Visite de Louis XIV à la Manufacture des Gobelins, le 15 octobre 1667.
Auteur : LE BRUN d'après Charles
Lieu de conservation : musée national du château de Versailles (Versailles)
site web
H. : 375 cm
L. : 580 cm
Basse lisse, laine, soie et fil d'or
Domaine : Objets
© Photo RMN - Grand Palais (Château de Versailles) / Christian Jean / Jean Schormans
79-000453 / Vmb14197;GMTT9810;V38412
La manufacture des Gobelins
Date de publication : Novembre 2012
Auteur : Myriam DENIEL TERNANT
Le début du règne personnel de Louis XIV
En 1667, la manufacture des Gobelins est transformée en « manufacture royale des meubles de la Couronne » sous l’impulsion de Colbert, devenu contrôleur général des finances deux ans plus tôt. Confiée au peintre Charles Lebrun, elle s’inscrit dans l’élaboration d’un mécénat d’Etat.
Son objectif est double. D’une part, il s’agit de produire du mobilier, des gravures, des ouvrages d’argenterie et des tapisseries à destination des résidences royales et de l’exportation, répondant ainsi aux principes du colbertisme.
D’autre part, elle doit alimenter la consolidation de la figure monarchique. En effet, la décennie correspond au début du règne personnel de Louis XIV, inauguré en 1661, et à la fixation d’un répertoire de symboles, de références, telles que le soleil et Apollon à partir de 1662. Cette tapisserie illustre donc la visite du roi, le 15 octobre 1667, peu de temps après le changement de statut de la manufacture des Gobelins.
L’exécution de cette œuvre s’est réalisée en deux temps. Le premier moment, correspond au milieu des années 1660 avec l’esquisse de Charles Lebrun. Le second moment correspond aux années 1729-1734, sous le règne de Louis XV. Cette tapisserie place ainsi le nouveau souverain dans une filiation symbolique avec Louis XIV.
La valorisation de l’artisanat somptuaire français
Cette tapisserie est de basse lisse, technique fondée sur un métier à tisser horizontal permettant une grande précision du dessin. Cela peut expliquer la profusion et la minutie des détails de l’œuvre. Un premier plan expose pêle-mêle les différents corps de métier réunis aux Gobelins. Par le non-respect de la perspective dans la représentation des personnages et des objets, cette scène donne une impression de désordre. De multiples saynètes de déménagement y sont représentées.
Les uns déplacent des pièces d’orfèvrerie ou d’argenterie, d’autres une pièce d’ébénisterie, d’autres une tapisserie roulée sous le bras.
À l’arrière-plan, un tableau monumental représentant vraisemblablement une scène de bataille occupe une partie du mur du fond. Entre les deux plans sur la gauche, un petit groupe isolé attire le regard du spectateur.
Louis XIV est accompagné de son ministre Colbert vers qui il se tourne, et de deux autres personnages. La figure royale est mise en valeur par le rouge ainsi que par l’effet de vide créé à ses pieds. Le roi est sensiblement plus grand que les autres hommes situés sur le même plan que lui, signe de sa majesté.
Enfin, la bordure vient enchâsser la manufacture dans un déploiement de guirlandes fleuries sur fond damassé, tout en rappelant la dimension royale de l’entreprise dans l’écusson supérieur qui représente l’ordre de Saint-Michel et le bleu royal fleurdelisé.
Une glorification de la figure royale et de la France
Cette tapisserie n’existe pas seule. Elle s’intègre dans un ensemble plus vaste de quatorze pièces constituant la tenture de L’Histoire du Roi, destinée à illustrer les hauts faits militaires, civils et diplomatiques du monarque. La visite de Louis XIV à la manufacture des Gobelins témoigne donc de la modernité du roi, qui fait de cet art un instrument de communication politique. Or, dans ce contexte de centralisation du pouvoir monarchique, la célébration de la symbolique royale a tendance à se confondre avec la célébration de l’État. Le roi, représenté au fond, l’affairement du premier plan, tout comme la somptuosité de la réalisation, sont métonymiques d’une France conquérante. Le prestige des Gobelins est d’ailleurs tel que le nom devient synonyme des tapisseries françaises dans plusieurs langues européennes, inscrivant l’entreprise dans le temps long d’une monarchie triomphante qui doit également s’exprimer sous les traits de son héritier, Louis XV. Au-delà de Louis XIV, c’est la figure royale dans son ensemble qui est mise à l’honneur.
· Joël CORNETTE, Absolutisme et Lumières, 1652-1783, Paris, Hachette, 1993.
· Maurice DAUMAS, Images et Sociétés dans l’Europe moderne, XVe-XVIIIe siècle, Paris, A. Colin, 2000.
· Jean-Christian PETITFILS, Louis XIV, Paris, Fayard, 1999.
· François BLUCHE (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, rééd. 2006.
Myriam DENIEL TERNANT, « La manufacture des Gobelins », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 13/10/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/manufacture-gobelins
Lien à été copié
Découvrez nos études
Le traité des Pyrénées
Après un séjour de quatre ans à Rome, Charles Le Brun arrive à Paris en mars 1646. Avec l’appui du chancelier Séguier, il obtient plusieurs…
Premier portrait du futur Louis XIV
En novembre 1615, le mariage entre le roi de France Louis XIII et l’infante d’Espagne Anne d’Autriche est célébré en…
La condition paysanne
La datation et la signature de cette eau-forte coloriée, intitulée…
Seconde chambre des appartements
Intitulée Seconde chambre des apartemens, cette estampe s’insère dans une série de six représentations de même format…
Le Prévôt des marchands et les échevins de la ville de Paris
Peint à la fin de l’année 1647 ou au début de l’année 1648, à la veille de la Fronde, le portrait…
Le potager du roi Louis XIV
Ces estampes ouvrent les six parties du traité d’horticulture publié en 1690 à titre posthume par Jean-Baptiste de La…
Portrait de Turenne en général romain
S’il l’identification du modèle ne fait pas de doute – il s’agit d’Henri de La Tour d’Auvergne, vicomte de…
L'Édit de Fontainebleau
Le 18 octobre 1685, Louis XIV scelle l’édit de Fontainebleau, par lequel il met fin à près de quatre-vingt-dix ans d’…
Rigaud et les portraits royaux
Installé à Paris en 1681, le peintre Hyacinthe Rigaud (1659-1743) se forge rapidement une clientèle de prestige. En…
Lit de justice tenu par Louis XV
Louis XIV meurt le 1er septembre 1715 à Versailles. En vertu des principes successoraux du royaume, le…
Ajouter un commentaire
Mentions d’information prioritaires RGPD
Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel