Madame de Montespan et ses enfants
Madame de Montespan et ses enfants : les personnages
Madame de Montespan et ses enfants
Auteur : MIGNARD Pierre (d’après)
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1676 ou début 1677 [?]
H. : 206 cm
L. : 252 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (château de Versailles) / Gérard Blot
12-548395 / MV 8237
Madame de Montespan
Date de publication : Mars 2015
Auteur : Jean HUBAC
Un portrait de cour
La date de cette peinture est incertaine. On peut proposer un intervalle grâce aux dates de naissance des enfants : mademoiselle de Tours (au premier plan à gauche) est née en 1674, alors que mademoiselle de Blois, née en 1677, n’est pas représentée sur le tableau. La date de 1676 ou de début 1677 est alors la plus probable, à moins que le peintre n’ait réalisé son œuvre de manière postérieure, en représentant une situation correspondant à l’année 1676 ou au début de l’année 1677. À ce moment, madame de Montespan est la maîtresse de Louis XIV depuis une dizaine d’années (d’abord concurremment avec Louise de La Vallière, puis exclusivement). Elle est au centre d’un réseau familial et courtisan qu’elle se plaît à animer avec verve, piquant et fierté. Née en 1640 et issue d’une famille d’ancienne noblesse, Françoise de Rochechouart – qui aime se faire appeler Athénaïs – a épousé le marquis de Montespan en 1663 mais vit séparée de corps avec lui. On a conservé d’elle de nombreux portraits contemporains, littéraires ou picturaux, qui rendent hommage à sa beauté et à son esprit vif et mordant.
On ignore qui a peint cette toile, même si l’inspiration de Pierre Mignard est forte. Spécialiste du portrait de cour et premier peintre du Roi, Pierre Mignard (1612-1695) s’est acquis une grande réputation auprès des cercles cultivés. Rival de Le Brun, son style est caractérisé par un modelé rond, des expressions conventionnelles, des coloris contrastés (bleu et or par exemple), dont il tire le meilleur dans de délicates figures d’enfants. Autant de caractéristiques que l’on retrouve dans ce portrait de famille de Madame de Montespan, sans cependant permettre l’authentification de son auteur.
Un portrait de famille sans figure paternelle
Madame de Montespan (1) pose à demi couchée dans un décor naturel à l’horizon bouché par la verdure, qui tranche avec sa riche robe décolletée et sa simple parure de perles – l’auteur de la Vie de Pierre Mignard (1731) explique que la peindre « ce n’étoit pas seulement peindre une très belle personne, c’étoit peindre la noblesse, l’esprit & la beauté même. » Quatre de ses enfants l’entourent : Louis-Auguste (2), né en 1670 et duc du Maine (situé à droite en habit rouge, chapeau à plumes et muni d’une canne), Louis-César (3), né en 1672 de complexion fragile, comte de Vexin et abbé de Saint-Germain-des-Prés (caché jusqu’à la taille par les buissons au second plan à gauche), Louise-Françoise (4), née en 1673 et titrée mademoiselle de Nantes (tenant une brassée de fleurs dans sa robe relevée au premier plan à droite), et Louise-Marie-Anne (5), née en 1674 et titrée mademoiselle de Tours (assise nue sur un carquois au premier plan à gauche, sans doute pour témoigner des effets de l’Amour armé de son arc). Les sujets posent dans des attitudes figées et se détachent nettement de l’écrin verdoyant, témoignage de l’attrait contemporain pour les jardins. Les regards des quatre enfants convergent vers le spectateur, tandis que celui de leur mère se perd vers la droite.
L’absence de figure paternelle renvoie à la position de favorite, que l’art ne s’autorise que rarement à légitimer. Pourtant, le Roi, absent, est donné à voir sous les traits de sa descendance légitimée. La toile doit donc bien être comprise comme un portrait familial de cour. Ce sont bien les enfants qui captent l’attention par leur regard, la favorite n’étant qu’un conducteur de la présence du Roi tout entière contenue dans la transmission de son sang.
Le portrait d’une favorite en quête de reconnaissance
Par nature illégitime, la relation doublement adultérine de Louis XIV et de madame de Montespan constitue pour la favorite un motif d’inquiétude. Les rayons de la gloire royale ne l’éclaireront que tant qu’existera l’inclination royale pour elle. C’est pourquoi ce portrait est aussi un manifeste destiné à affirmer une légitimité – celle du sang capétien transmis aux quatre enfants naturels de Louis XIV. Un autre portrait de Madame de Montespan entouré de ses enfants développe la même intention, peint par Charles de Lafosse quelques années auparavant. La fragilité inhérente à la position de favorite est ainsi contournée par la présence des quatre enfants – même si elle l’est aussi par le volontarisme de Madame de Montespan au quotidien pour lutter contre ses concurrentes dans le cœur du roi (on l’a même accusée lors de l’affaire des poisons d’avoir fait boire au roi des philtres pour conserver ses faveurs). La légitimation de ses enfants par Louis XIV, intervenue en 1673 pour les deux garçons et en 1676 pour les deux filles, est d’ailleurs essentielle pour madame de Montespan. Les enfants qui naissent en 1677 (Françoise-Marie, mademoiselle de Blois) et en 1678 (Louis-Alexandre, comte de Toulouse) confirment l’assise de madame de Montespan sur la descendance royale. Plus tard, les liens avec la famille royale sont renforcés par une politique d’alliances matrimoniales (mademoiselle de Nantes épouse le duc d’Enghien, Louis-Auguste convole avec Anne-Louise-Bénédicte de Bourbon, mademoiselle de Blois se marie avec le futur régent). Ses grossesses et la légitimation de ses enfants ne suffisent cependant pas à donner à Madame de Montespan un rôle politique, tant le roi s’efforce de distinguer sphère affective et sphère politique. Dans ses Mémoires, il conseille d’ailleurs à son fils « que la beauté qui fait nos plaisirs n’ait jamais la liberté de nous parler de nos affaires, ni des gens qui nous y servent. »
En dépit du lien sincère qui unit le roi à ses enfants adultérins (ce dont témoignent les multiples faveurs et dotations dont ils sont l’objet), la disgrâce de madame de Montespan intervient quelques années après la réalisation de ce tableau, en 1683, au profit de la liaison exclusive du roi avec madame de Maintenon, ancienne gouvernante des enfants royaux adultérins. Les fleurs coupées et portées par mademoiselle de Nantes, que madame de Montespan montre nonchalamment, prennent une dimension symbolique. Comme ces fleurs qui représentent la fragilité du monde, la gloire de madame de Montespan n’aura été qu’éphémère. Elle acheva sa vie dans la dévotion en 1707, loin de la cour, après avoir vu mourir plusieurs de ses enfants, dont deux peints ici.
BERTIÈRE Simone, Les reines de France au temps des Bourbons. II : Les femmes du Roi-Soleil, Paris, Éditions de Fallois, 1998.
NIKOLENKO Lada, Pierre Mignard: The portrait painter of the Grand Siècle, Munich, Nitz, 1983.
PETITFILS Jean-Christian, Madame de Montespan, Paris, Fayard, 1988.
SARMANT Thierry, Louis XIV : homme et roi, Paris, Tallandier, coll. « Biographies », 2012.
Jean HUBAC, « Madame de Montespan », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/madame-montespan
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