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La Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830).

La Liberté guidant le peuple (28 juillet 1830).

Lieu de conservation : musée du Louvre (Paris)
site web

Date de création : 1830

Date représentée : 28 juillet 1830

H. : 260 cm

L. : 325 cm

huile sur toile

Domaine : Peintures

© RMN - Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

Lien vers l'image

RF 129

La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

Date de publication : Février 2022

Auteur : Malika DORBANI-BOUABDELLAH

<em>La Liberté guidant le peuple</em> d’Eugène Delacroix

La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix

Charles X et son impopulaire ministre, le prince de Polignac, remettent en cause les acquis de la Révolution. L’opposition libérale, par le biais du journal Le National, prépare son remplacement par le duc Louis-Philippe d’Orléans.

À la session de la Chambre le 2 mars 1830, Charles X menace de sévir. Les députés, par l’ « adresse des 221 », refusent de collaborer. Le roi signe et publie dans Le Moniteur quatre ordonnances tendant à supprimer la liberté de la presse et à modifier la loi électorale. C’est une violation de la Constitution. Et c’est la révolution à Paris. En trois jours dits « Trois Glorieuses » – les 27, 28 et 29 juillet –, les Bourbons sont renversés.

Achevé en décembre, le tableau est exposé au Salon de mai 1831. Il semble né d’un seul élan. Mais il découle des études faites pour les œuvres philhellénistes et d’une recherche nouvelle de détails et d’attitudes.

C’est l’assaut final. La foule converge vers le spectateur, dans un nuage de poussière, brandissant des armes. Elle franchit les barricades et éclate dans le camp adverse. À sa tête, quatre personnages debout, au centre une femme. Déesse mythique, elle les mène à la Liberté. À leurs pieds gisent des soldats.

L’action s’élève en pyramide, selon deux plans : figures horizontales à la base et verticales, gros plan faisant saillie sur le fond flou. L’image s’érige en monument. La touche emportée et le rythme impétueux sont contenus, équilibrés.

Delacroix réunit accessoires et symboles, histoire et fiction, réalité et allégorie.

La Liberté

Elle remplace d’Arcole. Vision nouvelle de l’allégorie de la Liberté, c’est une fille du peuple, vivante et fougueuse, qui incarne la révolte et la victoire. Coiffée du bonnet phrygien, les mèches flottant sur la nuque, elle évoque la révolution de 1789, les sans-culottes et la souveraineté du peuple. Le drapeau, symbole de lutte, faisant un avec son bras droit, se déploie en ondulant vers l’arrière, bleu, blanc, rouge. Du sombre au lumineux, comme une flamme.
La pilosité de son aisselle a été jugée vulgaire, la peau devant être lisse aux yeux des rhétoriciens de la peinture.
Son habit jaune, dont la double ceinture flotte au vent, glisse au-dessous des seins et n’est pas sans rappeler les drapés antiques. La nudité relève du réalisme érotique et l’associe aux Victoires ailées. Le profil est grec, le nez droit, la bouche généreuse, le menton délicat, le regard de braise. Femme exceptionnelle parmi les hommes, déterminée et noble, la tête tournée vers eux, elle les entraîne vers la victoire finale. Le corps profilé est éclairé à droite. Son flanc droit sombre se détache sur un panache de fumée. Appuyée sur son pied gauche nu qui dépasse de sa robe, le feu de l’action la transfigure. L’allégorie est la vraie protagoniste du combat. Le fusil qu’elle tient à la main gauche, modèle 1816, la rend réelle, actuelle et moderne.

Les gamins de Paris

Ils se sont engagés spontanément dans le combat. L’un d’entre eux, à gauche, agrippé aux pavés, les yeux dilatés, porte le bonnet de police des voltigeurs de la garde.
À droite, devant la Liberté, figure un garçon. Symbole de la jeunesse révoltée par l’injustice et du sacrifice pour les nobles causes, il évoque, avec son béret de velours noir d’étudiant, le personnage de Gavroche que l’on découvrira dans Les Misérables trente ans plus tard. La giberne, trop grande, en bandoulière, les pistolets de cavalerie aux mains, il avance de face, le pied droit en avant, le bras levé, un cri de guerre à la bouche. Il exhorte au combat les insurgés.

L’homme au béret

Il porte la cocarde blanche des monarchistes et le nœud de ruban rouge des libéraux. C’est un ouvrier avec une banderolle porte-sabre et un sabre des compagnies d’élite d’infanterie, modèle 1816, ou briquet. L’habit – tablier et pantalon à pont – est celui d’un manufacturier.
Le foulard qui retient son pistolet sur son ventre évoque le mouchoir de Cholet, signe de ralliement de Charette et des Vendéens.

L’homme au chapeau haut de forme, à genoux

Est-ce un bourgeois ou un citadin à la mode ? Le pantalon large et la ceinture de flanelle rouge sont ceux d’un artisan. L’arme, tromblon à deux canons parallèles, est une arme de chasse. A-t-il le visage de Delacroix ou d’un de ses amis ?

L’homme au foulard noué sur la tête

Avec sa blouse bleue et sa ceinture de flanelle rouge de paysan, il est temporairement employé à Paris. Il saigne sur le pavé. Il se redresse à la vue de la Liberté. Le gilet bleu, l’écharpe rouge et sa chemise répondent aux couleurs du drapeau. Cet écho est une prouesse.

Les soldats

Au premier plan, à gauche, le cadavre d’un homme dépouillé de son pantalon, les bras étendus et la tunique retroussée. C’est, avec la Liberté, la deuxième figure mythique tirée d’une académie d’atelier, d’après l’antique, appelée Hector, héros d’Homère, héroïsé et réel.
À droite, sur le dos, le cadavre d’un suisse, en tenue de campagne : capote gris-bleu, décoration rouge au collet, guêtres blanches, chaussures basses, shako au sol.
L’autre, la face contre terre, a l’épaulette blanche d’un cuirassier.
Au fond, les étudiants, dont le polytechnicien au bicorne bonapartiste, et un détachement de grenadiers en tenue de campagne et capote grise.

Le paysage

Les tours de Notre-Dame, symbole de la liberté et du romantisme comme chez Victor Hugo, situent l’action à Paris. Leur orientation sur la rive gauche de la Seine est inexacte. Les maisons entre la cathédrale et la Seine sont imaginaires.
Les barricades, symboles du combat, différencient les niveaux du premier plan à droite. La cathédrale paraît loin et petite par rapport aux figures.
La lumière du soleil couchant se mêle à la fumée des canons. Révélant le mouvement baroque des corps, elle éclate au fond à droite et sert d’aura à la Liberté, au gamin et au drapeau.

La couleur unifie le tableau. Les bleus, blancs et rouges ont des contrepoints. Les bandoulières parallèles de buffleterie blanche répondent au blanc des guêtres et de la chemise du cadavre de gauche. La tonalité grise exalte le rouge de l’étendard.

Le tableau glorifie le peuple citoyen « noble, beau et grand ». Historique et politique, il témoigne du dernier sursaut de l’Ancien Régime et symbolise la Liberté et la révolution picturale.

Réaliste et novateur, le tableau fut rejeté par la critique, habituée à voir célébrer le réel par des concepts. Le régime de Louis-Philippe, dont elle saluait l’avènement, le cacha au public.

Elle entra en 1863 au musée du Luxembourg et en 1874 au Louvre. Image de l’enthousiasme romantique et révolutionnaire, continuant la peinture historique du XVIIIe siècle et devançant Guernica de Picasso, elle est universelle.

Jean-Louis BORY, La Révolution de Juillet (29 juillet 1830), Paris, Gallimard, coll. « Les Trente Journées qui ont fait la France », 1972.

François FURET, La Révolution 1770-1880, Paris, Hachette, 1988, rééd. coll. « Pluriel », 1992.

Barthélemy JOBERT, Delacroix, Paris, Gallimard, 1997.

Hélène TOUSSAINT, La Liberté guidant le peuple. Les dossiers du Département du Louvre, no 26, RMN, 1982.

Philippe VIGIER, Paris Barricades (1830-1968), Les Collections de l’histoire, no 9, octobre 2000.

