Portrait d'henri IV en Hercule terrassant l'hydre de Lerne
Henri IV terrassant l'hydre
Portrait d'henri IV en Hercule terrassant l'hydre de Lerne
Auteur : ANONYME
Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web
Date de création : Vers 1600
H. : 91 cm
L. : 74 cm
Auteur : Anonyme français, École de Fontainebleau, cercle de Toussaint Dubreuil.
Huile sur toile.
Domaine : Peintures
© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle
11-518873 / R.F. 1997-13
Henri IV terrassant l’hydre
Date de publication : Novembre 2020
Auteur : Sonia DARTHOU
Un portrait mythologique dans un contexte de guerres civiles
Ces deux tableaux, malgré leur écart chronologique de deux siècles, sont des portraits officiels du roi Henri IV représenté en Héraclès (Hercule) vainqueur du monstre mythologique l’hydre de Lerne.
Le tableau aux accents maniéristes (théâtralité de la scène, recours au symbolisme, contraste entre la figure royale et l’arrière-plan), conservé au musée du Louvre, est une huile sur toile d’un anonyme français attribuée à l’entourage du peintre Toussaint Dubreuil (1561-1602), un des artistes de prédilection d’Henri IV.
Le tableau de Jean-Baptiste Maréchal (actif entre 1779 et 1824), peintre et dessinateur qui a réalisé plusieurs portraits du roi, est également une huile sur toile qui présente Henri IV de manière allégorique, dans un schéma similaire, montrant la permanence et la pertinence de la mythologie dans l’iconographie royale.
Ces œuvres, qui s’inscrivent dans le programme artistique de propagande politique de la monarchie, doivent s’appréhender à la lumière des guerres de Religion, qui ont remis en cause la légitimité du roi. C’est dans ce contexte que la monarchie déploie une « campagne médiatique » en utilisant la force symbolique des héros antiques. On assiste alors à une multiplication de portraits mythologiques qui affichent publiquement l’autorité supérieure du roi et sa lutte victorieuse contre le désordre et la rébellion.
Henri IV, un nouvel Hercule
Ces deux tableaux proposent des portraits d’Henri IV qui l’assimilent au héros grec Héraclès, le puissant fils de Zeus, dans son deuxième travail : vaincre l’hydre de Lerne.
Sur le tableau du Louvre, le roi est peint de manière paradoxale, son visage à la barbe blanchie affichant l’empreinte de l’âge tandis que son corps, athlétique, évoque la jeunesse des héros. Habillé à l’antique, dans une architecture moderne, Henri IV s’arroge les attributs herculéens : la léonté, peau du lion de Némée vaincu dans son premier travail, nouée sur ses épaules, et la massue qui est son arme canonique.
Sur le deuxième tableau, daté de 1782, l’iconographie royale appartient plus à son siècle. Le roi est représenté dans une pose élégante, vêtu du costume royal traditionnel, chaussé de brodequins, tenant son épée, surplombé d’un décor de fruits, et portant la fraise et la Croix de l’ordre du Saint-Esprit qui affiche son engagement catholique.
Sur les deux œuvres, le roi foule à ses pieds l’hydre de Lerne, un monstre tentaculaire du Péloponnèse au corps reptilien et à l’haleine pestilentielle, dont les multiples tentacules sont surmontés de têtes qui ont la capacité de renaître d’elles-mêmes. Les deux peintres ont mis en valeur la gueule ouverte de ce monstre dévorant vaincu par la force écrasante du roi, créant ainsi un véritable télescopage historique entre Antiquité et modernité.
La mythologie au service du politique
Ce deuxième travail d’Héraclès a un grand succès à travers l’histoire de l’art, car l’hydre devient un symbole du désordre, de la rébellion, de l’ennemi insidieux qui se déplace, disparaît pour renaître, infecte le pays et sème la discorde. Alors que l’hydre était associée au protestantisme par les Valois, Henri IV reprend habilement cette allégorie mythologique pour, cette fois, l’associer à la Ligue catholique qui, en s’opposant à son pouvoir, incarne alors l’insoumission et la division. Dans ce climat de guerres civiles, la Ligue catholique de France, menée par Charles de Mayenne, tente de déstabiliser le pouvoir royal qui ne sera assuré qu’en 1593, quand Henri IV abjure le protestantisme, et, surtout, après son sacre en 1594 et l’édit de Nantes en 1598, qui met fin aux guerres de Religion.
Ces portraits d’Henri IV modifient les codes iconographiques antiques de la légende d’Héraclès contre l’hydre de Lerne dans une optique de propagande royale. Ce n’est plus, comme dans l’Antiquité, un combat face à face entre Héraclès et le monstre qui est représenté, pour mettre notamment en avant les qualités athlétiques du héros dans une société qui privilégie le duel épique. Dans ces œuvres, malgré l’écart chronologique, Henri IV demeure le sujet principal du tableau qui focalise le regard du spectateur : il écrase l’hydre vaincue afin de mettre en avant la figure du roi qui a restauré l’ordre et l’unité du royaume. Héroïsé par ces portraits qui participent habilement à sa politique de communication pour restaurer et asseoir durablement sa légitimité, Henri IV se présente comme un nouvel Hercule, triomphateur, civilisateur et pacificateur.
BARDON Françoise, Le portrait mythologique à la cour de France sous Henri IV et Louis XIII : mythologie et politique, Paris, A. et J. Picard, 1974.
EL KENZ David, « Le roi de France et le monstre dans les gravures : genèse et déclin politique d’une image aux XVIe et XVIIe siècles », dans GIRAULT René (dir.), L’image du pouvoir dans le dessin d’actualité : le temps des monarques, le temps des chefs, le temps des leaders, Matériaux pour l’histoire de notre temps, no 28, 1992, p. 3-7.
VIVANTI Corrado, Guerre civile et paix religieuse dans la France d’Henri IV, Paris, Desjonquères, coll. « La mesure des choses », 2006.
Maniérisme : Courant artistique né en Italie au XVIe siècle, que l’on considère comme la dernière phase de la Renaissance. Il tire son nom du mot italien maniera, utilisé pour désigner le style personnel d’un artiste. Pour les peintres qui se rattachent à ce courant, l’effet de style prime sur l’équilibre et l’harmonie. Ils se distinguent par une élégance du dessin, des compositions complexes privilégiant tensions et déséquilibres, une distance par rapport à l’imitation servile de la nature.
Valois (dynastie des) : Dynastie de rois de France qui règne de 1328 à 1589, de la fin de la dynastie des Capétiens directs, c’est-à-dire de Charles IV le Bel, au dernier des Valois, Henri III.
Bourbons (dynastie des) : Maison royale de France rattachée à la dynastie capétienne, qui succède aux Valois. Elle est portée au pouvoir par Henri IV (1553-1610).
Sonia DARTHOU, « Henri IV terrassant l’hydre », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/henri-iv-terrassant-hydre
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