Boileau lisant devant Louis XIV son poème du "Lutrin", en présence de Madame de Montespan et de divers personnages de la cour
Auteur : LEVACHEZ Charles-François-Gabriel
Lieu de conservation : musée national de Port-Royal-des-Champs (Magny-les-Hameaux)
site web
Date de création : 1820
Eau-forte d'après d'une série d'après Julien Léopold Boilly dit Jules Boilly.
Domaine : Estampes-Gravures
© RMN - Grand Palais (musée de Port-Royal-des-Champs) / Gérard Blot
PRG 437 - 08-521824
Des représentations de Louis XIV au XIXe siècle
Date de publication : Juin 2015
Auteur : Pascal DUPUY
Cette estampe fait partie d'une série d'après Julien Léopold Boilly (1796-1874). Il est connu sous le nom de Jules Boilly, fils du célèbre peintre Louis Boilly (1761-1845) qui présente des lectures de poèmes ou de tragédies devant Louis XIV. L’eau-forte, vendue chez Noël, Bance aîné, Ch. Bance et Aumont, est de la main de Levachez, graveur et marchand d’estampes en taille douce et de Nicolas-Edouard Lerouge graveur au burin. La série révèle la vogue dans le premier quart du XIXe siècle pour les images associées au règne de Louis XIV, mais également pour la littérature de la fin du XVIIe siècle et pour la mémoire du jansénisme.
Julien Léopold Boilly a poursuivi la tradition artistique familiale et fut le gardien de la mémoire paternelle. Il fréquenta l’École des Beaux-Arts où il fut l’élève d’Antoine Gros (1771-1835), puis embrassa naturellement la carrière de peintre, de graveur et de lithographe. Son œuvre la plus connue, réalisée vers 1825, est une série dédiée aux portraits des membres de l’Institut de France pour un recueil gravé dans lequel on trouve celui du célèbre mathématicien français Adrien-Marie Legendre (1752-1833). Humaniste, polyglotte, collectionneur d’art, Boilly vendra ou donnera à différents musées les œuvres de son père tout en poursuivant sa propre carrière.
A la suite d’un défi entre M. de Lamoignon et Boileau ce dernier entreprend l’écriture d’un poème héroïque sur un sujet comique selon un plan déterminé (20 vers par 20 vers). Il choisit de raconter une dispute entre le Trésorier et le Chantre de la Sainte Chapelle de Paris et tire de leur désaccord son Lutrin (pupitre). Toutefois, le poème sous des allures légères met en relief des disputes et des débats plus profonds entre Mazarin, qui alors gouvernait la France, et Guillaume de Lamoignon qui soutient la reine Régente et la Compagnie du Saint-Sacrement.
Boilly a choisi de représenter la première lecture de son poème devant Louis XIV et Mme de Montespan, favorite officielle du roi à partir de 1674, et pendant un temps, protectrice des arts et des artistes.
La scène se déroule au château de Versailles. Quatre personnes assises forment un espace vide dans lequel se trouve Nicolas Boileau. Au fond de la pièce, de larges ouvertures, encadrées de colonnes, donnent sur le parc du château. Au centre de la gravure, debout et impassible, se trouve Guillaume Ier de Lamoignon, marquis de Basville (1617-1677), magistrat et premier président du Parlement de Paris, très attentif à la scène en train de se dérouler. Le roi, Louis XIV, assis à côté de Mme de Montespan, sur la gauche de la composition, invite de la main l’académicien à lire son poème. Ce dernier, penché en avant dans une attitude pleine de respect pour le monarque, s’exécute et commence la lecture de son poème héroï-comique. Autour d’eux, de nombreux courtisans assistent à la scène et semblent pour la plupart ravis et amusés. L’ambiance générale est à la satisfaction et la plupart des visages se réjouissent des sous-entendus du poème satirique.
Boileau sera au cours de sa carrière influencé par le Grand Arnauld, un des chefs de file du jansénisme. Il renoncera même à la satire au profit d’Épîtres morales. Ami de Racine, Boileau profitera de la protection de Mme de Montespan et de Louis XIV qui lui versera une pension de deux mille livres à partir de 1674.
Comme dans un autre tableau, gravé par Pierre Charles Coqueret (1761-1832), Racine faisant réciter sa tragédie d'Esther, par les demoiselles de St-Cyr devant Louis XIV et Mme de Maintenon, il évoque, alors que le mouvement port-royaliste toujours en résistance est en train de s’effacer doucement, une vision historique et apaisée des événements. Ainsi, il met en avant une forme d’union entre Louis XIV et le jansénisme dont on sait pourtant qu’elle n’allait pourtant guère durer. Le tableau connut probablement un certain succès puisqu’il fut, semble-t-il, gravé rapidement.
CHANTIN Jean-Pierre, Le jansénisme : entre hérésie imaginaire et résistance catholique (XVIIe-XIXe siècle), Paris, Cerf/Fides, coll. « Bref » (no 53), 1996.
ÉMARD Paul, FOURNIER Suzanne, La Sainte-Chapelle du Lutrin : pourquoi et comment Boileau a composé son poème, Genève, Droz, coll. « Publications romanes et françaises », 1963.
LETHÈVE Jacques, GARDEY Françoise, Bibliothèque nationale, département des Estampes : inventaire du fonds français après 1800. XIV : Lepan-Lys, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1967.
SCOTTEZ-DE WAMBRECHIES Annie, RAYMOND Florence (dir.), Boilly (1761-1845), cat. exp. (Lille, 2011-2012), Paris, Nicolas Chaudun / Lille, Palais des beaux-arts, 2011.
Académie : L’Institut de France est créé par la loi du 25 octobre 1795 sur l’organisation de l’instruction publique. Au sein du palais de l’Institut de France, travaillent cinq académies : l’Académie française (fondée en 1635), l’Académie des inscriptions et belles-lettres (fondée en 1663), l’Académie des sciences (fondée en 1666), l’Académie des beaux-arts (créée en 1816 par la réunion de l’Académie royale de peinture et de sculpture, fondée en 1648, de l’Académie de musique, fondée en 1669, et de l’Académie d’architecture, fondée en 1671) et l’Académie des sciences morales et politiques (fondée en 1795, supprimée en 1803 et rétablie en 1832). (Source : https://www.institutdefrance.fr/les-cinq-academies/.)
Pascal DUPUY, « Des représentations de Louis XIV au XIXe siècle », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/representations-louis-xiv-xixe-siecle
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