
L'Empereur recevant les clefs de Vienne

Bombardement de Madrid

L'Empereur recevant les clefs de Vienne
Auteur : GIRODET DE ROUCY TRIOSON Anne Louis
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1805-1808
Date représentée : 13 novembre 1805
H. : 380 cm
L. : 532 cm
Personnages représentés : Napoléon Ier, Jean-Baptiste Bessières, duc d'Istrie, Joachim Murat, Géraud-Christophe Michel Duroc, duc de Frioul, Raza Roustam, Stephan Edler von Wohlleben, Prosper, prince von Sinzendorf auf Ernstbrunn, Sigismund-Anton von Hohenwart, Ambros Rixner, Jean-Jacques-François Nonanteuil.
Huile sur toile
Domaine : Peintures
© GrandPalaisRmn (Château de Versailles) / image GrandPalaisRmn
MV 1549 - 89-000846
Les Redditions
Date de publication : Octobre 2005
Auteur : Jérémie BENOÎT
Général invaincu depuis Toulon malgré quelques victoires douteuses comme Marengo, Napoléon grâce à ses talents militaires fut en mesure d’écraser les armées ennemies par d’habiles manœuvres d’encerclement. Les portes de nombreuses capitales étrangères lui furent ainsi ouvertes : Milan, Venise, Le Caire, puis Vienne, Berlin, Madrid et Moscou, qui fut son tombeau. Ces victoires militaires lui ont permis de conquérir et de conforter une légitimité politique devenue inséparable des armes.
Toutes ces villes ne tombèrent cependant pas facilement. Aux offensives grisantes du début de l’Empire, où la France a pu faire figure de libérateur, succèdent en effet des guerres n’ayant eu d’autre but que d’étendre la domination française. En Espagne en particulier, la population se souleva en 1808 contre l’occupant français, comme au Caire auparavant.
Ces deux œuvres témoignent à leur manière de cette évolution.
Le tableau de Girodet
Grand peintre, très indépendant et d’un caractère taciturne, Girodet, élève de David, était mal à l’aise avec les commandes officielles. D’autant que, demeuré démocrate, il ne croyait guère en Napoléon à l’instar de son maître. Ce dont fait foi son célèbre tableau des Héros français accueillis dans le paradis d’Ossian (1800-1802, musée de Malmaison), rappel des compagnons d’armes de Bonaparte morts durant les guerres de la Révolution, et qui laissèrent ainsi le champ libre au Premier consul pour faire son coup d’État.
Ce malaise vis-à-vis de la peinture officielle se lit parfaitement dans ce tableau, qui fit partie d’une commande destinée à commémorer la campagne de 1805. L’œuvre se réduit à un simple face-à-face entre Napoléon et les dignitaires viennois qui, conduits par le prince de Seidenstetten et le comte Veterani, sont venus lui donner les clefs de la ville. À l’arrière-plan, on aperçoit la Gloriette et l’entrée du palais de Schönbrunn.
Après avoir fait prisonnière l’armée autrichienne à Ulm en octobre 1805 et repoussé les Russes en attendant la bataille d’Austerlitz le 2 décembre, Napoléon avança vers Vienne, déclarée ville ouverte. Le 14 novembre, il pénétra dans la capitale de l’empire d’Autriche.
Sur ce tableau, les dignitaires ecclésiastiques, les militaires de la place de Vienne conduits par le général Bourgeois, et les officiers municipaux, dont le bourgmestre von Wohleben, présentent les clefs de la ville à Napoléon qu’entourent Murat, Bessières et Berthier, maréchaux le plus souvent représentés dans les peintures. Dans le fond apparaît cependant aussi le mamelouk Roustan, à côté du cheval de Napoléon. A l’humilité ou à la résignation des Autrichiens s’opposent les attitudes assurées et provocantes des Français.
Le tableau de Vernet
Les expressions relevées dans le tableau de Girodet sont plus exacerbées encore dans le tableau de Vernet. C’est aussi que le contexte politique était différent entre les Viennois ayant accepté la capitulation en raison de la défaite de leur armée, et la dure répression menée par Murat qui suivit l’insurrection du Dos de Mayo (2 mai 1808), si bien illustrée dans deux peintures de Goya (musée du Prado). L’Espagne entière s’étant soulevée et ses généraux ne parvenant pas à pacifier le pays (Dupont capitula à Baylen le 22 juin 1808), Napoléon se décida à mener une campagne qui lui permit d’entrer à Madrid le 4 décembre 1808. Entouré de Berthier et de généraux, Napoléon accuse d’un doigt indigné les généraux Morla et Fernando de la Vera, militaires de la place de Madrid, et les chefs des troupes populaires madrilènes, rendus responsables du soulèvement. Dans le tableau de Vernet, les attitudes de soumission des Espagnols sont outrancières – comme le fut cette guerre terrible –, mais c’est pour mieux accuser la propagande visant à grandir la puissance de Napoléon. Car c’est autour de la main de l’Empereur que tourne toute la composition. De cette « main de justice » dépend le sort des généraux espagnols.
Comparée au tableau de Girodet, l’œuvre de Vernet est beaucoup plus forte. Mais il est vrai que les Autrichiens, loyaux envers leur armée et n’ayant pas assisté à la déposition de leur souverain comme ce fut le cas en Espagne, ne s’étaient pas soulevés. L’insurrection des Tyroliens d’Andreas Höfer surviendra en 1809. De ce fait, à la composition calme de Girodet, toute de soumission retenue envers un souverain victorieux, s’oppose une composition dramatique, où Vernet multiplie les têtes d’expression de la tradition picturale classique, allant de la haine et de la rigidité à l’effroi qui se lisent sur les visages des Espagnols. Napoléon est certes entré dans Madrid, mais rien n’est perdu, car c’est le peuple en armes qui s’est insurgé contre l’occupant français. Le tableau de Vernet avait été exposé en 1810, deux ans après l’événement. Or la guérilla d’usure se poursuivait en Espagne. Le peintre avait exprimé des sentiments espagnols qui traduisaient l’irréductibilité de la lutte et sonnent comme une sorte de prémonition à l’issue de cette guerre farouche.
Yveline CANTAREL-BESSON, Claire CONSTANS et Bruno FOUCART Napoléon. Images et histoire : peintures du château de Versailles (1789-1815) Paris, RMN, 2001.
Jean-René AYMES « Comment la guérilla espagnole a chassé Napoléon » in L’Histoire n° 75, février 1985.
Roger DUFRAISSE et Michel KERAUTRET La France napoléonienne. Aspects extérieurs Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 1999.
Alain PIGEARD L’Armée de Napoléon, organisation et vie quotidienne, Paris, Tallandier, 2000.
Gunther E. ROTHENBERG Atlas des guerres napoléoniennes : 1796-1815 Paris, Autrement, 2000.
Jean TULARD (sous la direction de), Dictionnaire Napoléon Paris, Fayard, 1987, rééd.1999.
Jean TULARD (sous la direction de) L’Histoire de Napoléon par la peinture Paris, Belfond, 1991.
Catalogue de l’exposition Dominique Vivant Denon. L’œil de Napoléon Paris, Louvre, 1999.
Jérémie BENOÎT, « Les Redditions », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 31/03/2025. URL : https://histoire-image.org/etudes/redditions
Lien à été copié
Découvrez nos études

