Olympia.
Auteur : MANET Edouard
Lieu de conservation : musée d’Orsay (Paris)
site web
H. : 130,5 cm
L. : 191 cm
huile sur toile. Peinture exposée au Salon de 1865.
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
RF 644 - 02-013676
Le scandale de la réalité
Date de publication : Mars 2022
Auteur : Nadine FATTOUH-MALVAUD
Le scandale de la réalité
Le scandale de la réalité
En 1863, Victorine Meurent, modèle préféré de Manet dans les années 1860, pose pour ce nu jugé à l’époque comme le plus scandaleux des nus féminins jamais peints. Si l’œuvre est acceptée au Salon de 1865, c’est que le jury craint l’organisation d’un nouveau « Salon des refusés », comme en 1863. Mais elle fut ridiculisée et injuriée avec une rare violence, ce qui affecta Manet, qui cherchait à s’inscrire dans la suite des maîtres du passé.
Certains pourtant, comme Zola, surent déceler la modernité de cette œuvre offerte à l’Etat en 1890 grâce à une souscription publique organisée par Claude Monet.
Cette œuvre a choqué par son sujet comme par son traitement. Le sujet s’inscrit pourtant dans la tradition du nu féminin cultivée par Titien, Vélasquez ou Goya, entre autres, ainsi que par des peintres académiques de l’époque de Manet. Mais tandis que ces nus-là trouvaient leur légitimité sous un couvert mythologique, allégorique ou symbolique, Manet peint le portrait d’une prostituée mise en scène comme telle. Le titre lui-même explicite le sujet (Olympia était un surnom courant chez les courtisanes de l’époque), de même que le petit chat noir à droite, allusion érotique évidente, ou le bouquet de fleurs tendu vers le premier plan par la servante noire. Ce bouquet, certainement envoyé par un amant, a été ressenti à l’époque comme une suprême provocation de la part de Manet.
Le traitement du corps a été une autre cause de scandale. En effet, si la composition s’inspire largement de La Vénus d’Urbino de Titien, le nu en est très éloigné : ici, aucune idéalisation, peu de modelé et un traitement en aplats fermement cernés de noir qui va à l’encontre des principes académiques. Les couleurs froides accentuent la dureté des aplats, mais l’équilibre des roses, des blancs et des noirs témoigne des talents de coloriste de Manet.
Enfin, l’assurance de cette femme, son regard droit et franc ont été ressentis comme une provocation supplémentaire de la part de l’artiste ; d’aucuns ont cru y voir l’influence évidente des photographies de prostituées de l’époque. Mais ce qui a le plus frappé les meilleurs critiques du moment, ce n’était pas le sujet – provocant, certes –, mais l’éblouissant « morceau de peinture », par exemple dans toutes les nuances de blanc, de crème et de rose qui s’étagent de bas en haut, du drap à la robe de la servante. « Vous avez admirablement réussi à faire une œuvre de peintre, de grand peintre [...] à traduire énergiquement et dans un langage particulier les vérités de la lumière et de l’ombre, les réalités des objets et des créatures », écrivit Zola.
La provocation n’était pourtant pas le but de Manet. Sa démarche était dictée par la sincérité. « J’ai fait ce que j’ai vu », écrivit-il pour se défendre. Mais Olympia est une œuvre de rupture. C’est le dernier jalon d’une tradition qui remonte à la Renaissance italienne. Elle ouvre la voie à la modernité, aux images d’une réalité contemporaine non idéalisée (dont se réclameront les impressionnistes) et elle inaugure, de Degas à Lautrec en passant par Zola (Nana), le thème artistique et littéraire de la prostituée vue sous l’angle du réalisme et non plus de la poésie d’un Dumas fils.
Collectif, catalogue de l'exposition au Grand-Palais, Manet notice n° 64, Paris, RMN, 1983.Collectif, catalogue de l'exposition au Grand Palais, Impressionnisme - Les origines Paris, RMN, 1994.
Nadine FATTOUH-MALVAUD, « Le scandale de la réalité », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 27/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/scandale-realite
Lien à été copié
Découvrez nos études
Liane de Pougy et le charme de l’ambiguïté à la Belle Époque
Depuis le Second Empire, le portrait photographique connaît un véritable essor,…
La dissolution de Port-Royal
L’histoire de l’abbaye de Port-Royal des Champs est bien connue en raison de la place déterminante qu’elle occupa dans la diffusion du jansénisme…
La courtisane, un monstre ?
Le recours à l’allégorie pour dénoncer la prostitution est très fréquent au XIXe siècle…
La grève au Creusot (1899)
Au XIXe siècle, les usines Schneider au Creusot sont les plus grandes de France. Pendant trente ans – de 1871 à 1899 –, la paix sociale…
Grève au Creusot, 1899
En 1899, les usines Schneider du Creusot, spécialisées dans la production d’acier Bessemer, constituent la première concentration…
La Guerre d’Indépendance en Grèce
Sous l’emprise des idées de la Révolution française, la Grèce aspire à son indépendance au début du XIXe siècle. Elevés dans le culte…
La grève des viticulteurs
En 1907, le Languedoc viticole s’estime menacé par la concurrence des vins d’Algérie et la chaptalisation (1). La…
La fin du corset et la libération du corps de la femme
Louise Weiss, féministe des années 1930
Durant la première guerre mondiale, la grande majorité des associations féministes françaises…
Les femmes dans la Révolution
Le 14 juillet 1789, le peuple a pour la première fois agi sur le cours politique de la Révolution, en la sauvant, provisoirement du moins. Mais la…
Emilou16
Merci pour cette analyse très pertinente qui m'a énormément aidé à réaliser un devoir d'art
HANAFUDA53
J'y vois également une ressemblance avec "Danaé" de Artemisia Gentileschi.
Franny
Très bonne présentation et analyse synthétique de cette œuvre!
Merci!!
Yui
Merci vraiment beaucoup ! cette analyse est vraiment pertinante et m'a beaucoup aider pour un oral de francais ^^
Alexis Livier
Bonjour,
je suis professeur de français pour étrangers (FLE), et ce genre de matériel (vidéo avec diction suffisamment lente pour être comprise par des élèves de niveau intermédiaire + transcription de qualité), culturel et intéressant, est malheureusement fort rare ; n'y aurait-il pas la possibilité de télécharger cette vidéo ? Faut-il s'abonner au site internet ?
Bien cordialement,
Alexis Livier
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel