La reine s'enfuit du château de Blois dans la nuit du 21 au 22 février 1619
La Réconciliation de la reine et de son fils
La reine s'enfuit du château de Blois dans la nuit du 21 au 22 février 1619
Auteur : RUBENS Pierre Paul
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
Date de création : 1622
Date représentée : Nuit du 21 au 22 février 1619
H. : 394 cm
L. : 295 cm
Domaine : Peintures
RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / René-Gabriel Ojéda / Thierry Le Mage
00-010475 / INV1785
La fuite de Blois et la réconciliation
Date de publication : Octobre 2017
Auteur : Jean HUBAC
Le retour sur les années 1619-1621
Lorsque Rubens reçoit en 1622 commande d’un cycle de peintures pour orner la galerie occidentale du tout nouveau palais du Luxembourg, que Marie de Médicis a fait construire à Paris, il n’est pas question de ces toiles, la mise en scène de la majesté de la reine mère étant prévue pour s’arrêter en 1614, au moment de la majorité de Louis XIII. Les épisodes moins glorieux de la suite de la sa vie publique – l’assassinat de son favori Concini sur ordre du roi en 1617, l’assignation à résidence à Blois, les deux guerres « de la mère et du fils » dans les années qui suivent – sont alors tus dans le programme préparatoire négocié entre le célèbre peintre anversois et l’entourage de Marie de Médicis (Richelieu, alors intendant de sa maison, l’abbé Maugis, Fabri de Pereisc). Pourtant, le cycle complet présenté en 1625 comprend 24 toiles, dont cinq pour les années 1619-1621. Il s’agit alors d’insister sur la réconciliation finale entre la reine mère et son fils Louis XIII survenue officiellement au début de l’année 1622, précisément au moment de la commande passée à Rubens.
L’objectif assigné au cycle rubénien est bien de rendre justice à la reine Marie de Médicis, en qualité tant de princesse florentine (1575-1600), que de reine de France épouse d’Henri IV (1600-1610), et que de reine régente mère de Louis XIII (1610-1614). Épiphanie d’un pouvoir souverain incarné dans une femme, l’histoire de la vie de Marie de Médicis vue par Rubens est largement tronquée et allégorisée.
Les deux toiles présentées ici font partie de la fin du cycle. La première situe l’action dans la nuit du 21 au 22 février 1619, au moment où la reine mère s’enfuit du château de Blois où le roi l’avait consignée. La seconde fige en une représentation allégorique déconnectée de toute prétention au réalisme la réconciliation de Marie de Médicis et de son fils en janvier 1622, faisant ainsi écho à la récompense à laquelle la reine mère est promise, en dépit des épreuves qu’elle a traversées dans la première peinture.
De la reine noire à la reine blanche, de la reine souffrante à la reine triomphante
Comme dans toutes les toiles du cycle, à une exception, Marie de Médicis est le personnage principal de la narration picturale. Dans La Fuite du château de Blois, elle est peinte en robe noire et dans une attitude de résignation, poussée par une Minerve casquée, double incarnation de la sagesse et du courage, et accueillie par un groupe de nobles en armes. Le château de Blois, réduit à une simple portion de façade à droite, sert de décor à une scène nocturne dont les seules lumières sont celles que les flambeaux projettent sur les carnations. La sobre dignité que montre la reine contraste avec le mouvement désordonné des autres personnages, parmi lesquelles la Nuit et l’Aurore surplombent la scène et éclairent le chemin qui conduit à la liberté et vers la lumière.
Le décor change radicalement dans La Réconciliation de Marie de Médicis et de son fils. De composition plus complexe, cette toile recourt davantage à l’allégorie et à la mythologie pour rendre compte de la réconciliation entre la reine mère et le roi, permise par la mort du connétable de Luynes en décembre 1621. Louis XIII-Apollon accueille Marie de Médicis porteuse du caducée. Dans la partie inférieure droite, une allégorie difficilement identifiable (la Providence ? le Courage ? la Justice ?) foudroie une hydre monstrueuse, symbole de la discorde introduite par Luynes au cœur de la famille royale. Les deux figures qui encadrent la scène se complètent pour dire à elles deux qui est Marie de Médicis : une mère pourvoyeuse d’amour et de charité maternelle (figure de gauche) et une gardienne de la monarchie, dont l’allégorie portant le globe et le gouvernail (figure de droite) est une représentation utilisée par Rubens dans d’autres toiles du cycle médicéen. Le clair-obscur et l’opposition tranchée entre le bien et le mal concourent à donner à la scène une valeur manichéenne et héroïque.