Le traité d'Amiens (27 mars 1802)
Les préliminaires de Londres, signés le 1er octobre 1801 entre le représentant de la France, Otto, et celui de la Grande-Bretagne, Hawkesbury,…




L’immigration des travailleurs en France
Marie-Paul Lancrenon (1857-1922), militaire de carrière, profite de ses missions pour…

André Malraux, écrivain engagé
Né en 1901 et mort en 1976, l’écrivain et homme politique André Malraux est considéré par beaucoup comme la plus grande conscience du XXe…




Rigaud et les portraits royaux
Installé à Paris en 1681, le peintre Hyacinthe Rigaud (1659-1743) se forge rapidement une clientèle de prestige. En…




Mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse d’Autriche
Né vers 1669, Jacques Laumosnier est issu d’une famille d’artisans aisés. Il se forme à l’art au sein de…

Les Quatre nations vaincues
La place des Victoires a une genèse singulière puisqu’elle est voulue par François, vicomte d’Aubusson, duc de la Feuillade (1625-1691), afin de…




Le siège de Saragosse
Depuis 1808, l’Espagne était livrée à une guerre complexe et cruelle entre les occupants français et les révoltés animés d’un fort sentiment…

L'Expédition d'Espagne
En 1808, l’intervention des troupes françaises en Espagne avait déclenché un soulèvement général de la population espagnole. Cette guerre d’…



La Reddition de Bréda
Le conflit armé qui éclate en 1568 dans les Pays-Bas espagnols cesse en…

La bataille de Somo-Sierra (30 novembre 1808)
Les difficultés internes de l’Espagne et les nécessités du maintien du blocus continental établi par décret à Berlin le 21 novembre 1806…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel