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La France irait à la misère si elle laissait entrer le bolchevisme...

La France irait à la misère si elle laissait entrer le bolchevisme...

Tous les pays d'Europe ont vaincu le communisme. La France reste seule menacée.

Tous les pays d'Europe ont vaincu le communisme. La France reste seule menacée.

La France irait à la misère si elle laissait entrer le bolchevisme...

La France irait à la misère si elle laissait entrer le bolchevisme...

Auteur : ANONYME

Date de création : 1920

Date représentée : 1920

Domaine : Affiches

© Collections La Contemporaine

Lien vers l'image

La menace communiste dans la France de l'entre-deux-guerres

Date de publication : Janvier 2006

Auteur : Alexandre SUMPF

Au début des années 1920, les esprits sont marqués par les révolutions russes de février et d’octobre 1917. Lors du deuxième congrès de l’Internationale communiste (I.C.), tenu en 1920 à Moscou, les partis socialistes européens prennent connaissance des « vingt et une conditions nécessaires » pour justifier l’affiliation à cette " Troisième  Internationale". Le parti bolchevique de Lénine et Trotski jouit du double prestige du succès de la révolution et de la victoire militaire sur les Blancs. En revanche, les partis de la Deuxième Internationale ont perdu de leur crédibilité : malgré leur pacifisme affiché, ils n’ont pas su empêcher la guerre et se sont ralliés dès la mobilisation générale à « l’Union sacrée ». En novembre 1920, au Congrès de Tours, une majorité de militants décident de quitter la S.F.I.O. pour fonder la Section française de l’Internationale communiste (S.F.I.C.).

Cependant, le nombre des adhérents de la S.F.I.C. décroît à partir de 1921. Les dirigeants soviétiques imposent en effet, par le biais du Komintern (le nom russe de l’I.C.), la tactique « classe contre classe », accusant les socialistes d’être des « sociaux-traîtres » et de représenter l’ennemi de la classe ouvrière. L’année 1934 constitue toutefois un tournant. Hitler s’étant emparé du pouvoir en Allemagne, Staline, un temps hésitant, accepte d’abandonner le combat contre les partis bourgeois pour lutter contre le fascisme. En France, la montée en puissance des ligues d’extrême droite, dont la crise du 6 février 1934 est la manifestation la plus visible, justifie plus encore l’adoption de la « politique de la main tendue » par Maurice Thorez, le dirigeant de la S.F.I.C. Socialistes et communistes signent alors des accords électoraux qui leur permettent de remporter largement les élections législatives de 1936 et de former un gouvernement de « Front populaire ».

La composition de l’image de 1920 donnant à voir une France livrée à l’incendie est particulièrement originale, du fait de la place accordée à l’écrit, qui ponctue tous les éléments du décor mis en scène. La hiérarchie typographique met sur le même plan le mot « bolchevisme », célèbre depuis la campagne électorale de 1919, et la conjonction « si ». Cette dernière exprime l’importance du choix auquel est confrontée la France, entre la prospérité et la « ruine ». Celle-ci résulte d’un véritable sabotage, représenté ici sur fond de champs, d’usines, comme autant de symboles de la France « éternelle ». Les couleurs sont travaillées vigoureusement de manière à mettre en valeur le centre de la composition. Là, le feu et la fumée se déroulent en flammes et en volutes impressionnantes. En écho, foyers et fumée noire voilent Paris au dernier plan, à gauche ; les flammes crépitent dans une usine transformée en volcan, au deuxième plan, à droite. En plein centre de l’affiche, au premier plan, un creuset de forge, symbole de la « Production », explose littéralement. La torche que tient l’incendiaire pervertit le flambeau, symbole traditionnel de la liberté que La statue de la Liberté de Bartholdi tend au-dessus du monde. Dans le prolongement du mouvement, l’œil tombe sur la main du coupable pris sur le fait. C’est un personnage particulièrement intrigant si on l’examine de près. Il frappe tout d’abord par son âge, qui contredit sa qualité évidente de soldat. Ensuite, il porte curieusement le costume de l’armée tsariste, probablement le seul dont l’affichiste ait eu une idée précise. Les stéréotypes associés à ce personnage sont la figure de l’anarchiste russe – Souvarine dans le Germinal de Zola – et celle du soldat russe qui combattait sur le front ouest du côté de l’Entente. On note enfin la présence du couteau, élément désormais indispensable à toute représentation du « bolchevisme » ; il est porté à la ceinture, prêt à servir.

Contrairement à l’image dénonçant la mise à feu et à sang de la France par le bolchevisme, l’affiche qui compare le communisme à une pieuvre situe l’essentiel de son message sur ses bords. Le terme « communisme » est dévalorisé par la typographie, écrasé entre « tous les pays d’Europe » et la « France », donnée comme l’enjeu principal de la lutte internationale contre les Rouges. La carte qui sert de fond au décor met parfaitement en évidence la progression de l’invasion : parti de l’est, à droite, le communisme fond sur ses victimes potentielles à l’ouest, à gauche. L’œil est d’abord captivé par la tête gigantesque de la pieuvre, dont il suit chacun des tentacules lancés à travers l’Europe. Le communisme est clairement dénoncé par l’emploi de la couleur rouge. Toutefois, la représentation de l’étoile à cinq branches de l’Armée rouge, la faucille et le marteau, nettement distinguables, visent directement l’U.R.S.S., antre de « l’hydre » communiste. L’image de la pieuvre, l’un des symboles du capital dans les affiches communistes, notamment soviétiques, est ainsi retournée contre le Komintern. Par contraste, la plupart des adversaires supposés de l’Union soviétique ne se distinguent les uns des autres que par la mention neutre de leur nom. Le fond blanc et bleu ciel fait ressortir le rouge, dont l’emploi est lui aussi détourné au cœur même de l’affiche : les gouttes de sang qui jaillissent des tentacules déjà tranchés symbolisent la défaite des communistes. Dans la péninsule Ibérique, un personnage dans lequel on reconnaît sans peine un phalangiste antirépublicain achève de sectionner le tentacule qui s’était aventuré jusque-là. Rien ne saurait mieux illustrer le sort de l’éphémère République espagnole. Enfin, la France se détache franchement des autres nations. Elle est symbolisée par le drapeau tricolore, celui de la Nation et de la République, que le communisme soviétique tente d’arracher de son sol.