Malika DORBANI-BOUABDELLAH, « La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 29/03/2024. URL : histoire-image.org/etudes/liberte-guidant-peuple-eugene-delacroix

Une étude de l'œuvre sur le site de Panorama de l'art 

Le site du musée national Eugène-Delacroix, avec la biographie du peintre http://www.musee-delacroix.fr/fr/

Le dossier pédagogique de l'œuvre pour l'exposition Muse

Anonyme (non vérifié)

Ces informations m'ont beaucoup aidées ce site est mon préféré!

ven 23/05/2014 - 09:54 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Ce site est génial pour faire votre histoire des arts, il y a toutes les informations nécessaire à l'étude d'une oeuvre.

sam 07/06/2014 - 19:33 Permalien
Anonyme (non vérifié)

très bien présenté très bien interprété et très complet

sam 06/12/2014 - 14:20 Permalien
Anonyme (non vérifié)

ce site est FANTASTIQUE !! Que ferai-je sans lui pour mon Histoire des Arts ?!

jeu 16/04/2015 - 19:44 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Je me permets d'apporter une correction à ce que "moi" a écrit le 12/03/2014. En effet il/elle n'a pas bien lu les commentaires du site. La révolution représentée dans ce tableau n'est pas la Révolution Française de juillet 1789, mais "Les trois glorieuses", des émeutes qui ont duré trois jours, du 27 au 29 juillet 1830 et qui ont abouti au renversement de Charles X. Delacroix, né en 1798, avait l'âge de 32 ans lors des événements, et pas un an, comme "moi" l'a écrit. Par ailleurs Delacroix n'a pas mis longtemps pour peindre ce tableau, quelques mois seulement après les émeutes, puisqu'il l'a fini en décembre de la même année (1830).

dim 26/04/2015 - 12:01 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Grâce à cette analyse et cette explication si claire, je me suis à la fois amusée à faire cette œuvre pour l'histoire de l'art et à la fois enrichie en connaissances.

sam 09/05/2015 - 13:01 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Très déçu de voir que le site du musée du Louvre propose exactement le même article! Même phrases et thermes!
Logique que se soit bien expliqué dans c'est cas la!!!
Vraiment inadmissible comme conduite, c'est honteux!

sam 30/05/2015 - 19:44 Permalien
Anonyme (non vérifié)

http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-28-juillet-la-liberte-guidant-le-peuple

Allez sur le site et regardez de vous même! Exactement pareil sauf présentation qui a changé! Révoltant!

sam 30/05/2015 - 19:46 Permalien
Anonyme (non vérifié)

C'est forcement ce site qui a copié sur ce site et pas l'inverse!!! Cela ne sert à rien de créer un site si c'est pour copier celui des autres!

sam 30/05/2015 - 19:52 Permalien
Anonyme (non vérifié)

De très bonnes explication, très complet, bravo.

dim 31/05/2015 - 11:40 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

Je vous renvois à une réponse déjà formulée en 2011 et qui figure dans les commentaires ci dessus :
"Il s'agit du même auteur pour les deux notices, Malika Dorbani-Bouabdellah, collaboratrice scientifique au département des peintures du musée du Louvre et ancien conservateur au musée d'Alger.
Les études de L'Histoire par l'image fournis les auteurs sont des textes originaux.
Qu'il y ait des similitudes entre les deux textes semble incontournable pour deux textes d’une longueur analogue écrits par un même auteur sur un même sujet, même si le cadre éditorial de L'Histoire par l'image diffère légèrement se voulant avant tout un site d'histoire croisant également l'histoire de l'art."

A bientôt,

Anne-Lise

lun 01/06/2015 - 09:59 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Les mouchoirs de Cholet ne sont pas rouges avant 1900 mais blancs ou blancs et bleus! S'il s'agit d'une info tirée d'un commentaire de spécialiste dommage! Pour le paysan : ''le typographe, ouvrier instruit de l'imprimerie, donc de la presse et de la diffusion des idées." parait tellement plus plausible!

mar 28/05/2019 - 04:02 Permalien
Anonyme (non vérifié)

Bonjour,

La toile aurait été présentée sous le titre "Scène de barricade".
Par qui et quand a t-elle été nommée
"La Liberté guidant le peuple" ?

Merci d'avance.
Cdt;
Denis Scoupe

mar 22/10/2019 - 10:28 Permalien

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