Allégorie relative au siège de Lille en 1792
Auteur : WATTEAU François
Lieu de conservation : Palais des beaux-arts (Lille)
site web
Date représentée : Septembre-octobre 1792
H. : 87,5 cm
L. : 71,5 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN-Grand Palais (PBA, Lille) / Jacques Quecq d'Henripret
P 1411 - 00-007286
Le siège de Lille (septembre-octobre 1792)
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Alain GALOIN
Le 20 avril 1792, sur la proposition du roi Louis XVI, l’Assemblée législative déclare la guerre à l’empereur d’Autriche et engage ainsi la France dans une guerre qui, hormis la paix de Lunéville (9 février 1801), va durer vingt-deux ans. Les révolutionnaires ont pour objectif premier de libérer la Belgique, placée sous la dépendance de la Maison d’Autriche, mais les idées de la Révolution française – notamment en matière de religion – choquent une population catholique qui n’est pas prête à se soulever, et les patriotes belges ne sont guère qu’une minorité.
Le 28 avril, les troupes françaises passent à l’offensive, mais les opérations militaires tournent aussitôt à la catastrophe : à Mons, les troupes de Biron, duc de Lauzun, rebroussent chemin et s’enferment dans Valenciennes ; celles du général Théobald Dillon, en chemin pour Tournai, se replient sur Lille ; Dillon est massacré par ses soldats pendant la retraite ; La Fayette, qui marche sur Namur, regagne ses arrières. La désorganisation de l’armée, l’inertie et l’incompétence du haut commandement sont à l’origine de ces échecs cuisants.
L’incurie de l’état-major français, l’inefficacité d’une armée composée de mercenaires et de patriotes volontaires mais inexpérimentés convainquent les Autrichiens et les Prussiens de leur supériorité militaire. Le 19 août 1792, les armées de la coalition franchissent les frontières de l’Est. Surprises par les pluies de septembre, décimées par la dysenterie, elles s’enlisent dans les boues de l’Argonne et sont arrêtées à Valmy par Kellermann et Dumouriez le 20 septembre 1792. Néanmoins, le 23 septembre, 13 000 Autrichiens commandés par Albert de Saxe-Teschen mettent le siège devant Lille et, le 29, commencent à bombarder la ville.
Né à Lille le 18 août 1758, François Louis Joseph Watteau est issu d’une lignée d’artistes lillois. Il est l’arrière-petit-neveu de Jean Antoine Watteau (1684-1721), le peintre des fêtes galantes. Peintre, mais surtout dessinateur, il a produit une œuvre graphique considérable. Le siège de Lille l’a particulièrement inspiré. En 1794, il a peint le quartier Saint-Sauveur bombardé par les Autrichiens et a composé cette allégorie du siège en 1795.
Dans la partie supérieure du tableau, trois personnages au visage menaçant sont debout sur une muraille de la ville. Coiffé d’un bicorne orné de la cocarde tricolore, un soldat de la garnison lilloise brandit un sabre dans la main droite et un bâton surmonté du bonnet phrygien dans la main gauche. Sur sa gauche, un homme et une femme du peuple illustrent la mobilisation citoyenne de la population lilloise. La poitrine nue, la femme précipite des charbons ardents sur l’ennemi. Derrière le soldat, un autre citoyen monte sur le mur. D’une main, il brandit son bicorne et, de l’autre, il tient un drapeau tricolore dont les bandes sont encore à l’horizontale et où se lit l’inscription « Les Lillois ont bien mérité de la patrie ».
Dans la partie inférieure de l’œuvre sont figurés des Autrichiens, dans un désordre indescriptible, qui tournent vers les Lillois des yeux terrorisés. Un officier à cheval, en uniforme rouge, est sur le point de s’écrouler. Deux soldats sont accroupis à proximité d’un canon, tandis qu’un troisième lève les yeux et joint les mains, comme pour implorer la pitié des défenseurs de la cité. Il s’agit bien entendu d’une allégorie républicaine à la gloire de la résistance héroïque de la population lilloise.
Dans la guerre qui oppose la France à la coalition austro-prussienne, Lille est en première ligne et ne se trouve nullement dépourvue lorsque l’archiduc Albert de Saxe-Teschen vient y mettre le siège. La garnison française, commandée par le maréchal de camp Ruault, est forte d’environ 10 000 hommes, renforcés par les 132 canonniers de la garde nationale sédentaire citoyenne de la ville, et par la population lilloise activement mobilisée.
Le 29 septembre 1792, à 15 heures, bombes et boulets rouges incendiaires commencent à pleuvoir sur la cité, notamment sur le quartier Saint-Sauveur et sur la Grand-Place. Le 30 septembre, le maire de Lille, François André, lance un appel désespéré aux villes voisines : « Exposés au bombardement le plus vif de la part de l’ennemi qui ne cesse de tirer sur notre ville à boulets rouges et à bombes […] nous vous prions au nom de la Patrie de nous envoyer vos pompes… », appel dont l’écho est entendu par Béthune qui met tout en œuvre pour aider les assiégés à éteindre les incendies et à repousser les assauts de l’ennemi. Au terme d’une résistance acharnée, l’armée autrichienne doit se replier sur Tournai le 8 octobre. Elle laisse une ville sévèrement endommagée, avec notamment plus de 400 maisons totalement détruites dans le quartier populaire de Saint-Sauveur.
Le 12 octobre 1792, la Convention nationale vote à l’unanimité le décret proclamant que « Lille a bien mérité de la Patrie ». La colonne de la Déesse, érigée en 1845 sur la Grand-Place, est le témoignage de cette reconnaissance nationale. Sur son socle est gravée la réponse du maire de Lille à l’ultimatum d’Albert de Saxe-Teschen : « Nous venons de renouveler notre serment d’être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l’égalité, ou de mourir à notre poste. Nous ne sommes pas des parjures ! »
Jean-Paul BERTAUD, Atlas de la Révolution française, tome III, « L’armée et la guerre », Paris, Éditions de l’E.H.E.S.S., 1989.
Jean-Paul BERTAUD, Les Soldats-citoyens de la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979.
Albert SOBOUL, Les Soldats de l’An II, Paris, Le Club français du Livre, 1959.
Georges SORIA, Grande histoire de la Révolution française, Paris, Bordas, 1988.
La Révolution française et l’Europe (1789-1799), catalogue de l’exposition du Grand Palais, Paris, 16 mars-26 juin 1989, Paris, R.M.N., 1989.
Allégorie : Représentation figurée d’une idée abstraite.
Alain GALOIN, « Le siège de Lille (septembre-octobre 1792) », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/siege-lille-septembre-octobre-1792
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
Les Barrières de Paris
Au début de la Révolution française, les sites de prélèvement de l’octroi sont pris pour cible et…
La revue La Plume et le Salon des Cent
Parmi les petites revues littéraires et artistiques de la Belle Époque, La Plume, créée par Léon Deschamps…
La Folie : de l'allégorie à l'évidence photographique
L’invention de la photographie en 1839 par Jacques Daguerre (1787-1851) eut, entre autres, des conséquences non négligeables sur la recherche…
L’emprunt de la libération de 1918
Durant le premier conflit mondial, la France a financé son effort de guerre par l…
Le roi danse : Louis XIV et la mise en scène du pouvoir absolu
La grande tradition des ballets de cour en France fut inaugurée par le Ballet comique de la Reine…
La France offrant la Liberté à l’Amérique
Jean Suau est un peintre d’histoire quelque peu oublié, né en 1755 et mort en 1841. Il fut l’élève du chevalier de Rivalz (Pierre Rivalz) et le…
L’hôtel des Invalides
Voulue par Louis XIV, l’édification de l’hôtel des Invalides au sud-ouest de Paris est…
La Défense de Paris
En obtenant la majorité au Sénat et le départ de Mac-Mahon, remplacé à l’Elysée par Jules Grévy, les républicains sont enfin…
La décoration picturale de l'Hôtel de ville de Paris
Au terme de la semaine sanglante, les communards qui se repliaient devant l’armée…
Bonaparte et la propagande pendant la campagne d'Italie
Encore peu connu lorsqu’il rejoint l’armée d’Italie pour effectuer des manœuvres de diversion, Bonaparte sait d’emblée s’attacher ses soldats. Son…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel