Aller au contenu principal
Portrait de famille

Portrait de famille

Champ de courses

Champ de courses

Portrait de l'artiste

Portrait de l'artiste

Jeune femme en solo au

Jeune femme en solo au "Romanisches Café" à Berlin

Portrait de famille

Portrait de famille

Date de création : 1923

Date représentée :

H. : 165 cm

L. : 184 cm

Huile sur toile.

Dépôt du musée d'Orsay au musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine, Roubaix

Domaine : Peintures

© Musée La Piscine (Roubaix), Dist. RMN-Grand Palais / Alain Leprince

Lien vers l'image

RF 1981 28 - D 2000 10 17 - 10-548311

L'évolution de la mode féminine 1880-1920

Date de publication : Septembre 2007

Auteur : Julien NEUTRES

Au seuil du XXe siècle, la silhouette de la femme change radicalement. L’effet de cette transformation apparaît non seulement dans les modèles, mais aussi dans les pratiques : celle de l’amincissement en particulier, les corps étant moins dissimulés. Le couturier Poiret ose abolir le corset vers 1905 : il dessine des robes qui révèlent les formes. C’est sur cette évolution que s’inaugure la beauté du XXe siècle, « métamorphose » amorcée entre les années 1910 et 1920 : lignes étirées, plus grande liberté de mouvements. Plus de poitrine projetée en avant, ni de croupe rejetée en arrière. Les corsages cintrés, affinant la taille et soulignant les hanches, passent de mode, et les femmes portent désormais des robes en tissu léger censées rappeler les tenues Empire, qui aplatissent les lignes sans plus marquer la taille. Une silhouette androgyne s’impose avec les premières robes-foulards ou chemisiers. Les jambes se déploient, les coiffures se relèvent, la verticalité domine. Cette évolution est clairement perceptible à travers les quatre œuvres choisies.

Le nostalgique Portrait de famille peint en 1923 par Paul-Albert Laurens rappelle qu’auparavant la crinoline s’imposait, même en plein été. La tenue de sa femme rappelle celles peintes par Claude Monet dans Femmes au jardin (1866) ou par James Tissot dans le Pique-Nique (1875).

La photographie d’Henri Lemoine, tirée d’un de ces albums de famille que bourgeois et aristocrates tiennent en nombre, fixe une autre mode, typique celle-là de la vie mondaine de la Belle Époque. On vient se montrer sur les champs de courses. Les toilettes de ville, avec un petit col de dentelle, dissimulent le corps, des oreilles jusqu’aux pieds. Il y a alors une véritable passion pour les plumes d’autruche, très chères, dont on fait des boas comme celui que porte la femme sous l’ombrelle, à gauche au second plan. La chevelure est remontée sur la tête et le chapeau se plante en avant, comme pour équilibrer la silhouette tirée vers l’arrière par la traîne. Malgré les apparences, la toilette féminine est beaucoup plus légère qu’elle ne l’a été depuis longtemps mais les corps restent tous corsetés.

C’est vers 1910 que se produit la véritable révolution dont l’autoportrait d’Hélène-Clémentine Dufau (1911) est révélateur. L’artiste se peint en robe du soir d’inspiration orientale de couleur turquoise, ornée de parements dorés et coiffée d’un bandeau émeraude. Cette féministe nous regarde ainsi d’un air fier et conscient de cette révolution à laquelle elle participe et qui a notamment pour origine la vague d’orientalisme suscitée par le succès du ballet Schéhérazade.

De la peinture de Laurens à celle de Dufau, l’allure de la femme glisse de l’image de la fleur à celle de la tige, de la lettre « S » à la lettre « I ». Au début des années vingt, la silhouette se fait ainsi tubulaire, mais la robe n’a pas encore raccourci. En 1925, pour la première fois dans l’histoire de l’Europe moderne, elle découvre le genou. C’est un véritable scandale. Avec cette Jeune femme en solo au Romanisches Café de Berlin, le photographe montre le nouveau type de femme qui est né, cherchant, en parallèle de cette libération des jambes, à s'émanciper du statut traditionnel de la femme. Surgit la coupe à la garçonne, sans laquelle il est impossible de porter le chapeau cloche. Et les vêtements effacent toutes les courbes du corps féminin qui ont enchanté les siècles précédents.

