libération de la France, qui s’…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel