Ouvriers, Paysans, tous derrière le drapeau communiste pour vos revendications immédiates.
Vous payez des impôts écrasants.
Ouvriers, Paysans, tous derrière le drapeau communiste pour vos revendications immédiates.
Lieu de conservation : La Contemporaine (BDIC, Nanterre)
site web
Domaine : Affiches
© Collections La Contemporaine
La place du texte dans les affiches électorales
Date de publication : Avril 2007
Auteur : Alexandre SUMPF
Années 1920, années politiques
L’Union sacrée initiée par le président Poincaré à la déclaration de guerre, en août 1914, éclate au cours du conflit, trop long et trop éprouvant pour que les tensions politiques et sociales ne finissent pas par resurgir. Si les mouvements de grève de 1917, 1918 et 1919 aboutissent à l’instauration de la journée de huit heures de travail, la démocratie sociale est rejetée, et la République peine à se remettre de quatre années de régime d’exception. À gauche, depuis la scission de la S.F.I.O. au congrès de Tours en décembre 1920, trois partis à la culture politique distincte se disputent les suffrages d’une France qui s’urbanise et s’industrialise à grands pas. Les partis de droite, quant à eux, moins structurés mais souvent violemment anticommunistes, s’efforcent tout au long de la décennie de reformer un « bloc » qui renouerait avec la politique d’Union sacrée. « Blocs » soudés derrière un homme providentiel (Clemenceau, Poincaré) contre « Cartels » d’union électorale et « Bloc ouvrier et paysan » antibourgeois, tel est le paysage politique des années 1920.
Rouge et noir, texte et image
Les deux affiches, d’origine politique complètement opposée, utilisent de manière assez comparable la typographie en rouge et noir pour expliquer aux électeurs leurs objectifs.
La première affiche, diffusée par les communistes en 1924, frappe par la longueur et la densité du texte, à peine ponctué d’un unique symbole, la faucille et le marteau, décliné en deux variantes seulement. Les mots principaux, colorés en rouge, se distinguent par la taille ou la graisse des lettres, tandis que l’emploi de l’italique, dans le slogan au centre, insiste sur le thème d’actualité : les Réparations. Le caractère profondément internationaliste et la politique sociale militante du parti communiste sautent ainsi aux yeux, quand, par contraste, surgissent les termes « revendications », « impérialiste », « amnistie », « contre l’impôt ». Les communistes entendent proposer un programme total : politique et social, national et international.
La seconde affiche, qui date de 1928, est clairement marquée à droite. Elle comporte deux vignettes de taille égale, qui occupent la moitié de l’espace. Le texte, nettement moins long que dans la première affiche, est imprimé en cursive, comme s’il s’agissait d’une lettre écrite par un ami. Un ami qui se plaindrait de la vie chère, de l’incurie de la gauche nommément désignée, dont les dirigeants sont caricaturés ; un ami qui joue sur l’antiparlementarisme populaire et passe sous silence le rôle des capitalistes de droite dans la banqueroute de l’État pour n’en déplorer que les effets. Seule importe une métaphore capitale : le trou. Creusé par la gauche, il est comblé avec peine par les contribuables qui courbent l’échine en tentant d’aider le « sauveur » de l’économie nationale, Poincaré.
De l’affiche politique à la politique de l’affiche
Les affiches se distinguent toutes deux par une réaction violente, soulignée de rouge, contre une situation jugée insupportable. Dans l’affiche communiste, cette couleur qui tranche est aussi celle de la révolution : le parti nouvellement créé est un parti d’action, qui milite pour la satisfaction immédiate de revendications sociales concrètes et s’inscrit ainsi dans la longue lignée du mouvement ouvrier. La faucille et le marteau, emblème communiste aisément identifiable, est le seul dessin employé, comme s’il se suffisait à lui-même. Aux élections de 1924, les communistes parviennent à doubler le nombre de leurs députés (26), preuve que l’enthousiasme initial n’est pas retombé, en dépit des défections. Pourtant, le type de communication mis en œuvre appartient au XIXe siècle plutôt qu’au XXe. Le texte prévaut largement sur l’image (c’est encore le cas aujourd’hui dans les affiches électorales de l’extrême gauche), car on fait appel à la raison et non à l’émotion, on vise l’adhésion, pas une éphémère mobilisation.
L’affiche anti-Cartel, la plus tardive des deux, démontre au contraire une attention croissante à la force de l’image, qui est aussi la force propre à un slogan ou à une formule choc. Le rouge est ici celui de l’indignation et de la dénonciation. Loin du débat d’idées et des grands principes, on oppose ici les hommes (politiques) aux hommes (politiques), et les faits chiffrés à l’idéalisme borné (supposé) de la gauche cartelliste. Seulement, cette composition montre qu’on est encore loin d’avoir exploré toutes les possibilités offertes par le lien entre texte et image, peu évident ici, car les dessins sont mal contrastés, et le texte pas suffisamment percutant. De même que le programme communiste de 1924 tranche avec les autres affiches créées pour le même parti, notamment par Grandjouan, le placard anti-Cartel détonne par rapport à la production des Républicains nationaux de Kérillis.
Maurice AGULHON, La République, tome II, « 1932 à nos jours », Paris, Hachette, coll. « Pluriel », nouvelle édition augmentée, 1990.
Jean-Jacques BECKER et Gilles CANDAR (dir.), Histoire des gauches en France, tome II, « XXe siècle, à l’épreuve de l’histoire », Paris, La Découverte, 2004.
Jean-François SIRINELLI (dir.), Les Droites françaises, de la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1992.
Alexandre SUMPF, « La place du texte dans les affiches électorales », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/place-texte-affiches-electorales
Lien à été copié
Albums liés
Découvrez nos études
L'homme aux couteaux entre les dents, revisité
La Section française de l’Internationale communiste (S.F.I.C.) est née en novembre 1920 de la scission entre socialistes et communistes, lors du…
La place du texte dans les affiches électorales
L’Union sacrée initiée par le président Poincaré à la déclaration de guerre, en août 1914, éclate au cours du…
Guerre et Révolution en Russie (1917-1918)
Le 12 mars 1917 (calendrier justinien), la garnison de Petrograd se soulève. Immédiatement un Conseil des délégués ouvriers et soldats se…
Capitaliste et salopard en casquette
Depuis juin 1926, la France est dirigée par un gouvernement d’Union nationale ayant à sa tête…
La crise des années 1930 : la démocratie en question
La France a été le pays d’Europe occidentale le plus touché par la Première Guerre mondiale sur les plans économique, humain et social. Dans l’…
La paix de Brest-Litovsk
Située sur le Bug, Brest-Litovsk a été choisie comme lieu de négociations entre l’Allemagne impériale et le pouvoir bolchevique. Les délégations…
La menace communiste dans la France de l'entre-deux-guerres
Au début des années 1920, les esprits sont marqués par les révolutions russes de février et d’octobre 1917. Lors du deuxième congrès de l’…
Le Parti communiste et la colonisation au début des années 30
Depuis la conférence de Berlin de 1885, la course aux colonies constitue un enjeu majeur pour…
Hitler dresse le cousin russe
Le 23 août 1939, l’URSS et le IIIe Reich concluent le Traité de non-agression entre l’Allemagne…
Les femmes des FTP-MOI
Quatre jours après le débarquement en Provence qui commence le 15 août 1944, le…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel