Aller au contenu principal
Les Représentants des puissances étrangères venant saluer la République en signe de paix

Les Représentants des puissances étrangères venant saluer la République en signe de paix

Date de création : 1907

H. : 130 cm

L. : 161 cm

Huile sur toile.

Domaine : Peintures

© RMN-Grand Palais (Musée national Picasso-Paris) / Adrien Didierjean

lien vers l'image

MP 2017 40 - 21-537607

Le Douanier Rousseau, pacifiste et républicain

Date de publication : Avril 2008

Auteur : Alain GALOIN

A la fin du XIXe siècle, la France s’installe définitivement dans la République et poursuit une industrialisation déjà bien commencée sous le Second Empire ; l’Exposition universelle de 1889 est le gage d’une incontestable prospérité économique ; une nouvelle société se met progressivement en place. L’impressionnisme s’impose et devient le nouvel académisme, tandis que quelques échappées plastiques individuelles annoncent le siècle nouveau.

Henri Rousseau est l’une de ces personnalités artistiques originales et inclassables. Né à Laval en 1844, dans un milieu très modeste, il exerce la fonction de gabelou à l’octroi de Paris de 1871 à 1893, d’où son surnom de Douanier.

Son entrée dans la vie artistique est relativement tardive : en 1871, il commence à peindre en amateur passionné, sans culture ni métier. Il produit des paysages qui illustrent souvent les progrès techniques de son temps, des portraits, des sujets patriotiques et militaires, des scènes de la vie populaire et des vues d’un Paris qu’il ne quittera jamais. Mais sa notoriété est avant tout liée aux tableaux à sujets exotiques, dont l’inspiration est nourrie par ses visites au Jardin des plantes, au Museum d’histoire naturelle, ou tirés d’images empruntées aux dictionnaires, aux catalogues, aux livres de botanique ou aux chromos.

Recommandé par Paul Signac, il expose au Salon des indépendants en 1886, ce qui lui permet d’entrer dans le circuit artistique de son temps. En 1893, son ami Alfred Jarry, originaire comme lui de Laval, fait connaître sa peinture dans les milieux du Mercure de France.

Objet des sarcasmes et du dédain des critiques, son œuvre est unanimement appréciée des peintres symbolistes comme Paul Gauguin et Odilon Redon, ou des artistes d’avant-garde comme Pablo Picasso, Robert Delaunay, Marie Laurencin, Fernand Léger, Camille Pissarro ou encore le peintre américain Max Weber, qui lui consacre une exposition à New York en 1910.

Le Douanier Rousseau se sent néanmoins très éloigné des impressionnistes et des modernes. Admirateur d’Ingres et de peintres académiques comme Bouguereau ou Gérôme, il ne relève cependant ni de la tradition, ni de l’avant-garde. Sa peinture constitue une expérience originale, qui continue à susciter bien des interrogations.

En 1907, le Douanier Rousseau expose cette toile au XXIIIe Salon des Artistes indépendants. Elle témoigne de ses convictions pacifistes et républicaines et de son goût pour les allégories patriotiques. Le peintre y réunit, sur une même tribune, des chefs d’Etat présents et passés qui ne se sont jamais trouvés ensemble. A gauche, six présidents français - Armand Fallières, Jules Grévy, Sadi Carnot, Emile Loubet, Jean Casimir-Perier et Félix Faure - sont groupés sous la branche d’olivier que tend l’allégorie de la République française, une Marianne toute vêtue de rouge, coiffée du bonnet phrygien et qui s’appuie sur un bouclier portant l’inscription : Union des peuples.

A leurs côtés se tiennent neuf souverains étrangers : de gauche à droite, le Tsar Nicolas II de Russie, Pierre Ier de Serbie, François-Joseph d’Autriche, l’Empereur d’Allemagne Guillaume II, Georges Ier de Grèce, Léopold II de Belgique, Ménélik II d’Ethiopie, Muzaffar-al-Din de Perse et Victor-Emmanuel II d’Italie. A l’extrême-droite se tiennent les représentants des colonies françaises : Madagascar, l’Afrique noire, l’Indochine et l’Afrique du Nord. Tous ces personnages arborent un rameau d’olivier. Au second plan, à droite, des enfants de toutes les origines dansent autour de la statue du penseur humaniste Etienne Dolet, place Maubert.

Cette curieuse composition est sans doute l’allégorie la plus insolite et la plus utopiste du Douanier Rousseau. L’artiste y tente de satisfaire aux exigences de l’art officiel : il espère la vendre à l’Etat, mais c’est finalement Ambroise Vollard, le célèbre marchand de tableaux de la rue Lafitte, qui en fera l’acquisition. Pablo Picasso la lui rachètera en 1913. Exposée au Salon des Indépendants de 1907, la toile révèle un manque d’apprentissage, constant dans les autres productions du peintre, et fatal à la notion de perspective : c’est un espace à deux dimensions où l’utilisation symbolique de la couleur est consciente et manifeste.

Le Douanier Rousseau y met sa puissance créatrice au service d’un idéal de liberté, pacifiste et républicain. Certes, la France de la IIIe République est loin d’occuper, sur la scène internationale, la place que l’artiste lui confère sur la toile : le désastre de Sedan occupe encore tous les esprits. De même, Rousseau exagère le succès remporté par cette œuvre et l’attribue à la tenue de la Conférence internationale de La Haye, organisée de juin à octobre 1907, qui tente vainement d’aboutir à un accord sur le désarmement général. Or, le Salon des Indépendants a lieu en mars 1907 ! Néanmoins, l’œuvre s’inscrit dans la même veine que son tableau intitulé La Liberté invitant les Artistes à prendre part à la 22e exposition de la Société des Artistes Indépendants, exposé en 1906, où cet autodidacte de génie célèbre la nécessaire liberté qui doit présider à la production artistique.

