Aller au contenu principal
Montmartre : Moulin de la Galette

Montmartre : Moulin de la Galette

Montmartre : rue Cortot

Montmartre : rue Cortot

Montmartre : rue Saint-Vincent

Montmartre : rue Saint-Vincent

Montmartre : place du Tertre et rue Norvins

Montmartre : place du Tertre et rue Norvins

Montmartre : Moulin de la Galette

Montmartre : Moulin de la Galette

Date de création : 1899

Date représentée : 1899

H. : 16,6 cm

L. : 21,7 cm

Photographie positive sur papier albuminé d'après négatif sur verre au gélatinobromure

Domaine : Photographies

© Cliché Bibliothèque Nationale de France

RES EO-109B-BTE 23 - Atget 370

Eugène Atget et le pittoresque montmartrois

Date de publication : Décembre 2007

Auteur : Claire LE THOMAS

Une ville transformée

Avec les travaux d’urbanisme du second Empire, le visage de Paris se modifie profondément : pour construire les infrastructures nécessaires à une capitale européenne moderne (gares, halles, parcs, voirie, canaux, égouts, adductions d’eau…) des quartiers entiers sont démolis ou considérablement remaniés. Les grands boulevards percent un tissu urbain dense de demeures imbriquées et de petites ruelles ; les immeubles haussmanniens remplacent les vieilles habitations ; les parcs réintroduisent des espaces verts dans la ville ; les rues étroites et sombres en terre encombrées d’immondices s’effacent au profit d’avenues pavées et arborées propices à la promenade et éclairée la nuit…
De telles transformations ont des conséquences sur les modes de vie même des Parisiens et sur le type de population résidant à Paris. Tandis que les plus pauvres se trouvent repoussés à la périphérie, dans les faubourgs, la culture communautaire parisienne disparaît.
Quelques quartiers conservent néanmoins la physionomie du vieux Paris. La butte Montmartre, notamment, non remaniée par les grands chantiers de la seconde moitié du 19e siècle, à l’exception de l’ensemble monumental du Sacré-Cœur, possède alors un aspect particulier, à la fois citadin, provincial et rural.

Un quartier provincial et rural

Les photographies du 18e arrondissement prises par Atget au tournant du 20e siècle, témoignent bien de la spécificité de l’environnement montmartrois à cette époque. Peu d’éléments permettent de reconnaître, sur ces clichés, la capitale de la modernité que les écrivains célèbrent et que d’autres photographes, comme Marville, immortalisent. Montmartre garde les rues étroites, les maisons et les immeubles modestes, les petites places qui font la particularité du Paris pré-haussmannien.
Ces images restituent également l‘atmosphère villageoise du site : certaines rues sont encore en terre, comme la rue Saint Vincent ; des palissades, des murs délimitent de petits jardins ; les habitations à deux ou trois étages ont un caractère rural ; la place du Tertre, selon Pierre Mac Orlan, ressemble « à une place de petite ville de province ». Celle-ci, bordée de demeures humbles et de petits commerces, non pavée, accueillant les marchands ambulants sous ses rangées d’arbres, ne possède en effet aucune des caractéristiques d’un grand centre urbain.
Des signes d’une activité agricole étaient encore visibles sur la pente nord de la butte où se côtoient, selon un aménagement quelque peu anarchique, des moulins, des champs, des petits jardins cultivés. Les terrains vagues à l’arrière du Moulin de la Galette, les chemins de terre, les palissades irrégulières enserrant vergers et potagers, confèrent à Montmartre une apparence champêtre, bien éloignée de l’urbanisme parisien. L’un des clichés accentue d’ailleurs la présence de la nature dans le quartier : pris sous l’ombre d’arbres, il joue exceptionnellement de la lumière du soleil et donne ainsi l’impression d’une atmosphère boisée, comme si ce quartier était envahi par la végétation.

Montmartre, une enclave dans Paris

A la lisière de Paris, entre campagne cultivée et friche, Montmartre était un lieu favorable à la préservation de manières traditionnelles de vivre et d’occuper l’espace public. Une culture communautaire populaire subsistait, dans laquelle le quartier, la rue, faisaient à la fois office de lieu de travail et de délassement. La vie quotidienne s’y déroulait autant à l’extérieur qu’à l’intérieur favorisant les échanges et la sociabilité collective.
Des traditions d’autosubsistances paysannes et ouvrières anciennes semblent également avoir été poursuivies. La présence de petits champs, de jardins cultivés et aménagés, sur la butte Montmartre pourrait signifier la persistance d’une existence en partie autarcique : les menues cultures, qui étaient associées à l’élevage de quelques animaux domestiques, étaient sans doute dédiés à la consommation familiale.
Il n’est donc pas étonnant qu’Atget ait photographié la butte Montmartre et que ses clichés reflètent bien l’atmosphère particulière qui y régnait : il y retrouvait le Paris pittoresque et la vie de quartier populaire qu’il recherchait. Celui-ci s’attachait en effet à décrire, selon une démarche documentaire, ce qui restait de l’ancienne morphologie de Paris et les activités en voie de disparition qui s’y déroulaient. Deux des albums qu’il réalisa, Les petits métiers de Paris et Vie et métiers à Paris, dépeignent notamment les mécanismes d’appropriation de l’espace public à travers des scènes de la vie quotidienne et des usages professionnels de la rue. Ses clichés du XVIIIe arrondissement s’attachent essentiellement aux bâtiments, d’où le choix d’un cadrage large, prenant le point de vue du piéton, qui exprime au mieux la sensation architecturale, et d’une luminosité diffuse, peu contrastée. Celle-ci n’élimine pas les détails et autorise un rendu précis qui correspond à la qualité de document qu’Atget conférait à ses images. Il montrait alors une ville à l’opposé de l’urbanisme moderne, hygiéniste et grandiose mis en place par le second Empire, un cadre urbain et un milieu social encore préservés des bouleversements engendrés par la seconde révolution industrielle, ce qu’était précisément Montmartre à l’aube du XXe siècle.

Il faut cependant nuancer cette image nostalgique. Comme toute photographie, ses prises de vue sont conditionnées par un regard qui sélectionne ce qu’il veut montrer. Ainsi, le XVIII e arrondissement, secteur à la périphérie de Paris, proche des usines de la banlieue nord, était concerné par l’afflux migratoire ouvrier et la misère qui en résultait, phénomène urbain contemporain par excellence. Montmartre était donc un quartier particulièrement singulier, renfermant dans un espace restreint des réalités très contrastées et ce fut justement cette hétérogénéité marginale qui attira les avant-gardes artistiques.

Alain CORBIN (dir.) L’avènement des loisirs 1850-1960 Paris, Rome, Editions Aubier, Laterza, 1995.

Guillaume LE GALL Atget, Paris pittoresque Paris, Editions Hazan, 1998.

Pierre MAC ORLAN Montmartre, mémoires Paris, Arcadia Editions, 2003.

Claire LE THOMAS, « Eugène Atget et le pittoresque montmartrois », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/eugene-atget-pittoresque-montmartrois

Anonyme (non vérifié)

Un espace public s'écrit comme un jardin. L'école est publique mais l'espace est public.
Merci de faire la correction.

dim 22/04/2012 - 04:01 Permalien

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Une nouvelle expérience urbaine

Une nouvelle expérience urbaine

Le métro, emblème de Paris

Dès l’origine, le métropolitain de Paris inspire des artistes aussi divers que le Nabi Édouard Vuillard, qui peint l’…

Une nouvelle expérience urbaine
Une nouvelle expérience urbaine
Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815

Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815

L'antique, modèle de génie

Les figures antiques doivent servir de règle et de modèle, énonçait le Dictionnaire portatif (1757) d'Antoine-Joseph…

Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815
Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815
Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815
Présence des chevaux de Venise à Paris, de 1798 à 1815
4 septembre 1870 : la République est de retour

4 septembre 1870 : la République est de retour

Les dernières heures du Second Empire

Lorsque la nouvelle de la capture de Napoléon III suite à la défaite de Sedan arrive à Paris, un certain…

Visions de la Tour Eiffel

Visions de la Tour Eiffel

La tour Eiffel, symbole de Paris et de la France, paraît intemporelle. Mais l’unanimité que suscitent aujourd’hui ses 321 mètres donnent lieu ne…

Visions de la Tour Eiffel
Visions de la Tour Eiffel
Visions de la Tour Eiffel
Visions de la Tour Eiffel
La Charge

La Charge

L’agitation politique et sociale, au tournant du siècle, n’est pas seulement due au contexte de l’affaire Dreyfus et de la crise des Inventaires.…

La Vénus encordée

La Vénus encordée

Images de l’évacuation des œuvres

En 1938, la crainte de la guerre et des bombardements entraîne une grande opération de déménagement des œuvres…

La Vénus encordée
La Vénus encordée
Alésia

Alésia

La redécouverte des Gaulois

Dans le Paris du XIXe siècle, le Salon et le concours des Beaux-Arts représentent des étapes fondamentales dans la…

Alésia
Alésia
Paris enflammé par la Commune

Paris enflammé par la Commune

Paris en feu

Les premiers incendies particulièrement spectaculaires de la « Semaine sanglante » furent provoqués par les bombardements versaillais…

La Faillite du système Law

La Faillite du système Law

Bulle spéculative, crise financière et panique boursière

Alors qu’au lendemain de la mort de Louis XIV la banqueroute menace, le régent Philippe…

Le vieux Paris - la photographie documentaire

Le vieux Paris - la photographie documentaire

Mutations urbaines

« Dehors, des thèmes populaires finement écrits pour des instruments variés, depuis la corne du raccommodeur de porcelaine ou…

Le vieux Paris - la photographie documentaire
Le vieux Paris - la photographie documentaire
Le vieux Paris - la photographie documentaire