
Banderole allemande sur étoffe appelant à la désertion
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée de l’Armée (Paris)
site web
Date de création : vers 1915
H. : 80 cm
L. : 200 cm
encre sur textile
© Paris - musée de l'Armée, dist. RMN - Grand Palais / Émilie Cambier
07-521816 / 478 C
Stratagèmes de l’ennemi
Date de publication : Juin 2021
Auteur : Alexandre SUMPF
Les musulmans dans la guerre
Les militaires allemands qui ont déployé cette banderole devant leur tranchée ont imité un modèle sans doute élaboré à l’État-major : ce type d’adresse rédigé en français a connu plusieurs variantes, dont seules quelques traces sont restées grâce aux preuves collectées sur le terrain.
Alors que la guerre s’installe dans la durée et que l’Entente cherche à établir un nouveau front dans les Dardanelles, certains propagandistes ont l’idée d’exploiter une faiblesse de l’adversaire : la présence de milliers de musulmans d’Afrique du Nord (France) et des Indes (Grande-Bretagne), amenés à combattre rien moins que l’Empire ottoman, protecteur de la plupart des lieux saints de l’islam. Des publications en arabe sont diffusées par tous les moyens ; on place à part les prisonniers de cette confession dans des camps plus confortables ; on cherche (sans succès) à créer des légions musulmanes en dessinant l’horizon d’une décolonisation possible.
Le début de la guerre psychologique
La banderole conservée au musée de l’Armée aurait été découverte au printemps 1915 par des soldats français. Avec d’autres artefacts dus à l’inventivité ennemie, elle a fait l’objet d’un grand reportage illustré dans Le Miroir du 25 avril 1915.
Il s’agit d’un simple tissu blanc, troué aux quatre coins pour être cloué, sur lequel a été inscrit un message de six lignes en français.
Plusieurs détails trahissent son origine : la typographie qui ne parvient pas à dissimuler l’habitude de la calligraphie gothique, trois germanismes (usage inapproprié des virgules ; emploi de « religieux » au lieu de « croyant » ou de « fidèle » ; « Mohamédanisme » au lieu de « mahométanisme ») et une erreur de traduction (« camerades » au lieu de « camarades »). Ces fautes auraient pu être commises volontairement par des propagandistes français cherchant à incriminer leurs homologues allemands, mais il faut accorder à ce document le bénéfice du doute.
Soudés contre l’ennemi
Pour les soldats qui en avaient assez d’une guerre qui semblait de moins en moins « juste », « déserter vers l’avant », c’est-à-dire se rendre, pouvait paraître un moindre mal. Cependant, en dépit des efforts répétés de la part des bureaux militaires de propagande, rares ont été ceux qui ont rompu aussi ouvertement leurs attaches avec leur patrie, au risque de nuire à leurs familles. Les Slaves de l’empire des Habsbourg avaient beau être mieux traités que les Hongrois dans les camps russes, ils avaient beau haïr leurs officiers, ils n’ont pas déserté en masse.
La propagande germano-turque en direction des soldats du Maghreb colonisé par la France – prenant ici l’exemple d’un Tunisien – n’a guère eu d’écho dans la troupe, pour qui la « guerre sainte » était de l’ordre de la légende. Elle a peut-être encouragé certains vétérans dans la voie de l’indépendantisme après-guerre. Elle a surtout imposé aux autorités françaises des concessions aux musulmans. L’État-major a fait la publicité de l’envoi de quelques privilégiés en pèlerinage à La Mecque, et a insisté pour que les soldats se voient offrir des rites funéraires conformes à l’islam.
BEURIER Joëlle, « La Grande Guerre, matrice des médias modernes », Le Temps des médias : revue d’histoire, no 4, 2005, p. 162-175.
BLOCH Marc, Réflexions d’un historien sur les fausses nouvelles de la guerre, Paris, Allia, 1999 (1re éd. 1921).
LE NAOUR Jean-Yves, Djihad (1914-1918) : la France face au panislamisme, Paris, Perrin, 2017.
Artefact : Objet fabriqué ayant subi une transformation, même minime, par l’homme, et qui se distingue ainsi d’un autre provoqué par un phénomène naturel. L’artefact regroupe les ustensiles, les bâtiments et les œuvres d’art. À l’origine, le terme désigne un phénomène créé de toutes pièces par les conditions expérimentales.
Triple Entente : Ou Entente. Alliance élaborée entre la France, la Grande-Bretagne et la Russie à partir de 1898 pour contrebalancer la Triple Alliance (ou Triplice), formée par l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie.
Alexandre SUMPF, « Stratagèmes de l’ennemi », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/06/2022. URL : histoire-image.org/etudes/stratagemes-ennemi
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