GREEN Christopher, MORRIS Frances, FRÈCHES-THORY Claire, GILLE Vincent, Le Douanier Rousseau : jungles à Paris, cat. exp. (Londres, Paris, Washington, 2005-2006), Paris, Réunion des musées nationaux, 2006.

LEMAIRE Gérard-Georges, Rousseau, Paris, Cercle d’art, coll. « Découvrons l’art » (no 7), 2006.

PLAZY Gilles, Le Douanier Rousseau : un naïf dans la jungle, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes Gallimard » (no 153), 1992.

Alain GALOIN, « Le Douanier Rousseau, pacifiste et républicain », Histoire par l'image [en ligne], consulté le 23/11/2024. URL : https://histoire-image.org/etudes/douanier-rousseau-pacifiste-republicain

Ajouter un commentaire

HTML restreint

  • Balises HTML autorisées : <a href hreflang> <em> <strong> <cite> <blockquote cite> <code> <ul type> <ol start type> <li> <dl> <dt> <dd> <h2 id> <h3 id> <h4 id> <h5 id> <h6 id>
  • Les lignes et les paragraphes vont à la ligne automatiquement.
  • Les adresses de pages web et les adresses courriel se transforment en liens automatiquement.
CAPTCHA
Cette question sert à vérifier si vous êtes un visiteur humain ou non afin d'éviter les soumissions de pourriel (spam) automatisées.

Mentions d’information prioritaires RGPD

Vos données sont sont destinées à la RmnGP, qui en est le responsable de traitement. Elles sont recueillies pour traiter votre demande. Les données obligatoires vous sont signalées sur le formulaire par astérisque. L’accès aux données est strictement limité aux collaborateurs de la RmnGP en charge du traitement de votre demande. Conformément au Règlement européen n°2016/679/UE du 27 avril 2016 sur la protection des données personnelles et à la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 modifiée, vous bénéficiez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de portabilité et de limitation du traitement des donnés vous concernant ainsi que du droit de communiquer des directives sur le sort de vos données après votre mort. Vous avez également la possibilité de vous opposer au traitement des données vous concernant. Vous pouvez, exercer vos droits en contactant notre Délégué à la protection des données (DPO) au moyen de notre formulaire en ligne ( https://www.grandpalais.fr/fr/form/rgpd) ou par e-mail à l’adresse suivante : dpo@rmngp.fr. Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter notre politique de protection des données disponible ici en copiant et en collant ce lien : https://www.grandpalais.fr/fr/politique-de-protection-des-donnees-caractere-personnel

Partager sur

Découvrez nos études

La décoration picturale de l'Hôtel de ville de Paris

La décoration picturale de l'Hôtel de ville de Paris

La reconstruction de l’hôtel de ville de Paris après la Commune

Au terme de la semaine sanglante, les communards qui se repliaient devant l’armée…

I Want You for U.S. Army

I Want You for U.S. Army

1917, tournant de la Grande Guerre

Paru en juillet 1916, le dessin I Want You for U.S. Army est recyclé en affiche et largement diffusé pendant…

Enterrement de la II<sup>e</sup> République

Enterrement de la IIe République

Singulier destin que celui de cet enterrement de campagne ! Symbole de l’ordure moderne pour les contemporains, chef-d’œuvre révéré aujourd’hui,…

La France au service de l'unité italienne

La France au service de l'unité italienne

Après les révolutions de 1848, l’Italie a retrouvé le régime de 1815 : d’un côté des petites souverainetés despotiques sans aucun lien confédéral…

La Légende dorée de Napoléon

La Légende dorée de Napoléon

Durant la monarchie de Juillet, une flambée de bonapartisme se fit jour, encouragée par la politique de rassemblement national de Louis-Philippe.…

La Légende dorée de Napoléon
La Légende dorée de Napoléon
La fuite de Blois et la réconciliation

La fuite de Blois et la réconciliation

Le retour sur les années 1619-1621

Lorsque Rubens reçoit en 1622 commande d’un cycle de peintures pour orner la galerie occidentale du tout nouveau…

La fuite de Blois et la réconciliation
La fuite de Blois et la réconciliation
La France, […], reçoit de Louis XVIII la Charte constitutionnelle

La France, […], reçoit de Louis XVIII la Charte constitutionnelle

A la mort de Louis XVIII en 1824, son frère le comte d'Artois (1757-1836) accède au trône et porte jusqu’aux Trois Glorieuses le nom de Charles X…

L’échange des princesses

L’échange des princesses

Une toile mal placée ?

En 1622, Marie de Médicis passe commande au célèbre peintre anversois Rubens d’une série de toiles destinées à former un…

La France offrant la Liberté à l’Amérique

La France offrant la Liberté à l’Amérique

Jean Suau est un peintre d’histoire quelque peu oublié, né en 1755 et mort en 1841. Il fut l’élève du chevalier de Rivalz (Pierre Rivalz) et le…

Plus jamais ça !

Plus jamais ça !

« Plus jamais ça ! »

La Grande Guerre, par sa durée insupportable, l’extension et la multiplication de ses fronts, l’expérience des tranchées et…

Plus jamais ça !
Plus jamais ça !