La violation des caveaux des rois dans la basilique Saint-Denis, en octobre 1793.
Auteur : ROBERT Hubert
Lieu de conservation : musée Carnavalet – Histoire de Paris (Paris)
site web
Date de création : vers 1793
Date représentée : octobre 1793
H. : 37 cm
L. : 45.8 cm
huile sur toile
Domaine : Peintures
© CC0 Paris Musées / Musée Carnavalet
P 1477
Le vandalisme révolutionnaire
Date de publication : Mars 2016
Auteur : Charlotte DENOËL
La suppression des signes de l'Ancien Régime
La chute de la monarchie le 10 août 1792 entraîna une flambée de violence à l’encontre des symboles visibles de la féodalité, qu’un décret de l’Assemblée légitima le 14 août. Par ces actes de vandalisme, les révolutionnaires s’efforçaient de faire table rase du passé.
L’année suivante, le Comité de salut public décida de commémorer la chute de la monarchie par la destruction des mausolées fastueux des rois, conservés dans l’abbaye de Saint-Denis, dont l’histoire fut étroitement liée à celle de la royauté. Aussitôt, les révolutionnaires se mirent à l’œuvre. Une partie des tombeaux fut démolie et fondue pour faire des boulets et des canons, tandis qu’une autre rejoignit le dépôt d’Alexandre Lenoir, aux Petits-Augustins. Achevées en octobre 1793, ces opérations n’ont pas épargné la nécropole des Bourbons, comme en témoigne cette toile d’Hubert Robert.
La violation des caveaux royaux
Le tableau d’Hubert Robert (1733-1808), exécuté en 1793, illustre bien l’acharnement avec lequel les patriotes procédèrent à l’exhumation des dépouilles des Bourbons, ensuite jetées dans des fosses communes, et à la démolition des pierres tombales sculptées. Des équipes d’ouvriers sortent les cercueils de la crypte à l’aide de longues échelles. Au-dessus de cette galerie souterraine éventrée, éclairée par une lumière zénithale, s’élèvent les murs gothiques de l’abbaye de Saint-Denis.
L’image de la galerie en ruines, la virtuosité des lignes et les teintes mélancoliques caractérisent le style d’Hubert Robert, dont toute la force est de suggérer ici, à travers le spectacle de personnages vaquant tranquillement à leur besogne, le caractère routinier et méthodique du vandalisme, que l’historiographie a volontiers occulté au profit de son côté passionnel et spectaculaire. Ainsi, si le peintre rend compte des actes profanatoires auxquels se sont livrés les révolutionnaires, son attitude vis-à-vis du vandalisme n’en est pas moins ambiguë, puisqu’il estompe le caractère sacrilège de la scène. Tout semble indiquer que le sujet du tableau lui a servi de support pour développer une méditation poétique sur le thème des ruines, qui annonce la sensibilité romantique du XIXe siècle.
Une œuvre purificatrice et régénératrice
En dehors de toute considération esthétique, la vision de cette crypte à moitié démolie peut également apparaître comme la promesse d’un monde nouveau, à édifier sur les ruines de l’Ancien Régime. C’est pourquoi la décision de détruire les tombeaux royaux suscita un enthousiasme collectif auquel s’associa même l’abbé Grégoire, qui fut pourtant le premier à employer le terme de « vandalisme » pour qualifier la destruction ou la mutilation barbare des œuvres d’art par les révolutionnaires.
À l’instar du nouveau calendrier révolutionnaire et des changements toponymiques, cet événement s’inscrit dans l’œuvre purificatrice et régénératrice de la Révolution, dont le premier acte fut la prise de la Bastille le 14 juillet 1789. Toutefois, devant les nombreux excès commis, le gouvernement fut contraint de prendre des mesures destinées à protéger les œuvres d’art appartenant au patrimoine national – mesures qui traduisent bien l’impossibilité de rayer d’un trait la mémoire collective.
Jean-Michel LENIAUD (dir.), Saint-Denis de 1760 à nos jours, Paris, Gallimard-Julliard, 1996.
Dominique POULOT, Musée, Nation, Patrimoine, 1789-1815, Paris, Gallimard, 1997.
Louis REAU, Histoire du vandalisme. Les monuments détruits de l’art français, 2 vol., Paris, Hachette, 1959.
Marie-Anne SIRE, La France du Patrimoine. Les choix de la mémoire, Paris, Gallimard, 1996.
Charlotte DENOËL, « Le vandalisme révolutionnaire », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 14/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/vandalisme-revolutionnaire
Lien à été copié
Découvrez nos études
La carte de France de 1789
Evénement oublié depuis 1614, la réunion des états généraux (organisée pour trouver de l’argent) est…
Les États généraux
La cérémonie d’ouverture des états généraux eut lieu le 5 mai 1789 dans une vaste salle aménagée dans l’hôtel des Menus-Plaisirs, avenue de Paris…
Le Banquet du mariage de Napoléon et Marie-Louise
Au faîte de sa puissance, Napoléon divorce d’avec Joséphine et cherche un nouveau « ventre » qui puisse lui assurer…
La Grande bourgeoisie à la fin de l'Ancien Régime
Lors de son premier séjour à Rome, de 1775 à 1780, David rencontre le fils de monsieur Pécoul, qui lui remet un mot d’introduction pour son père,…
La nuit du 4 août : l’abolition des privilèges
Après le célèbre serment du Jeu de Paume par lequel les députés des états généraux ont juré de ne pas se séparer tant…
Une cour de ferme au XVIIIe siècle
Le tableau intitulé Cour de ferme de Nicolas-Bernard Lépicié (1735-1784) est réalisé à un moment délicat dans la vie…
Presse et politique
Officiellement née au XVIe siècle, avec l'ordonnance de François Ier du 13…
Marie-Madeleine Guimard et le ballet français du XVIIIe siècle redécouverts
L’esprit galant du XVIIIe siècle et ses protagonistes reviennent à la mode dans la seconde moitié du XIXe siècle : les…
Portrait de Turenne en général romain
S’il l’identification du modèle ne fait pas de doute – il s’agit d’Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de…
Le système métrique décimal
A la veille de la Révolution, les mesures en usage en France (plus de 800) présentent une très grande…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel