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Massacre dans les prisons

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Massacre à la Salpétrière des femmes de mauvaise vie

Massacre à la Salpétrière des femmes de mauvaise vie

Massacres de Bicêtre et du Chatelet

Massacres de Bicêtre et du Chatelet

Massacre dans les prisons

Massacre dans les prisons

Auteur : ANONYME

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date représentée : 2 septembre 1792

H. : 9,2 cm

L. : 15 cm

Dessin à la plume, encre noire, lavis gris

Domaine : Dessins

© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Thierry Le Mage

Lien vers l'image

3641 DR - 06-503568

Les Massacres de septembre

Date de publication : Mars 2016

Auteur : Alain GALOIN

Moment capital dans l’histoire de la Révolution française, la journée du 10 août 1792 marque, de fait, la fin de la monarchie et le début de la seconde Révolution. Trois pouvoirs occupent le devant de la scène au lendemain de la prise des Tuileries : la Commune insurrectionnelle de Paris, désormais dominée par Robespierre ; l’Assemblée législative issue des élections de septembre 1791 ; le Conseil exécutif provisoire, à la tête duquel se trouve Danton, ministre de la Justice, Premier ministre de fait, secondé par Roland à l’Intérieur, Servan à la Guerre, Clavière aux Finances, Lebrun-Tondu aux Affaires étrangères et le savant mathématicien Monge à la Marine. Dans l’attente de l’élection d’une Convention nationale, la Commune de Paris impose sa prééminence, sourdement contestée par l’Assemblée législative et le Conseil exécutif provisoire. Cette « compétition » avec la Commune amène l’Assemblée à radicaliser sa politique. Le 17 août 1792, elle crée un tribunal criminel pour juger les défenseurs du roi lors de la prise des Tuileries.

La reddition de la ville de Longwy, le 23 août, accroît la crainte d’une menace étrangère sur la capitale. L’Assemblée décrète l’enrôlement de 30 000 volontaires qui se porteront aux frontières du Nord et de l’Est. Elle charge la Commune d’effectuer des visites domiciliaires dans la nuit du 29 au 30 août, pour saisir les armes et arrêter les suspects. Le siège de Thionville et de Lille, la capitulation de Verdun, le 29 août, contribuent à renforcer la thèse du « complot des prisons » : dans une capitale désertée par les volontaires, les contre-révolutionnaires détenus s’évaderont, égorgeront les patriotes, libéreront Louis XVI pour, finalement, livrer la capitale aux Prussiens. Du 2 au 6 septembre 1792, les prisons parisiennes sont donc investies par les sans-culottes qui massacrent près de 1 300 détenus. Ces massacres de septembre ont nourri une abondante iconographie, d’origine souvent populaire et anonyme.

Le premier des trois dessins représente le lieu d’où sont partis ces massacres : la prison de l’Abbaye, ainsi nommée car elle a longtemps dépendu de l’abbaye. Le 2 septembre, au milieu de l’après-midi, des prisonniers arrêtés le 10 août sont transférés, sur l’ordre du Comité de surveillance créé par la Commune insurrectionnelle de Paris, à l’abbaye où les attend un groupe de sans-culottes. Armés de gourdins, de haches, de sabres et de piques, ils sont mis à mort sans jugement. Au premier plan gisent les cadavres amoncelés. Visible à gauche, la garde nationale laisse faire.

Le deuxième dessin représente les massacres perpétrés à l’hôpital-prison de la Salpêtrière le 3 septembre 1792. Dans cet établissement sont détenues 186 femmes, essentiellement des prostituées et des femmes adultères. Sur l’ordre de deux commissaires de la section du Finistère, les prisonnières sont extraites de leurs cellules. Au centre de l’image, un commissaire lit le registre d’écrou pendant que des sans-culottes armés de haches, de masses et de gourdins exterminent les malheureuses. Au premier plan, deux hommes fouillent les cadavres pour saisir les biens éventuels qui seront remis à la section. Les corps seront ensuite inhumés dans le cimetière de l’hôpital.

Le dernier document figure deux autres sites où ont eu lieu des massacres de prisonniers. Le dessin de gauche représente les exécutions sommaires perpétrées le 3 septembre à l’hôpital de Bicêtre, lieu où l’on enferme alors les aliénés et où maîtres et parents placent « en correction » les adolescents récalcitrants. À une fenêtre grillagée apparaît une tête plantée au bout d’une pique. L’autre scène a pour arrière-plan les tours et les hautes murailles du Châtelet. Extraits de leur geôle, les détenus sont livrés à la fureur meurtrière des « septembriseurs », là encore sans que la garde nationale intervienne.

Cette iconographie met nettement en évidence l’horreur et la cruauté de ces massacres et semble donc s’inscrire dans le rejet et la condamnation de cette première Terreur.

Les massacres de septembre 1792 constituent l’un des sommets de la violence révolutionnaire. Ils se sont déroulés dans un contexte de psychose collective provoquée par l’invasion austro-prussienne et par la crainte, entretenue par la presse, d’un retournement de situation en faveur des royalistes et de la monarchie. Des affiches invitent les patriotes à « purger la Nation avant de courir aux frontières ». Dans son journal L’Ami du Peuple, Marat appelle au massacre des ennemis de la Révolution. Dans L’Orateur du Peuple, Fréron dénonce l’inertie des autorités constituées – Assemblée législative, Conseil exécutif, Commune de Paris : « Quand la Loi est sourde et muette, les citoyens doivent agir avec transport. » La section Poissonnière, bientôt suivie par beaucoup d’autres, est la première à exiger le jugement des détenus des prisons parisiennes soupçonnés de participer au « complot ».

Cependant, la plupart des historiens – Pierre Caron et Albert Soboul, entre autres – estiment que ces massacres n’ont été ni prémédités ni préalablement organisés : il s’agit pour eux d’un accès de fureur populaire spontané. Selon Michel Foucault, c’est « un acte de guerre contre l’ennemi intérieur, un acte politique contre les manœuvres des gens au pouvoir et un acte de vengeance contre les classes oppressives ». Et en effet, les victimes sont majoritairement des prêtres réfractaires et des aristocrates dont la figure la plus célèbre est la princesse de Lamballe, « tendre amie » de la reine. Les sans-culottes n’ont tenu compte ni de la condition ni de l’âge ni du sexe des détenus qu’ils ont suppliciés. Impuissantes, les autorités ont laissé faire. Le 3 septembre, Roland, ministre de l’Intérieur, déclare : « Hier fut un jour sur lequel il faut peut-être jeter un voile. »

Dans les jours qui suivent, Olympe de Gouges est la première à s’émouvoir de ces horreurs. Elle publie le pamphlet « La Fierté de l’Innocence », dans lequel elle stigmatise les massacres : « Le sang, même celui des coupables, versé avec cruauté et profusion, souille éternellement les révolutions. » Le Patriote français, de Brissot, est le seul journal à s’opposer à la thèse du complot et à condamner les exécutions sommaires. Quoi qu’il en soit, cette première Terreur éclipse de fait le principe monarchique et laisse le champ libre à la république, qui va s’installer, de fait, dans un pays divisé, au bord de la guerre civile.

Frédéric BLUCHE, Septembre 1792. Logiques d’un massacre, Paris, Robert Laffont, 1986.

Pierre CARON, Les Massacres de Septembre, Paris, Maison du Livre français, 1935.

Marcel DORIGNY, « Massacres de septembre », in Dictionnaire historique de la Révolution française, Paris, P.U.F., 1989.

Paul et Pierrette GIRAULT DE COURSAC, Septembre 1792 : la mort organisée, Paris, F. X.de Guibert, Paris, 1994.

Mona OZOUF, « Massacres de septembre : qui est responsable ? », in L’Histoire n° 342, mai 2009, p. 52-55.

Georges SORIA, Grande histoire de la Révolution française, Paris, Bordas, 1988.

Alain GALOIN, « Les Massacres de septembre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/massacres-septembre

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