Mata Hari dansant dans la bibliothèque du Musée Guimet
Mata Hari exécutant des danses brahmaniques dans la bibliothèque du Musée Guimet
Mata Hari dansant dans la bibliothèque du Musée Guimet
Mata Hari exécutant des danses brahmaniques
Mata Hari dansant dans la bibliothèque du Musée Guimet
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée national des Arts asiatiques – Guimet (Paris)
site web
Date de création : 13 mars 1905
Date représentée : 13 mars 1905
Madame Mac Méod (future Mata Hari) éxécutant des danses brahmaniques dans la bibliothèque du Musée Guimet de Paris
Domaine : Photographies
© GrandPalaisRmn (MNAAG, Paris) / Thierry Ollivier
9992.37bis - 07-531408
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Date de publication : Décembre 2011
Auteur : Gabriella ASARO
La photographie et l'engouement pour les cultures orientales
Le goût pour l'exotisme, notamment pour l'Orient, est l'héritage de l'époque romantique, et continue à la Belle Époque à influencer tous les domaines de la création : arts figuratifs et décoratifs, littérature, musique, arts du spectacle. Le développement de la photographie permet en outre une riche documentation iconographique, ethnologique autant que scientifique ou artistique. Parfois esprit ethnologique et invention exotique se croisent, comme pour l'exhibition de la danseuse Mata-Hari au Musée Guimet de Paris, immortalisée par un photographe anonyme.
L’industriel lyonnais Émile Guimet (1836-1918), passionné d'art et de musique, entreprend son premier voyage en Orient en 1865 et collectionne dès lors de très nombreux objets issus des civilisations égyptienne, grecque, indienne, chaldéenne, chinoise, japonaise. En 1879, il inaugure à Lyon un premier musée qui, faute de soutien de la municipalité, ferme ses portes cinq ans plus tard. En 1889, il ouvre à Paris un nouveau musée à Paris, entièrement consacré aux collections orientales. En 1905, lors d'une soirée chez Mme Kiréevsky, Guimet admire la danse exotique et sensuelle de Lady Mac Leod, qui se fait passer pour une veuve dans le besoin. En dépit des histoires pleines d'imagination et souvent contradictoires racontées par Lady Mac Leod, le Tout-Paris se laisse prendre au jeu de cette femme séduisante. Née Margaretha Zelle, fille d'un chapelier dont elle a hérité la mythomanie, la jeune femme a effectivement vécu à Java avec son mari, l'officier Rudolf Mac Leod. En quête d'émancipation et de célébrité, elle débarque à Paris, où elle travaille comme écuyère, puis danseuse. Tombé sous le charme de Margaretha qu'il considère comme « une danseuse authentiquement orientale », Guimet l'invite à s'exhiber dans la bibliothèque de son musée et lui demande de trouver un nom d'artiste. Margaretha propose celui de
Mata-Hari, « œil du jour », c'est-à-dire « soleil » en hindi. En réalité, c'est un terme malais, mais Guimet ne remarque pas l'erreur.
Mata-Hari, ou l'incarnation d'un rêve érotique et exotique
Le 13 mars 1905, Guimet accueille un comité d'artistes et de diplomates, dont les ambassadeurs japonais et allemand. Il introduit le spectacle par une conférence sur les danses védiques. Présentée comme une danseuse sacrée de Java, Mata-Hari interprète trois danses « brahmaniques ». La rotonde de la bibliothèque du musée a été transformée pour l'occasion en sanctuaire de Shiva, dieu de la destruction et de la fécondation, entouré d'un cercle de flammes. Son effigie en roi de la danse (Nâtarâja) figure sur le fond de la scène, comme on le voit sur la première photographie, où l’on aperçoit également, sur la droite, la statue du dieu de la guerre Skanda. Des guirlandes de fleurs ornent les huit colonnes cannelées ; sur le tapis parsemé de fleurs sont assises quatre mimes, dont la pâleur des visages contraste avec leurs vêtements noirs.
Au premier plan se dresse Mata-Hari : grande, brune, élancée, elle porte un diadème qui reprend le croissant de lune surmontant la tête de Shiva ; des bracelets serrent ses poignets et le haut de ses bras ; un soutien-gorge en métal, formé par deux coupelles attachées par des chaînettes, couvre à peine sa poitrine ; son ventre nu saillit d'une ceinture de bijoux savamment fixée sur les hanches et qui retient un sarong descendant sur les reins, tandis que des voiles laissent ses jambes libres. La première photographie montre un passage de la première danse exécutée par Mata-Hari et caractérisée par des mouvements serpentins. Sur le deuxième cliché, Mata-Hari mime une princesse qui se promène dans un jardin après un orage, au clair de la lune, pour cueillir la fleur de la passion. Derrière elle, les suivantes ont changé d'attitude, mais ont toujours un rôle décoratif : elles forment un triangle au milieu duquel surgit la silhouette de Mata-Hari, qui soulève gracieusement un de ses voiles comme pour cacher son visage. Sur les troisième et quatrième clichés, Mata-Hari, une lance à la main, danse en l'honneur du belliqueux Skanda. La dernière photographie montre une Mata-Hari souriante qui danse sinueusement, avant de s'effeuiller lentement en l'honneur de Shiva. Dans ce cadre d'exception, sous l'égide d'un orientaliste respecté comme Guimet, la belle Néerlandaise a reçu sa légitimation en tant que danseuse javanaise.
Entre curiosité ethnologique et invention artistique
Cette exhibition ouvre pour Mata-Hari une brillante carrière internationale, couronnée en 1906 par son apparition dans Le Roi de Lahore de Jules Massenet à Monte-Carlo. Admirée par des compositeurs comme Puccini et des comédiens comme Réjane, elle est cependant boudée par Diaghilev, qui refuse de l'engager. « Elle ne savait guère danser, mais elle savait se dévêtir progressivement et mouvoir un long corps bistré, mince et fier », écrit Colette.
A compter de 1910, l'étoile de Mata-Hari commence à décliner. Pendant la Grande Guerre, le besoin d'argent et le désir de regagner la France pour retrouver un amant mènent l'artiste sur la voie de l'espionnage au profit des Allemands. Arrêtée en février 1917, elle est fusillée à l'aube du 17 octobre, après un procès tenu à huis-clos. Un fidèle ami, Me Clunet, s'est chargé de sa défense, pour tenter de la sauver d'une peine qui, comme il a été démontré par la suite, était disproportionnée. Le courage de Mata-Hari face au peloton d'exécution contribue à faire d'elle une figure légendaire. Ainsi disparaît une artiste qui a su conjuguer exotisme et érotisme, ascétisme et sensualité, en incarnant les tendances contradictoires de son temps. L'intérêt pour les pays exotiques demeure, en revanche, très vif après la Grande Guerre.
BRAGANCE, Anne, Mata Hari. La poudre aux yeux, Paris, Belford, 1995.
COLLAS, Philippe, Mata Hari. Sa véritable histoire, Paris, Plon, 2003.
KUPFERMAN, Fred, Mata Hari : songes et mensonges, Bruxelles-Paris, Éditions Complexe, 2005 (1ère éd. 1982).
LOUBIER, Jean-Marc, Mata Hari, la sacrifiée, Paris, Acropole, 2000.
TURBERGUE, Jean-Pierre (dir.), Mata-Hari. Le dossier secret du Conseil de Guerre, Paris, Éditions Italiques, 2001.
Gabriella ASARO, « Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 24/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/exotisme-erotisme-belle-epoque-mata-hari-musee-guimet
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