Brevet de volontaire de la garde nationale.
Lieu de conservation : archives départementales de l’Essonne (Chamarande)
site web
Date de création : 1789
Date représentée : 1790
H. : 25,5 cm
L. : 34 cm
Titre complet : Brevet de volontaire de la garde nationale de Wic-cous dit Wuissous. « Qui sert bien sa patrie n'a pas besoin d'ayeux ». A Paris, chez Nicolas, rue Saint-Honoré. Maison de Mr Coutencin, n° 109. AD Essonne 79J57
Domaine : Archives
© Archives départementales de l'Esssonne - Photo Y. Morelle
AD Essonne 79J57
Brevet de volontaire de la garde nationale
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Luce-Marie ALBIGÈS et Philippe OULMONT
Brevet de volontaire de la garde nationale
Brevet de volontaire de la garde nationale
La garde nationale en juillet 1790
La garde nationale n’est pas initialement destinée à protéger le royaume contre une agression extérieure, elle n’assure que la police intérieure, se borne à imposer le respect des lois et l’ordre public. Les gardes nationales poursuivent ainsi la tradition des milices bourgeoises de l’Ancien régime et conserveront ce rôle de garde civile jusqu’à leur suppression en 1871.
Loin d'être un soldat de métier, le détenteur de ce brevet, Mathurin Auboin, est un gros fermier du village de Wissous, au sud de Paris. Dans sa fierté de servir dans la garde nationale, il fait figurer sur son brevet le nom de son village, de préférence à la localité de rattachement de son bataillon ( un bataillon rassemblait 800 hommes).
La symbolique des débuts de la Révolution
Destiné à l’identification d’un garde national, ce brevet sur parchemin (25,5 x 34 cm), gravé en réservant l’espace pour des mentions manuscrites, par J. L. Copia (graveur(1764-1799)) et initialement composé pour la garde nationale de Paris (« Brevet de volontaire de la garde nationale non soldée ». BNF Département des Estampes Qb1 1793 (décembre)), est vendu chez Nicolas[1].
Les vignettes décoratives de l'encadrement, liées entre elles par des entrelacs de style Louis XV, mettent en évidence les symboles de la France nouvelle dont la défense s'organise en référence au moment fondateur : l'image de la prise de la Bastille, en bas, est connue de tous à l'époque. La conscience d'avoir mené à bien un acte révolutionnaire et bénéfique découle du décor guerrier[2]. Sur les côtés se mêlent, à droite, des armes populaires et médiévales, bouclier, arcs et flèches, haches et massue, et, à gauche, des instruments de musique : tambour, cymbales, trompettes. La diversité des armes évoque probablement les différentes compagnies de la garde nationale parisienne (grenadiers, fusilliers, chasseurs, sapeurs, canonniers et piquiers) qui semblent toutes représentées ainsi que la fanfare.
A ce caractère hétéroclite fait écho le heaume chevaleresque avec son plumet surplombant la vignette de la Bastille. La devise "Qui sert bien sa patrie n'a pas besoin d'ayeux" explicite la présence du heaume, emblème des aïeux des nobles : elle en démontre l'inutilité pour les vrais patriotes sans pour autant manifester une hostilité anti-nobiliaire. Cette devise reprend un alexandrin de Voltaire[3]. La pensée d’un des inspirateurs de la Révolution dont les tragédies sont connues de tous à l’époque est ainsi liée au grand événement de la Prise de la Bastille et au rôle de la garde nationale. Mais le remplacement de « pays » par « patrie » met la devise au goût du jour.
Patriotisme est alors un terme consubstantiellement lié à la Révolution; il implique la force armée du peuple. A droite, semblent figurés les instruments de la victoire, l’obusier et les boulets dont la pyramide évoque peut-être le symbole franc-maçon. A gauche, le sauvage nu armé d’un fouet, transpercé de flèches, décapité et baignant dans son sang, personnifie au contraire l’arbitraire et le despotisme vaincus. De l’enveloppe placée à côté de lui qui représente une lettre de cachet sort un document où se distingue le mot « veto »[4].
Au combat mené pour la liberté dans la partie basse de la gravure, s’oppose la nouvelle civilisation dont les attributs allégoriques ornent les côtés et la partie haute. A droite, on trouve dans la panoplie d'armes un carquois rempli de flèches qui le font ressembler à un faisceau avec l'inscription "Fort de notre union", symbole que les régimes républicains conserveront ensuite. La référence égalitaire est donnée par la balance de la justice, qui tient compte enfin équitablement des attributs du peuple rural laborieux, plus lourds que la Croix de Saint-Louis des privilégiés. A gauche, un esclave vêtu à l'antique se libère de ses chaînes, complétant l'évocation des nouveaux principes, la liberté et l'égalité.
En haut, triomphe la France nouvelle, celle qui rend hommage aux mérites véritables par la couronne de lauriers celle qui se reconnaît derrière le coq aux ailes éployées sautillant fièrement, emblème ancien redevenu populaire (gallus, gaulois), et surtout celle qui voit triompher au milieu des drapeaux, des trompettes et des rameaux de chêne (force durable) l'alliance du roi et des Français, manifestée par le bonnet populaire sur la pointe de l'épée monarchique, et par la juxtaposition de la tradition dynastique (les fleurs de lys sur champ d'azur) avec le nouvel ordre - la Nation, la Loi et le Roi. Dans ce cadre monarchique et constitutionnel s'épanouissent à la fois la liberté nouvellement gagnée et l'union nationale, associées l'une et l'autre à la commémoration du quatorze juillet.
Le patriotisme de l’an premier de la liberté
Ce brevet magnifiquement illustré d’emblèmes civiques exalte la fierté d’appartenir aux cohortes patriotiques de la garde nationale, alors que la bourgeoisie était écartée de la carrière militaire sous l’Ancien Régime. Tous les détails de ce langage allégorique sont parfaitement accessibles aux contemporains car la Révolution a multiplié les images de propagande de ce type. La prise de la Bastille a inauguré la diffusion d'une multitude d'images à composition symbolique, comme les diplômes de vainqueurs de la Bastille.
Le 14 juillet 1790, la fête de la Fédération clôt une année marquée par des décisions irrévocables, l'abolition des privilèges (4 août 1789) et la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (26 août 1789) dont l'écho est ici très clair. Ce diplôme, par sa décoration, traduit les sentiments et les espoirs communs de l'an premier de la liberté. En s'engageant le 14 juillet 1790 comme volontaire dans la garde nationale, Mathurin Auboin a conscience de défendre la "patrie" c'est-à-dire les acquis de la Révolution. Ni lui, ni les représentants des gardes nationales de tout le royaume réunis à Paris le même jour, ne peuvent se douter que les attributs naïvement guerriers du bas serviront bientôt à se battre entre Français.
Albert SOBOUL (dir.) Dictionnaire historique de la Révolution Paris, PUF, 1989.Michel VOVELLE La Révolution française, images et récit, 1789-1799 Paris, Messidor, 1986.
Luce-Marie ALBIGÈS et Philippe OULMONT, « Brevet de volontaire de la garde nationale », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/brevet-volontaire-garde-nationale
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