Quand s’effondrent les volumes textiles qui boursouflaient le corps féminin, ce n’est pas la mode qui change, c’est une révolution culturelle qui s’accomplit. Certains y voient « le krach de la beauté », quand Zola, plus lucide, écrit : « L’idée de beauté varie. Vous la mettez dans la stérilité de la femme, aux formes longues et grêles, aux flancs rétrécis. » Les mannequins de Vogue ou de Femina, en 1920, sont sans rapport avec ceux de 1900 : « Toutes les femmes donnent l’impression d’avoir grandi. » Loin d’être seulement formelle, cette gracilité des lignes prétend aussi révéler leur émancipation, illustrant une profonde transformation de la société. Ce que les revues des années folles disent en toute ingénuité : « La femme éprise de mouvement et d’activité exige une élégance appropriée, pleine de désinvolture et de liberté. »

L’allure des femmes n’est pas seulement jeux d’images ou de mots. Elle a un sens dans l’entre-deux-guerres : « À qui fera-t-on croire que l’esthétique féminine n’est pas un des symptômes les plus marquants de l’évolution de la civilisation ? », insiste Philippe Soupault. Elle prolonge une quête : concurrencer le masculin ? conquérir sa liberté ? La fluidité de la silhouette illustrerait ainsi l’émergence d’une « femme nouvelle » : « L’illusion d’avoir conquis des droits. Celui au moins de refuser le corset. Celui des grandes enjambées, celui des épaules à l’aise, de la taille qui n’est plus serrée. » La réalité de l’affranchissement est à l’évidence plus complexe dans la banalité des jours.

Geneviève FRAISSE et Michelle PERROT (dir.), Histoire des femmes en Occident, tome IV, « Le XIXe siècle », Paris, Plon, 1991.

François-Marie GRAU, Histoire du costume, Paris, P.U.F., 1999.

James LAVER, Histoire de la mode et du costume, Paris, Thames & Hudson, 2003.

Georges VIGARELLO, Histoire de la beauté, Paris, Le Seuil, 2004.

Julien NEUTRES, « L'évolution de la mode féminine 1880-1920 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 15/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/evolution-mode-feminine-1880-1920

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

Le Chat noir, salle obscure

Le Chat noir, salle obscure

Au cœur de la bohème artistique fin de siècle

Quand en 1896 Théophile Alexandre Steinlen (1859-1923) réalise sa fameuse affiche, emblème de la…

Le Chat noir, salle obscure
Le Chat noir, salle obscure
Le Chat noir, salle obscure
Jour de fête

Jour de fête

La France des fanfares

Au début du XXe siècle, il n’est pas rare que les photographes professionnels comme Henri Lemoine (1848-1924)…

Jour de fête
Jour de fête
Femmes à la cigarette à la Belle Époque

Femmes à la cigarette à la Belle Époque

Les années 1900

La période d’avant la Grande Guerre passe pour un âge d’or. Bien sûr, c’est le cas uniquement pour l’élite sociale du pays. Par…

Femmes à la cigarette à la Belle Époque
Femmes à la cigarette à la Belle Époque
Aristide Bruant, ambassadeur de Montmartre

Aristide Bruant, ambassadeur de Montmartre

La Belle Époque des cafés-concerts

Dans le dernier quart du XIXe siècle, Paris est le cœur battant de la vie artistique mondiale. La…

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène

La « fée électricité » de la Belle Époque

Le mythe de Paris « Ville lumière » est indissociable de la « fée électricité » Loïe Fuller, artiste…

Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
Loïe Fuller, incarnation du Symbolisme sur la scène
L’incendie du Bazar de la Charité

L’incendie du Bazar de la Charité

Un fait divers tragique

Le 4 mai 1897 se tient rue Jean-Goujon dans le VIIIe arrondissement de Paris le Bazar de la Charité. Vente…

L’incendie du Bazar de la Charité
L’incendie du Bazar de la Charité
Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Un théâtre du Boulevard à la Belle Epoque

Le théâtre au cœur de la vie parisienne

Depuis la monarchie de Juillet, les « grands boulevards » sont le centre de la vie parisienne. Cet…

Splendeurs et misères d’une courtisane : Émilienne d’Alençon

Splendeurs et misères d’une courtisane : Émilienne d’Alençon

La photographie au service d’une cocotte de haut vol

Contrairement aux hétaïres grecques, les courtisanes de la Belle Époque n’ont pas besoin d’…

Le Mouvement anticlérical à la veille de 1905

Le Mouvement anticlérical à la veille de 1905

La France à la veille de la loi de séparation de 1905

La France de la première décennie du XXe siècle est en proie à de nombreuses…

Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet

Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet

La photographie et l'engouement pour les cultures orientales

Le goût pour l'exotisme, notamment pour l'Orient, est l'héritage de l'époque…

Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet
Exotisme et érotisme à la Belle Époque : Mata-Hari au Musée Guimet