La ménagerie impériale, portrait-charge n°5 de la Princesse Mathilde, "la truie".
La ménagerie impériale, portrait-charge n°4 du Prince Napoléon, "le lièvre".
La ménagerie impériale, portrait-charge n°6 de Pierre Bonaparte, "le sanglier".
La ménagerie impériale, portrait-charge n°5 de la Princesse Mathilde, "la truie".
Auteur : HADOL, dit WHITE Paul
Lieu de conservation : musée national du château de Compiègne (Compiègne)
site web
Lithographie coloriée
Domaine : Estampes-Gravures
© Photo RMN - Grand Palais - G. Blot
00-028972
La famille de l'Empereur dans la Ménagerie impériale
Date de publication : mai 2006
Auteur : Alain GALOIN
Après la chute du régime impérial en 1870, la presse républicaine se déchaîna contre les souverains déchus, mais n’épargna pas davantage la famille de l’empereur : le prince Napoléon (1822-1891) tout d’abord, mais aussi Pierre Bonaparte (1815-1881), fils de Lucien Bonaparte, ou encore la princesse Mathilde (1820-1904), cousine germaine du prince-président, qui présidait au bon déroulement des fêtes et réceptions organisées à l’Élysée, à Saint-Cloud ou à Compiègne. Dès son accession au pouvoir, le futur empereur fut en effet assailli par son entourage familial qui avait encore le souvenir de Napoléon Ier distribuant honneurs et couronnes à ses frères et sœurs. Cette organisation clanique des Bonaparte est d’ailleurs pour beaucoup dans l’hostilité qui se développa dans l’opposition à leur égard.
Dans La Ménagerie impériale de Paul Hadol, la princesse Mathilde est représentée sous les traits d’une grosse truie aux mamelles généreuses, vautrée dans sa soue. Son visage empâté, aux lourdes bajoues et aux petits yeux porcins, est surmonté d’une couronne de feuilles de chêne ornée de gros glands. Des boucles d’oreilles, un bracelet et un éventail rappellent les fastes de la cour impériale. Le dessinateur lui attribue deux défauts : la « luxure » et l’« impudeur ».
Le prince Napoléon, son frère, a l’apparence d’un lièvre apeuré – longues oreilles dressées, yeux écarquillés – qui détale dans un champ de blé. L’artiste a restitué la légendaire ressemblance du prince avec son oncle l’empereur Napoléon Ier. À l’arrière-plan , un bicorne napoléonien est abandonné sur un bâton fiché en terre. Un linge blanc est accroché au morceau de bois et flotte au vent. La « prudence » et la « pusillanimité » sont les traits de caractère soulignés par l’artiste.
Fils de Lucien Bonaparte – prince de Canino et frère de Napoléon Ier –, cousin germain de Napoléon III, Pierre Bonaparte est figuré sous les traits d’un sanglier agressif et menaçant. De sa bouche cachée par une moustache et une barbe abondantes jaillissent deux défenses. Il tient un revolver dans chaque « main ». Une dague et un pistolet sont passés dans sa ceinture. Il a l’aspect terrible d’un bandit corse sorti de son maquis insulaire, armé jusqu’aux dents. Paul Hadol stigmatise ici sa « sauvagerie » et sa « brutalité ».
Rentré à Paris en 1848, Jérôme Bonaparte, ex-roi de Westphalie, profita de la fulgurante ascension de son neveu Louis Napoléon, lien de famille qui lui valut les titres de gouverneur des Invalides (1848), de maréchal de France (1850) et de président du Sénat (1852). Dans le « Musée des Empaillés » de La Ménagerie impériale, Paul Hadol l’assimile à un boa glouton. La princesse Mathilde et le prince Napoléon – ses deux enfants survivants issus de son mariage avec Catherine de Wurtemberg – ne sont guère mieux traités par le caricaturiste. Intendante des fêtes de Louis Napoléon Bonaparte à son accession au pouvoir, Mathilde profita largement des libéralités de son cousin. La « luxure » dont elle est gratifiée fait allusion à la liaison affichée aux yeux du monde qu’elle entretint avec le « beau Batave », le comte Émilien de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts de l’empereur. Quant au prince Napoléon, parti pour la Crimée en 1854, il rentra en France prématurément sous prétexte de maladie, mais on le soupçonna toujours de couardise : pour Horace de Viel-Castel, il est « le fuyard des champs de bataille de la Crimée ».
Pierre Bonaparte, quant à lui, était l’enfant terrible de la famille impériale. Brillant cavalier, passionné de chasse et d’armes à feu, il participa en 1831 à l’insurrection des Romagnes aux côtés des carbonari, avec ses cousins Napoléon-Louis et Louis-Napoléon, les fils de Louis, roi de Hollande, et de la reine Hortense. Rentré en France en 1848, il fut élu député à l’Assemblée constituante de la IIe République et défraya la chronique en assassinant, le 10 janvier 1870, Victor Noir – de son vrai nom Yves Salmon –, journaliste au quotidien La Marseillaise, qui n’était d’ailleurs pas sa première victime. Traduit devant la Haute Cour de justice le 21 mars 1870, le prince Pierre Bonaparte fut finalement acquitté, mais les funérailles du journaliste donnèrent lieu à de violentes manifestations populaires, hostiles à Napoléon III, véritable prélude à la chute du régime impérial.
Annie DUPRAT, Histoire de France par la caricature, Paris, Larousse, 1999.Eugénie de GRECE, Pierre-Napoléon Bonaparte, 1815-1881, Paris, Hachette, 1963.Jacques LETHERE, La Caricature et la presse sous la IIIe République, Paris, Armand Colin, coll. « Kiosque », 1961.Jérôme PICON, Mathilde, princesse Bonaparte, Paris, Flammarion, 2005.Jean TULARD (dir.), Dictionnaire du Second Empire, Paris, Fayard, 1995.« La caricature, deux siècles de dérision salutaire », in Historia n° 651, Paris, mars 2001.
Alain GALOIN, « La famille de l'Empereur dans la Ménagerie impériale », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/famille-empereur-menagerie-imperiale
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