Allégorie de la révolte du papier timbré.
Auteur : CHALETTE Jean-Bernard
Lieu de conservation : musée des Beaux-Arts (Rennes)
site web
H. : 105 cm
L. : 150 cm
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© Musée des beaux-Arts de Rennes, Dist. RMN - Grand Palais / Adélaïde Beaudoin
05-519129 / INV1860-1-1
La révolte du papier timbré
Date de publication : Juin 2013
Auteur : Pascal DUPUY
La dernière grande révolte populaire
La révolte du papier timbré, ou des bonnets rouges, qui éclate en Bretagne en juillet 1675 est la dernière grande révolte populaire du XVIIe siècle en France. Louis XIV, en guerre avec les Provinces-Unies, a besoin d’argent. Pour y remédier, Colbert décide de vendre des offices, d’augmenter les impôts (taille, aides, gabelles…) et d’en inventer d’autres : taxe douanière, taxe sur la vaisselle d’étain, sur le papier timbré… Cette dernière mesure, qui oblige à timbrer les actes notariés, entraîne une vague de protestations en Bretagne, une province rattachée relativement récemment à la couronne française (1532) et qui connaissait jusqu’alors un régime d’exemptions et de libertés. Ces impôts décidés sans concertation et sans l’aval des états de la province de Bretagne provoquent des soulèvements tout d’abord urbains (Rennes, le 18 avril 1675, Nantes, Dinan, Vannes, Guingamp…), puis enfin villageois.
La répression se met rapidement en place mais, pendant plus de trois mois, les autorités constituées (le gouverneur, le duc de Chaulnes, les lieutenants de haute et de basse Bretagne) sont incapables de maîtriser la situation. D’autant qu’à partir de juillet, ces soulèvements antifiscaux prennent une dimension antinobiliaire avec des insurgés qui veulent forcer les seigneurs à renoncer aux prélèvements domaniaux. Ils rédigent même un « code paysan », réclamant à la fois « la liberté de la province armorique » et la suppression des droits seigneuriaux. Ces mouvements de contestation de l’autorité du roi et de l’ordre social sont violemment réprimés : le parlement de Rennes, jugé trop laxiste, est exilé à Vannes, et le duc de Chaulnes, qui a obtenu des renforts militaires, pratique procès expéditifs et exécutions sommaires. L’ensemble de ces mesures ramène bientôt le calme et la soumission.
Une critique de la politique fiscale de Louis XIV
Jean-Bernard Chalette, né en 1631, est le fils de Jean Chalette (1581-1644), établi à Toulouse comme peintre portraitiste. Il enseignera à son fils les rudiments de la peinture. À sa mort, Jean-Bernard est accueilli dans l’atelier de son successeur, Antoine Durant. Maître peintre en 1661, Chalette quitte Toulouse, sa ville natale, et on le retrouve en 1663 à Rennes comme directeur du chantier des « ornements du dedans » du parlement de Bretagne. Il réalise alors de nombreux tableaux dont l’Allégorie de la révolte du papier timbré, conservé aujourd’hui au musée de Rennes.
Commandée par monseigneur Jean de La Monneraye, protonotaire apostolique et archidiacre de Rennes, dont les armes figurent dans le coin en bas à droite du tableau, l’œuvre critique la politique fiscale de Louis XIV et celle du gouverneur de Bretagne, artisan de la répression : le duc de Chaulnes. Ce dernier est peut-être représenté sous la forme de la créature repoussante et maléfique conduisant le char tiré par deux tigres féroces ou sous les traits de l’être monstrueux visible à l’arrière-plan devant la ville en flammes. Le char est guidé par un homme assis sur un trône. À ses pieds gisent des sacs d’or, des coffres regorgeant de bijoux et de pierres précieuses. Autour du char, on relève des hommes en armure inanimés et les corps gisants de femmes et d’enfants. Au premier plan à droite à l’abri d’une tenture, les allégories de la Justice et la Paix, deux jeunes femmes vêtues à l’antique et entourées de leurs attributs symboliques respectifs (balance pour l’une, couronne de laurier pour l’autre), semblent converser et se désintéresser des scènes de violence qui se déroulent devant elles.
Une allégorie polémique
Le tableau est daté de 1676, soit une année à peine après le soulèvement. Visible au centre dans un cartouche, l’inscription « Les riches et les pauvres sont injustement acablés [sic] » constitue une claire indication de son propos. Le verset 2 du Psaume LVII, « Si vere utique justitiam loquimini, RECTA judicate, filii hominum » (« Si vraiment vous parlez de justice, jugez DROITEMENT, enfants des hommes »), renforce l’argumentaire décliné dans le tableau.
L’œuvre, sous une forme allégorique, commente de manière polémique la politique fiscale de l’État français et la répression qui a suivi en Bretagne la révolte du papier timbré. Le char, conduit par un diable, écrasant la population, symbolise l’État et ses impôts injustes. La Justice et la Paix préfèrent ignorer la scène ainsi que les violences et les meurtres commis autour d’elles. L’extrait du Psaume de David sous-entend que ce nouvel impôt a été décidé sans souci d’équité. La ville en flammes rappelle les incendies qui ont éclaté à Rennes lors de la répression menée par le duc de Chaulnes, l’un des êtres monstrueux aux ordres du monarque qui semble avoir signé par là un pacte avec le diable.
· Yvon GARLAN et Claude NIÈRES, Les Révoltes bretonnes de 1675. Papier timbré et bonnets rouges, Paris, Éditions sociales, 1975.
· « Jean-Bernard Chalette, maître-peintre à Rennes au XVIIe siècle », in Bulletin des Amis du Musée de Rennes, 1979.
Pascal DUPUY, « La révolte du papier timbré », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/revolte-papier-timbre
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Puis-je me permettre: la phrase 'il réalise...dont l'allegorie...' N'est pas tout à fait exacte, il vaudrait mieux indiquer qu'apres la révolte et l'exil du parlement à Vannes Challette s'est retrouvé au chômage technique et s'est tourné vers des commandes privées, et que c'est dans ce cadre qu'il a exécuté la commande de Jean de la Monneraye.
Ce matin excellente émission de France Culture sur la révolte du papier timbré à la Fabrique de l'Histoire
Mardi 3.11.2015
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