Rubens se livre à un subtil jeu pictural sur les couleurs. La robe noire de la reine en fuite est celle des épreuves subies, mais aussi celle de la viduité royale ; elle permet ainsi de recharger la reine en légitimité alors qu’elle s’apprête à transgresser l’ordre royal d’assignation à résidence au château de Blois. La reine veuve est à la fois une victime et une image de la souveraineté abîmée par la mort. La reine retrouve une robe blanche lorsqu’elle se réconcilie avec son fils, la même couleur que celle qu’elle arborait dans La Prise de Juliers, au moment le plus masculin de l’exercice représenté du pouvoir.
Un modèle de vertu et d’endurance politique
Rubens peint une reine auguste qui ploie sous les événements mais ne cède pas et qui récolte les fruits de son endurance politique. Soumise aux coups du sort, Marie de Médicis apparaît comme une victime, en rien responsable de la rébellion contre le roi lors des deux guerres « de la mère et du fils » (1619 et 1620), au cours desquels la reine mère a pourtant animé une faction nobiliaire et militaire contre l’exercice du pouvoir par le roi et son favori le connétable de Luynes (les nobles qui se rallient à la reine dans La Fuite de Blois sont en réalité des rebelles). Surtout, la conspiration ourdie par le duc d’Epernon pour permettre l’évasion de la reine mère du château de Blois, au cours rocambolesque de laquelle la reine se serait engagée sur une échelle de corde pour gagner les fossés du château, est transformée par Rubens en digne et inévitable sortie de la faveur royale. Significativement, les années 1615-1619 font quant à elles l’objet d’un silence pictural absolu, alors que Marie de Médicis occupait une place prépondérante à la tête de l’État en qualité de chef du conseil de 1614 à 1617, avant que Louis XIII ne supporte plus la semi-liberté dont il jouissait et ne commette un coup de majesté en faisant assassiner Concini.
De l’ombre à la lumière, l’histoire redevient épopée héroïque à laquelle participent ultimement la reine et son fils. Modèle de l’assomption de la Vierge, La Réconciliation de Marie de Médicis et de son fils (réponse presque terme à terme à l’expression « guerre de la mère et du fils ») évoque l’élévation de la reine dans une sphère céleste et divine. La mère de Jésus, une autre Marie, est iconographiquement convoquée dans cette toile qui clôt le cycle narratif de manière définitive : la reine accède à la lumière divine et royale, et laisse terrassés les démons de la discorde et de la calomnie – qu’elle a elle-même activement alimenté pendant les années d’éloignement du pouvoir... Elle bénéficie d’une renaissance et d’une nouvelle consécration, après celle de la mort d’Henri IV. Le cycle impose en effet un parallèle entre l’ascension d’Henri IV et celle de Marie de Médicis, qui atteint ainsi une gloire éternelle, à tout le moins artistique sous le génial pinceau du maître anversois.
Fanny COSANDEY, La reine de France. Symbole et pouvoir, Gallimard, Paris, 2000.
Id., « Représenter une reine de France. Marie de Médicis et le cycle de Rubens au palais du Luxembourg », in Clio. Femmes, Genre, Histoire [en ligne], 19 – 2004, mis en ligne le 27 novembre 2005, consulté le 30 septembre 2016. URL : http://clio.revues.org/645
Jean-François DUBOST, Marie de Médicis. La reine dévoilée, Payot, Paris, 2009.
Marie-Anne LESCOURRET, Rubens, Flammarion, Paris, 1990.
Marie de Médicis, un gouvernement par les arts, Somogy éditions d’art et Château de Blois, 2003 (catalogue d’exposition).
Médicis : Famille florentine de banquiers collectionneurs et protecteurs des arts. Ses membres s’emparent progressivement du pouvoir à Florence au XVe siècle. Deux grands papes de la Renaissance en sont issus : Léon X (1475-1521) et Clément VII (1478-1534). Anoblie au XVIe siècle, la famille Médicis s’allie deux fois à la France en lui donnant deux reines et régentes : Catherine (1519-1589), épouse d’Henri II, et Marie (1575-1642), épouse d’Henri IV.
Jean HUBAC, « La fuite de Blois et la réconciliation », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/fuite-blois-reconciliation
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