L’affiche de 1920 a été commandée par l’Ordre social. Particulièrement loquace, elle fait partie de la première génération des affiches de masse du XXe siècle, encore alourdies par les explications écrites. L’argumentaire, inscrit en conclusion dans la partie inférieure gauche, joue donc principalement sur les mots, de manière simple mais peut-être inefficace pour un public non averti. Le dessin, plus proche du style réaliste que de la caricature de presse, se charge de résoudre l’équation. L’affichiste anonyme oppose en effet les termes aux images : « travail » contre sabotage, « capital » contre ouvriers russes, « intelligence » contre sauvagerie orientale. L’impression générale est que la France est en état de siège. Le danger venu de l’extérieur menace les valeurs fondatrices de son identité, ainsi que les activités économiques à l’origine de sa prospérité. Cette affiche témoigne donc de l’émergence du mouvement communiste dans la politique nationale – avant un recul tout aussi marqué dans les années qui suivront.

L’affiche datant de 1936 ou 1937 illustre bien l’évolution majeure de ce type de média dans l’entre-deux-guerres. Commanditée par le Comité de propagande des Républicains nationaux d’Henri de Kérillis, elle est réalisée par un dessinateur qui se cache sous le pseudonyme « Yo. Mich ». Il est l’auteur de plusieurs affiches pour le compte du Comité – dont une variante de celle-ci, simplifiée, où l’Europe, teinte en vert, est assimilée à une forêt qui s’embrase à partir de l’Est. Ici, le message s’est fait slogan, le dessin est moins complexe, plus symbolique. Indéniablement, le public français est désormais tout à fait apte à saisir les codes et les références qui lui sont proposés. La carte représentée contraste par exemple fortement avec les cartes habituellement accrochées aux murs des salles de classe ou reproduites dans les journaux à grand tirage. Dépourvue des lignes de frontière qui constituent pourtant un enjeu majeur de la politique internationale de l’époque, elle oppose visuellement l’Europe « éternelle » aux invasions barbares venues de l’Est. L’antibolchevisme initial laisse ici la place à l’anticommunisme et même à l’antisoviétisme. La carte rappelle de manière symbolique l’histoire récente de l’Europe, à commencer, en Allemagne, par l’écrasement de la révolution spartakiste de janvier 1919, puis l’interdiction du parti communiste K.P.D. par Hitler en 1933. En Turquie, la guerre nationaliste d’Atatürk repousse les Russes rouges au-delà de la frontière nord du pays. En Italie, dès 1920-1922, triomphe le mouvement fasciste de Mussolini, ancien socialiste devenu le pire ennemi des communistes de son pays. En Grande-Bretagne, la répression des manifestations ouvrières est implacable, le parti communiste peine à sortir de l’ombre, la rupture diplomatique avec Moscou est consommée en 1927. Seules l’Espagne et la France, toutes deux dirigées par un gouvernement de Front populaire, troublent ce rejet en apparence unanime de la révolution. Dans ces pays, le lancement de campagnes de propagande de masse par le moyen de la presse et de l’affiche est donc indispensable.

Maurice AGULHON, La République, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 2 tomes, nouvelle édition augmentée, 1990.

Jean-Jacques BECKER et Serge BERSTEIN, Histoire de l’anticommunisme en France, tome I « 1917-1940 », Paris, Orban, 1987.

Philippe BUTON et Laurent GERVEREAU, Le Couteau entre les dents : soixante-dix ans d’affiches communistes et anticommunistes (1917-1987), Paris, Chêne, 1989.

Pascal ORY (dir.), Nouvelle histoire des idées politiques en France, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », édition revue et augmentée, 1987.

René REMOND, Les Droites en France, Paris, Aubier-Montaigne, 1982.

Jean-François SIRINELLI (dir.), Les Droites françaises. De la Révolution à nos jours, Paris, Gallimard, coll. « Folio Histoire », 1992.

Michel WINOCK, Nationalisme, antisémitisme et fascisme en France, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 1990.

Alexandre SUMPF, « La menace communiste dans la France de l'entre-deux-guerres », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 21/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/menace-communiste-france-entre-deux-guerres

Anonyme (non vérifié)

est-ce que l'affiche a eut un impact , était faite à grande échelle ?
merci

sam 28/05/2011 - 23:18 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Concernant la diffusion des affiches, il s'agit d'affiches en couleur donc coûteuses pour l'époque, surcout pour la première. Émanant de groupes politiques de droite nationale, il est peut vraisemblable qu'elles étaient été diffusées largement et surtout pas dans les quartiers populaires où résidait un peuple de gauche alors très actif. En outre leur diffusion a sans doute été limitée à la région parisienne où les groupes politiques les produisant étaient surtout actifs.

Il est difficile d'évaluer l'impact de ces affiches mais on peut penser qu'elles avaient surtout pour vocation de renforcer l'anticommunisme d'une partie de la population et de légitimer l'opposition radicale, violente contre un communisme présenté comme une menace de l'étranger.

lun 30/05/2011 - 19:27 Permalien

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