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Le triomphe du tsar Alexandre I<sup>er</sup> ou La Paix

Le triomphe du tsar Alexandre Ier ou La Paix

Portrait d'Alexandre I<sup>er</sup>, tsar de Russie

Portrait d'Alexandre Ier, tsar de Russie

Le triomphe du tsar Alexandre I<sup>er</sup> ou La Paix

Le triomphe du tsar Alexandre Ier ou La Paix

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1814

Date représentée : 31 mars 1814

H. : 35 cm

L. : 64,5 cm

Huile sur papier collé sur toile. Grisaille.

Domaine : Peintures

© GrandPalaisRmn (musée du Louvre) / Adrien Didierje

Lien vers l'image

INV 20116 - 12-533245

Un Tsar à Paris : Alexandre Ier et la France

Date de publication : Novembre 2011

Auteur : Guillaume NICOUD

Le double vainqueur de Napoléon

Le choc des empires français et russe entre 1805 et 1815 transforme profondément l’Europe. Victorieux par deux fois de Napoléon en 1814 et 1815, le tsar Alexandre Ier (1777-1825) cherche à établir de nouvelles relations internationales fondées sur un pacte fraternel et une assistance mutuelle entre les grands souverains européens, entreprise qui aboutira à la Sainte-Alliance.

La tentative d’hégémonie de la France en Europe échoue définitivement, mais le pays, redevenu royaume et à nouveau dirigé par un Bourbon, est redevable au tsar de recouvrer rapidement son rang de principale puissance européenne.

Alexandre Ier entre la première fois dans Paris à la tête des troupes alliées par la porte Saint-Martin le 31 mars 1814. Les Parisiens, à l’exemple des peintres Boilly et Gérard, s’enthousiasment rapidement pour les Russes et leur tsar.

Boilly réalise alors une œuvre de circonstance, le Triomphe d’Alexandre, copie fortement inspirée du dessin du peintre Prud’hon le Triomphe de Bonaparte (1801, musée Condé, Chantilly). Quant à Gérard, portraitiste de l’ancienne cour impériale au talent recherché par toute l’Europe, il peint dès 1814 certains des principaux vainqueurs de Napoléon. Il aurait le même jour reçu dans son atelier, pour des séances de pose, Alexandre, le roi de Prusse et Louis XVIII. Sous l’Empire, Gérard a déjà représenté Alexandre en costume impérial (tableau non localisé), mais le tsar lui commande cette fois-ci son effigie, en grand uniforme (Ermitage, Saint-Pétersbourg, dont une répétition est ici présentée) et en uniforme simple (Ermitage).

Un tsar pacificateur

Boilly peint une représentation à l’antique et allégorique d’Alexandre porté par un quadrige. Il est conduit en triomphe par la Victoire ailée et accompagnée de la Paix à la porte d’une ville ou devant un arc triomphal. Des putti introduisent le cortège en dansant et en portant une branche d’olivier en guise d’étendard, tandis que les Muses entourent son char. Sur celui-ci est représenté un combat mené par un cavalier, qui renvoie aux événements guerriers passés. Parmi la foule à l’arrière-plan, des jeunes filles dansent, une femme admire le héros à son passage et deux personnes semblent deviser sur ses hauts faits.

D’une grande simplicité, le portrait exécuté par Gérard montre l’empereur en pied. Alexandre a alors trente-sept ans, une silhouette élégante, une chevelure blonde et frisée, le front dégarni. Il est peint debout et de face, la tête tournée vers sa droite, dans un paysage sans réelle trace de présence humaine. Il porte l’uniforme vert et blanc de maréchal en chef russe. Il tient un de ses gants blancs et le pommeau de son épée dans sa main gauche, et son bicorne à plumes dans la droite. Sa poitrine est décorée du ruban et de la plaque de l’ordre russe de Saint-André, des croix de l’ordre russe de Saint-Georges, de la médaille russe commémorant la campagne de 1812, de l’ordre autrichien de Marie-Thérèse, de la Croix de fer prussienne et, plus bas, de l’Épée de Suède.

De nouveaux rapports franco-russes

Exposé au Salon du Louvre en 1801, le dessin de Prud’hon représentant le Triomphe de Bonaparte que Boilly copie ici fêtait le retour à la paix consécutive à la signature du traité de Lunéville avec l’Autriche (9 février 1801). Il devait être gravé en grand, mais la reprise des hostilités rendit sans doute le sujet rapidement obsolète, et il ne servit qu’à illustrer sous forme réduite l’ouvrage du Danois Bruun Neergaard Sur la situation des Beaux-Arts en France (1801). En 1814, Boilly achève en quelque sorte le projet de Prud’hon en peignant à la manière d’une gravure le nouveau héros fêté pour avoir définitivement mis fin aux guerres de la Révolution et de l’Empire. Pour tout changement, il peint une figure plus grande d’Alexandre. Boilly et Gérard l’ont représenté vêtu du même uniforme, sans doute celui qu’il portait à son entrée dans Paris en 1814.

Les deux représentations d’Alexandre peintes par Gérard en 1814 renvoient l’image d’un souverain à la vertueuse simplicité, qui porte son regard au loin comme pour commander à l’avenir. Elles doivent à leur dépouillement une sorte de caractère universel.

Alexandre Ier tente alors de peser de tout son poids dans l’établissement d’un nouvel équilibre européen sans mettre la France au ban des nations, malgré le retournement politique du pays durant l’épisode des Cent Jours. Il cherche à imposer une révolution diplomatique par de nouvelles règles internationales fondées sur des principes chrétiens (allant jusqu’à proposer un désarmement), mais qui, interprétées de manière très conservatrice (notamment par le diplomate autrichien Metternich), aboutissent à une alliance réactionnaire et répressive des monarchies absolutistes.

Mais de 1815 à 1818, la conduite modérée des troupes russes de l’armée d’occupation de la France modifie sensiblement l’image du Russe auprès des Français qui avaient été effrayés en 1814 par l’arrivée sur le territoire national de cosaques réputés sauvages. Les Russes, comme les Anglais, sont alors reconnus moins violents et brutaux que les Autrichiens et les Prussiens.

Fort de ses victoires sur Napoléon, mais déçu de ses résultats diplomatiques, Alexandre mène après 1815 une vie de plus en plus mystique et une politique autoritaire par crainte de l’émergence d’idées révolutionnaires dans son pays. Sa mort brutale en 1825 est suivie en décembre, à Saint-Pétersbourg (alors capitale russe), de la révolte avortée dite ultérieurement des Décembristes, du nom donné aux officiers qui l’ont menée dans l’espoir de réformer leur pays.

Si les relations entre la Russie et la France restent distantes au cours des décennies suivantes, les deux pays opèrent toutefois un rapprochement stratégique à la fin du siècle pour contrer les empires centraux d’Allemagne et d’Autriche-Hongrie, rapprochement qui aboutit à la signature de l’alliance franco-russe en 1892.

Marie-Pierre REY, Alexandre Ier, Paris, Flammarion, 2009.

Louis-Léopold Boilly (1761-1845), catalogue de l’exposition du Palais des beaux-arts de Lille, 4 novembre 2011-6 février 2012, Lille, N.Chaudin, 2011.

Destins souverains : Napoléon Ier, le Tsar et le Roi de Suède, catalogue de l’exposition du musée national du château de Compiègne, 23 septembre 2011-9 janvier 2012, Paris, R.M.N., 2011.

Destins souverains : Joséphine, la Suède et la Russie, catalogue de l’exposition du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, 24 septembre 2011-9 janvier 2012, Paris, R.M.N., 2011.

Guillaume NICOUD, « Un Tsar à Paris : Alexandre Ier et la France », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 03/12/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/tsar-paris-alexandre-ier-france

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