Le Dauphin, futur Louis XIV, et sa nourrice, Elisabeth Longuet de La Giraudière
Auteur : BEAUBRUN (Charles et Henri)
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
Date de création : 1638-1650
H. : 83,5 cm
L. : 68 cm
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© Château de Versailles, Dist. RMN-Grand Palais / Christophe Fouin
MV5272 - 15-601729
Premier portrait du futur Louis XIV
Date de publication : Janvier 2023
Auteur : Stéphane BLOND
Premier portrait princier
En novembre 1615, le mariage entre le roi de France Louis XIII et l’infante d’Espagne Anne d’Autriche est célébré en grande pompe à Bordeaux. Pendant 22 ans, cette union reste stérile, ce qui fragilise la succession au trône et attise les ambitions de Gaston d’Orléans, frère du roi et principal opposant. À la fin de l’année 1637, un heureux événement s’annonce : la reine est enceinte ! Le 5 septembre 1638, elle donne naissance à Louis Dieudonné au Château-Neuf de Saint-Germain-en-Laye, là où le dauphin passe les cinq premières années de sa vie. Jusqu’à l’âge de sept ans marquant le début de l’éducation princière, les fils de France sont confiés aux femmes et habillés comme des petites filles. Après la naissance et comme le veut la tradition dans la famille royale ou les milieux favorisés, l’enfant est confié à une nourrice. Ce portrait n’est pas daté, mais il intervient quelques semaines après l’accouchement, avant le mois de décembre 1638, date du remplacement de la première nourrice. Les prétendantes doivent présenter des mœurs parfaites, une santé solide et un statut social honorable. Le choix initial se porte sur Élisabeth Longuet de La Giraudière. Née en 1612 à Orléans, elle est la fille d’un conseiller et maître d’hôtel ordinaire du roi. Quatre ans avant la naissance royale, elle se marie à Jean Longuet, seigneur de La Giraudière. Deux filles naissent de cette union, Élisabeth en 1636 et Anne, le 4 juillet 1638, quelques semaines seulement avant le futur Louis XIV, ce qui garantit de bonnes montées et un lait de qualité pour la croissance de l’enfant. La mise en scène de ce premier portrait est attribuée à Henri (1603-1677) et Charles (1604-1692) Beaubrun. Issus d’une famille d’artistes, ils effectuent de nombreuses représentations des princesses et reines de France, dont la reine Anne d’Autriche enceinte de six mois. L’historiographe Guillet de Saint-Georges (1624-1705) rapporte qu’ils sont choisis par le roi pour peindre le jeune dauphin huit jours seulement après sa naissance. Ils réalisent des esquisses, mais nul ne sait si cette toile est issue de ce travail. Il s’agit d’ailleurs de la réplique d’un original signé conservé à la Fondation Jakober à Alcudia, un musée qui possède un second et rare portrait du dauphin en nourrisson. Le parcours initial de la copie est méconnu, mais en 1856, elle est donnée au musée du Louvre par le collectionneur Charles Sauvageot (1781-1860), avant son dépôt à Versailles en 1893.
Aux petits soins
Sur cette toile, l’enfant est tenu sur les genoux de sa « nourrice du corps » qui a pour mission de le « nourrir », donc de l’allaiter, d’où sa représentation de trois quarts, le sein droit à nu. Sur ce double portrait, la jeune femme brune se tourne vers le spectateur. Elle arbore des vêtements aristocratiques, avec une somptueuse robe de soie jaune à la broderie argentée. La dentelle blanche du col et des manches est finement restituée par les peintres. Le trousseau royal est également luxueux. L’enfant est couvert d’un bonnet, fermement emmailloté dans des langes ornés de dentelle. À la manière des ecclésiastiques, il porte le cordon bleu de l’ordre du Saint-Esprit en sautoir, dans une version miniature qui ne laisse aucun doute sur l’identité du modèle. Par son rang royal et sa qualité de dauphin de France, l’enfant a été reçu à sa naissance dans l’ordre de chevalerie créé en 1578 par le roi Henri III. À sa montée sur le trône le 14 mai 1643, Louis XIV en devient le 4e souverain Grand-Maître.
Louis, dauphin de France
Les études de démographie historique démontrent que les premiers temps de la vie constituent une période à hauts risques. Le poupon royal est au centre de toutes les attentions, d’autant plus qu’il s’agit d’un garçon, ce qui en fait le premier héritier présomptif du trône. L’enfant qui a moins de trois mois fixe le spectateur d’un regard sérieux et sévère grâce auquel les peintres lui attribuent déjà un maintien royal. L’allaitement est un exercice plus compliqué qu’il n’y paraît, car la survie de l’enfant en dépend. À la fin du XVIe siècle, le poète français Scévole de Sainte-Marthe (1536-1623) insistait sur le caractère essentiel de cette mission dans son poème sur La Manière de nourrir les enfants à la mamelle. D’où la nécessité de sélectionner les nourrices avec soin, en présence du couple royal, des médecins et même de Richelieu ! Quelques mois plus tard, en décembre 1638, la nourrice est remplacée, car torturée par le nourrisson né avec deux dents et doté d’un appétit glouton. Elisabeth Longuet de La Giraudière est la première d’une longue liste de nourrices jusqu’au sevrage du bébé royal à l’âge de deux ans. Après cette étape, les dangers de l’enfance ne sont pas éteints, car il faut déjouer deux maladies qui font des ravages : la petite vérole et la rougeole. Le 21 septembre 1640, ses parents lui donnent un petit frère, prénommé Philippe, dit « Monsieur ».
Portraits de reines de France (1630-1665), exposition organisée par le musée d’art Hyacinthe Rigaud et l’Établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles (2020-2021), Silvana Editoriale, 2020.
Lucien BÉLY, Nourrice de Louis XIV, in Lucien BÉLY (dir.), Dictionnaire Louis XIV, Robert Laffont, 2015, p. 985-986.
Hélène DELALEX, Louis XIV intime, Gallimard/Château de Versailles, 2015.
Louis DUSSIEUX et al., Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des membres de l’Académie royale de peinture et de sculpture, J.-B. Dumoulin, 1854, tome 1.
Pascale MORMICHE, Devenir prince : L’école du pouvoir en France, XVIIe-XVIIIe siècles, CNRS Éditions, 2009.
Stanis PEREZ, La santé de Louis XIV, une bio histoire du Roi-Soleil, Champ Vallon, 2007.
Stéphane BLOND, « Premier portrait du futur Louis XIV », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 11/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/premier-portrait-futur-louis-xiv
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