Portrait de famille
Champ de courses
Portrait de l'artiste
Jeune femme en solo au "Romanisches Café" à Berlin
Portrait de famille
Auteur : LAURENS Paul Albert
Lieu de conservation : La Piscine – musée d’Art et d’Industrie André-Diligent (Roubaix)
site web
H. : 165 cm
L. : 184 cm
Huile sur toile.
Dépôt du musée d'Orsay au musée d'Art et d'Industrie André Diligent - La Piscine, Roubaix
Domaine : Peintures
© Musée La Piscine (Roubaix), Dist. RMN-Grand Palais / Alain Leprince
RF 1981 28 - D 2000 10 17 - 10-548311
L'évolution de la mode féminine 1880-1920
Date de publication : Septembre 2007
Auteur : Julien NEUTRES
Au seuil du XXe siècle, la silhouette de la femme change radicalement. L’effet de cette transformation apparaît non seulement dans les modèles, mais aussi dans les pratiques : celle de l’amincissement en particulier, les corps étant moins dissimulés. Le couturier Poiret ose abolir le corset vers 1905 : il dessine des robes qui révèlent les formes. C’est sur cette évolution que s’inaugure la beauté du XXe siècle, « métamorphose » amorcée entre les années 1910 et 1920 : lignes étirées, plus grande liberté de mouvements. Plus de poitrine projetée en avant, ni de croupe rejetée en arrière. Les corsages cintrés, affinant la taille et soulignant les hanches, passent de mode, et les femmes portent désormais des robes en tissu léger censées rappeler les tenues Empire, qui aplatissent les lignes sans plus marquer la taille. Une silhouette androgyne s’impose avec les premières robes-foulards ou chemisiers. Les jambes se déploient, les coiffures se relèvent, la verticalité domine. Cette évolution est clairement perceptible à travers les quatre œuvres choisies.
Le nostalgique Portrait de famille peint en 1923 par Paul-Albert Laurens rappelle qu’auparavant la crinoline s’imposait, même en plein été. La tenue de sa femme rappelle celles peintes par Claude Monet dans Femmes au jardin (1866) ou par James Tissot dans le Pique-Nique (1875).
La photographie d’Henri Lemoine, tirée d’un de ces albums de famille que bourgeois et aristocrates tiennent en nombre, fixe une autre mode, typique celle-là de la vie mondaine de la Belle Époque. On vient se montrer sur les champs de courses. Les toilettes de ville, avec un petit col de dentelle, dissimulent le corps, des oreilles jusqu’aux pieds. Il y a alors une véritable passion pour les plumes d’autruche, très chères, dont on fait des boas comme celui que porte la femme sous l’ombrelle, à gauche au second plan. La chevelure est remontée sur la tête et le chapeau se plante en avant, comme pour équilibrer la silhouette tirée vers l’arrière par la traîne. Malgré les apparences, la toilette féminine est beaucoup plus légère qu’elle ne l’a été depuis longtemps mais les corps restent tous corsetés.
C’est vers 1910 que se produit la véritable révolution dont l’autoportrait d’Hélène-Clémentine Dufau (1911) est révélateur. L’artiste se peint en robe du soir d’inspiration orientale de couleur turquoise, ornée de parements dorés et coiffée d’un bandeau émeraude. Cette féministe nous regarde ainsi d’un air fier et conscient de cette révolution à laquelle elle participe et qui a notamment pour origine la vague d’orientalisme suscitée par le succès du ballet Schéhérazade.
De la peinture de Laurens à celle de Dufau, l’allure de la femme glisse de l’image de la fleur à celle de la tige, de la lettre « S » à la lettre « I ». Au début des années vingt, la silhouette se fait ainsi tubulaire, mais la robe n’a pas encore raccourci. En 1925, pour la première fois dans l’histoire de l’Europe moderne, elle découvre le genou. C’est un véritable scandale. Avec cette Jeune femme en solo au Romanisches Café de Berlin, le photographe montre le nouveau type de femme qui est né, cherchant, en parallèle de cette libération des jambes, à s'émanciper du statut traditionnel de la femme. Surgit la coupe à la garçonne, sans laquelle il est impossible de porter le chapeau cloche. Et les vêtements effacent toutes les courbes du corps féminin qui ont enchanté les siècles précédents.
Quand s’effondrent les volumes textiles qui boursouflaient le corps féminin, ce n’est pas la mode qui change, c’est une révolution culturelle qui s’accomplit. Certains y voient « le krach de la beauté », quand Zola, plus lucide, écrit : « L’idée de beauté varie. Vous la mettez dans la stérilité de la femme, aux formes longues et grêles, aux flancs rétrécis. » Les mannequins de Vogue ou de Femina, en 1920, sont sans rapport avec ceux de 1900 : « Toutes les femmes donnent l’impression d’avoir grandi. » Loin d’être seulement formelle, cette gracilité des lignes prétend aussi révéler leur émancipation, illustrant une profonde transformation de la société. Ce que les revues des années folles disent en toute ingénuité : « La femme éprise de mouvement et d’activité exige une élégance appropriée, pleine de désinvolture et de liberté. »
L’allure des femmes n’est pas seulement jeux d’images ou de mots. Elle a un sens dans l’entre-deux-guerres : « À qui fera-t-on croire que l’esthétique féminine n’est pas un des symptômes les plus marquants de l’évolution de la civilisation ? », insiste Philippe Soupault. Elle prolonge une quête : concurrencer le masculin ? conquérir sa liberté ? La fluidité de la silhouette illustrerait ainsi l’émergence d’une « femme nouvelle » : « L’illusion d’avoir conquis des droits. Celui au moins de refuser le corset. Celui des grandes enjambées, celui des épaules à l’aise, de la taille qui n’est plus serrée. » La réalité de l’affranchissement est à l’évidence plus complexe dans la banalité des jours.
Geneviève FRAISSE et Michelle PERROT (dir.), Histoire des femmes en Occident, tome IV, « Le XIXe siècle », Paris, Plon, 1991.
François-Marie GRAU, Histoire du costume, Paris, P.U.F., 1999.
James LAVER, Histoire de la mode et du costume, Paris, Thames & Hudson, 2003.
Georges VIGARELLO, Histoire de la beauté, Paris, Le Seuil, 2004.
Julien NEUTRES, « L'évolution de la mode féminine 1880-1920 », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/evolution-mode-feminine-1880-1920
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